IV- Traitement des scripts recueillis
Dans cette partie nous nous sommes intéressé aux
idées formulées par les interviewées, afin de
présenté un panel le plus représentatif possible des
pratiques, convictions, opinions et représentions de ces
infirmières éducatrices par rapport à leurs
activités et leur identité, de manière à
présenter fidèlement les caractéristiques d'une
réalité. Dans ce cadre, pour explorer les données obtenues
par les entretiens semi directifs, nous avons opté par une
méthodologie d'analyse de données selon trois étapes : la
phase de catégorisation, la phase descriptive et interprétative
et enfin, la phase d'analyse (Quivy & Campenhoudt, 2006). Dans ce sens,
nous avons retranscrit intégralement les scripts de chaque entretien et
les avons répertoriés dans des tableaux55, ensuite
nous avons procédé par un « codage chronométré
» des idées qui apparaissent au fil de l'écoute pour chaque
enregistrement. En deuxième phase, nous avons effectué le tri
à plat des scripts de chaque entretien, pour faciliter
l'interprétation des données et, pour faire émerger des
convergences ou des divergences dans la pratique de l'ETP par les
interviewées. Notre but est de chercher à produire du sens
à partir de ces données recueillies, qui ont fait l'objet d'une
analyse de contenu, que nous avons élaboré dans cette
quatrième partie de ce mémoire. Nous procéderons donc par
une méthode d'analyse thématique qui, selon Blanchet et Gotman,
est la plus « cohérente avec la mise en oeuvre de
modèles explicatifs de pratiques ou de représentations... »
(2001, p. 98). En effet, dans la partie qui suit, nous nous contenterons
de présenter que la phase descriptive et interprétative, suivi de
la phase d'analyse.
1- Synthèse des verbatims
Suite à la phase des tris à plat pour chaque
entretien, j'exposerai dans cette partie une synthèse des contenus
recueillis. J'ai choisi donc, de regrouper les sujets abordés durant les
entretiens en 07 thématiques, pour faciliter l'analyse et
l'interprétation des données et, pour faire émerger des
convergences ou des divergences dans la pratique de l'ETP par les
interviewées.
1) Présentation, représentation et
organisation de l'activité ETP par les infirmières
interviewées (moyens mobilisés, justification du choix,
...)
a) Présentation et organisation de l'ETP par les
interviewées
55 Joints en annexe n°5
81
L'enquête révèle des intentions
différentes par rapport à l'instauration de l'ETP dans les trois
services et une organisation distincte d'un service à un autre avec
quelques procédés semblables.
A l'Hôpital de Jour :
l'initiative de l'élaboration des programmes ETP répond au projet
de l'établissement. C'est le fruit du travail d'une équipe
pluridisciplinaire. Marie témoigne : « On a eu une
réunion de travail avec la coordinatrice de l'ETP, médecins,
diète, kiné, cadre... on a fait une fiche pédagogique avec
les déroulements de tous les thèmes. On nous a installé un
logiciel pour entrer les infos des patients et créer le dossier
éducatif » (00'37).
Dans ce cadre, la mise en place de ces programmes
éducatifs a été confiée au médecin
coordinateur de l'ETP et à une infirmière justifiant d'un Master
en éducation thérapeutique qui occupait le poste
d'éducatrice. Un an plus tard, l'infirmière éducatrice
quitte le service pour une promotion. L'HDJ s'est retrouvé alors sans
éducatrice. Ces circonstances ont eu un impact important sur la
poursuite de l'activité ETP dans le service. C'est à ce moment
que Marie une des infirmières du service postule pour le poste
d'éducatrice est l'occupe à ce jour, elle est la seule
infirmière éducatrice dans son service. Donc, être
éducatrice relève d'un choix personnel pour Marie :
« oui c'est un choix. En fait, j'avais une collègue DU qui
occupait ce poste. Et éduquait les patients. Et quand elle est partie,
j'ai demandé d'occuper son poste de référente...et
voilà 3 ans déjà. En 2011, j'ai en fait repris les
programmes, les ateliers qui n'avaient pas encore était fait
(00'10).
-Marie n'organise que les séances collectives :
elle les réalise dans une salle appartenant à
l'hôpital, qu'elle réserve tous les jeudis. Elle a mis en oeuvre
un prospectus qu'elle propose aux patients pour les initier à la
pathologie et aux séances proposées : « j'ai fait un
p'tit flayer pour représenter un p'tit peu ce que l'éducation
thérapeutique » (01'48).
-Marie propose aux patients trois programmes
éducatifs le jour du diagnostic éducatif : chaque
programme représente un atelier éducatif. L'atelier dure environ
3 à 4h, concentré sur une journée dans la semaine (le
jeudi) soit le matin, ou l'après-midi. Les trois ateliers sont
programmés successivement deux mois plus tard. Le premier atelier, Marie
le réalise avec un rhumatologue et un pharmacien. Le nombre de
participant est de 5 à 6 personnes. Le deuxième atelier, elle
l'accomplit avec une diététicienne. Le nombre de participants est
limité à 8 personnes. Le troisième atelier, Marie
l'effectue avec un kinésithérapeute et un ergothérapeute.
Le nombre des participants est aléatoire, jusqu'à 10 personnes
réparties souvent en deux groupes. Marie a réalisé en
2015, 31 diagnostics éducatifs et 12 ateliers.
82
En Unité de Diabétologie
: avant l'année 2011, la diabétologie relevait du
Service de la Médecine Interne. Laura et les autres infirmières
prenaient en charge tous les patients y compris les patients diabétiques
pendant 12 ans. Ensuite, les responsables et les médecins du service ont
voulu créer une unité indépendante, prenant en charge que
les patients diabétiques, cette unité a été
intitulée « l'aide médicale ». Le but était de
commencer des éducations informelles (une initiative des médecins
du service). C'est dans ce cadre que l'infirmière Laura s'est
retrouvée dans cette unité, pour elle, il s'agissait de
séparer les différentes pathologies traitées dans son
service. Ensuite, il y eu l'introduction de la pratique de l'ETP.
L'unité de « l'aide médicale » prend donc l'appellation
de « l'unité de diabétologie » depuis 2011. Dans cette
perspective, des programmes ont été établis par les
professionnels de cette unité.
Laura exprime que la pratique de l'ETP ne
relève pas d'un choix personnel pour elle, mais d'une réponse
à une volonté de changement de pratiques dans le service
: « on n'avait pas vraiment le choix. Au départ, on
était l'aide médicale...puis on a parlé de
l'éducation thérapeutique dans tout l'hôpital et, on a
changé de contenus. Et on a établi des programmes »
(00'24).
-Pour la prise en charge de l'ETP, Laura partage
l'exercice de cette activité avec 5 autres infirmières
éducatrices. Elles se succèdent selon un planning de
travail. Chaque éducatrice prend en charge l'activité ETP pour
une durée de 2 mois consécutifs dans l'année. Les autres
mois de l'année Laura ne s'occupe que des soins curatifs : «
...on ne travaille pas en même temps. C'est un planning... je suis
éducatrice que deux mois dans l'année... » (05'59).
-Pour la réalisation des séances
éducatives, Laura propose aux patients des séances de
groupe et des séances individuelles.
En séances de groupe, Laura
réalise deux programmes d'ateliers : le premier est adressé aux
patients diabétiques type I et II : Il comporte un parcours de trois
séances éducatives pour chaque patient. Le mercredi matin :
l'atelier avec un psychologue, le jeudi matin : l'atelier alimentation avec la
diététicienne et le jeudi après-midi : l'atelier pieds
avec une aide-soignante. Chaque atelier dure environ 3h30. Le deuxième
programme concerne les patientes atteintes du Diabète Gestationnelle
(DG). Sa durée est de 2h30. Par manque de temps (en lien avec la date de
l'accouchement des patientes), Laura n'a pas choisi de méthode pour ce
programme. Elle réalise le diagnostic éducatif en séances
collectives pour toutes les patientes ensembles. Ensuite, elle personnalise si
besoin. Ces patientes sont adressées de la maternité en groupe de
4 à 5 patientes à la fois. Cette mission ne semble pas facile
pour Laura : « on n'a pas choisi de méthode, ...il y en a...je
prends pas de p'tit déj, il y en a que des boissons
83
sucrées. On a une dame qui mange en continu...
Quand on a ce genre de situation...on ne va pas détailler... l'acide
essentiel...nanana. On s'adapte, c'est dur de commencer par un diagnostic pour
tout le groupe en même temps, ... En fait l'éducation
thérapeutique c'est aussi avoir la capacité de
s'adapter...voilà » (08'25).
En séances individuelles : A chaque
patient, Laura propose un parcours éducatif de trois séances,
(l'initial, le suivi et le renforcement). Elle fixe les rendez-vous, convoque
et rappelle les patients. Le suivi est proposé pour revoir les
objectifs. Les patients ont le choix de l'effectuer au niveau du
réseau. Le renforcement est proposé qu'aux patients qui
ont besoin de plus de séances éducatives. Les séances
individuelles se déroulent tous les lundis, mardis et vendredis de la
semaine. Elles durent environ 1h.
En Service de Cardiologie :
l'initiative de la mise en place de l'ETP dans ce service est naît d'un
manque de l'effectif médical et d'une volonté d'aménager
la charge du travail des cardiologues aux urgences, le fait que la
journée de présence du médecin est partagée entre
ce service et le service des urgences. D'après Sophie : «
l'idée de l'ETP, c'était de désengorger un p'tit peu les
urgences et puis prendre ce qui était spécifique à la
cardiologie » (00'34).
-Pour la prise en charge de l'ETP, le poste
d'éducatrice a été proposé à
l'infirmière Sophie par son cadre de service : « On
m'a proposé le poste d'éducatrice...j'ai accepté
» (00'34). Sophie devient la seule infirmière
éducatrice dans son service. Depuis l'instauration de l'ETP dans le
service, Sophie consacrait deux jours (le mardi et le jeudi) de chaque semaine
dédiée à l'activité éducative. Depuis 2015,
elle ne pratique qu'une journée par semaine (le jeudi), cette baisse de
l'activité ETP est expliquée par la diminution de la file active
: « il n'y a pas assez de patients » (00'59).
-Pour la réalisation des séances
éducatives, Sophie ne procède que par des séances
individuelles, elle propose un programme de trois jours
d'éducation aux patients pendant leur hospitalisation. Un mois
après la sortie du patient, Sophie le convoque pour le suivi, et lui
propose deux séances d'apprentissage. Chaque séance se concentre
sur une journée dans la semaine (le jeudi), dans un bureau. La
séance dure environ 3heures.
Les procédures identiques aux trois services
-Pour les trois services, la proposition de l'ETP aux
patients relève, soit d'une prescription médicale, soit d'une
initiative de l'infirmière éducatrice dans le cadre de
son rôle propre. Les éducatrices disposent d'un dossier
éducatif indépendant du dossier médical,
spécialement conçu pour le suivi du parcours éducatif de
chaque patient.
84
-Les trois infirmières éducatrices
« recrutent » les patients sur l'ordinateur, elles
élaborent le diagnostic éducatif (appelé aussi l'initial)
et définissent les objectifs avec le patient. A l'HDJ et en service de
Cardiologie, Marie et Sophie n'établissent le diagnostic éducatif
que si le patient est d'accord pour un suivi éducatif. Alors qu'en
service de Diabétologie, Laura élabore systématiquement le
diagnostic éducatif pour tous les patients atteints du diabète
type I et II, ayant fait un séjour dans l'unité. Les
éducatrices organisent soit des séances individuelles, soit des
séances collectives. Les autres professionnelles
(diététiciens, kinésithérapeutes, ...) collaborent
aux séances collectives selon leurs disponibilités. Dans les
trois services, les infirmières éducatrices réalisent
seules le diagnostic éducatif et les séances individuelles avec
les patients.
-Les activités éducatives reposent sur
des méthodes pédagogiques comme la discussion,
l'échange, la répétition des termes médicaux, la
reformulation, et le partage des informations entre les participants et les
différents intervenants. La répétition des termes
médicaux représente un des outils éducatifs pour Laura :
« Il ne va pas tout retenir d'emblée. Ça va être
répété...répété, pendant trois jours
» (10'23).
-Les thèmes abordés sont choisis par les
patients, et dépendent des objectifs fixés. Le
témoignage de Marie révèle que les patients apportent
leurs connaissances sur les thèmes choisis et, les intervenants
(l'éducatrice seule ou accompagnée d'un professionnel de
santé) contrôlent les acquisitions des patients et interviennent
pour plus d'explications : « on leur demande de choisir deux cartes :
soit parce que ça les interpelle, soit parce qu'ils connaissent et ils
veulent en parler. Soit par ce qu'ils ne connaissent pas du tout, et ils
aimeraient en s'avoir. Voilà...par exemple le thème de la
douleur, tout le monde est intéressé... et tout le monde peut
intervenir pas que la personne qui a choisi cette carte » (13'02).
-Pendant les séances éducatives, les
trois éducatrices mobilisent des moyens humains et matériels
comme : les professionnels de santé (diète, kiné,
pharmacien,), les patients, les compagnons, les ateliers, le support
informatique, le diagnostic éducatif, la programmation, le suivi,
l'évaluation, les transmissions, les outils visuels tels que, les
cartes, les prospectus, le matériel utilisé par les patients
(appareil à glycémie, tensiomètre, ...). Les trois
éducatrices réalisent les séances individuelles soit dans
la chambre du malade, soit dans un bureau appartenant à leur service, si
celui-ci est disponible.
-Pour l'évaluation des séances
collectives, Marie et Laura proposent aux patients un questionnaire de
satisfaction en fin de chaque séance. Pour le suivi, les patients ont le
choix entre l'Hôpital et le réseau. Laura témoigne :
« Il y a le suivi des patients mais c'est nous qui
85
le faisons, c'est le questionnaire de satisfaction pour le
groupe et...pour le suivi ils ont le choix. Soit ici soit au réseau...
» (34'45).
-Pour l'évaluation des séances
individuelles, les trois éducatrices doivent reprendre le
diagnostic éducatif pour évaluer les compétences du
patient. Le manque de temps ne leur permet pas de réaliser cette
procédure, aussi, les patients ne semblent pas motivés pour
revenir à l'Hôpital, Marie témoigne : «
...normalement on devrait refaire un diagnostic. Au niveau timing c'est un peu
difficile. Ça prend du temps...moi je passerai trois quarts d'heure
sur...mine de rien...et j'essaie de ne pas dépasser une heure avec
chaque patient. Et après on a les retranscriptions. Je ne veux pas
utiliser l'informatique devant les patients. C'est vrai que...faire revenir les
gens pour discuter ce n'est pas évident. Les gens ne sont pas
forcément disponibles... Il y a des gens qui viennent de loin »
(33'00).
-Pour l'évaluation de l'activité ETP
en tant que telle, le témoignage des trois infirmières
éducatrices confirme qu'aucun suivi professionnel n'a été
effectué depuis l'intégration de cette activité
éducative à leur quotidien. L'analyse des pratiques
professionnelles éducatives ne fait pas encore partie des
priorités de ces services. Marie et Sophie expliquent que cela est
dû au manque d'outil d'évaluation : « ...on n'a pas
d'outil d'évaluation de l'activité je pense...notre travail, je
ne sais pas, on n'a jamais été évaluer »
(43'25). « L'activité
thérapeutique en tant que telle, je dirai qu'on n'a
pas d'outil pour l'évaluer... » (35'41). Laura
précise qu'il n'y a pas de suivi professionnel pour les
infirmières éducatrices : « Il n'y a pas le suivi d'un
professionnel. Qui nous dirait si c'est ça ce qu'on fait. L'analyse des
pratiques qu'est ce qui la fait. ...l'analyse de l'activité...il faut
justifier de nos formations d'éducation thérapeutique. Mais qui
vient nous évaluer sur le terrain, pour nous dire que finalement, on ne
fait pas juste ce qu'on fait, ...qu'on prend pas juste un thé avec le
patient...et ben personne...On remplit des dossiers sur l'ordi...qui regarde et
remarque ce que je marque en compte rendu...qui...pas du tout. Personne, il n'y
a personne qui regarde ce qu'on fait... je pense... » (35'04).
b) Les représentations de l'ETP par les
interviewées
Le témoignage de ces trois infirmières
éducatrices va nous éclairer davantage sur leur
représentation de l'ETP. Pour cela, j'ai demandé à ces
infirmières de me décrire leur signification de
l'éducation par rapport à l'information et la
persuasion, le fait que ces trois vocables sont souvent
employés dans la terminologie des soins infirmiers.
Chaque infirmière a répondu selon sa
représentation influencée par sa propre expérience
éducative. La représentation de l'éducation
est semblable pour les trois interviewées. Elle
86
est représentée par la discussion,
l'échange, et le partage des informations entre les participants et les
intervenants. Elle privilégie l'effet de groupe, l'intervention des
éducatrices est au second plan. C'est un moment d'apprentissage.
- Laura définit l'éducation comme un
apport d'information donné en réponse à un besoin
éducatif, n'ayant aucun lien avec l'information en
réponse à une demande. L'éducation pour Laura donne un
sens au métier de l'infirmière. Elle décrit avec une
grande intelligence intuitive sa représentation de l'ETP : «
...c'est un soin qu'on va mettre au même niveau qu'un autre... pour moi
l'éducation ça aller de soi...c'est comme ça que je vois
mon métier. Je ne le vois pas sans. Sinon c'est un métier qui est
dénué de sens...c'est inclus dans la prise en charge... »
(16'48). « C'est vrai qu'il a un apport d'information dans le but
ensuite de pouvoir réfléchir à quelque chose et pouvoir
prendre conscience de se qu'on fait...pourquoi on le fait et qu'est ce qu'on
peut en tirer. Parce que pouvoir faire des glycémies ce n'est pas
facile...et si on ne fait rien derrière...ça ne sert pas à
grand-chose. Le conseil, on peut le faire sans éducation, à moins
qu'il réponde à un besoin éducatif, oui,
donner...donner...ce n'est pas faire de l'éducation. Donc
automatiquement l'éducation vient après l'information »
(01'29).
- Marie différencie l'éducation
thérapeutique de l'action thérapeutique : « on
parle de la pathologie...le débat reste ouvert... On n'est pas
là...pour faire une thérapie de groupe ...et ce n'est pas juste
des infos qu'on donne » (21'39).
-L'éducation pour Sophie aborde la
qualité de vie : « c'est une autre prise en charge de
la maladie dans sa globalité...ce n'est pas un moment de compassion,
...mais d'apprentissage, ...pour nous ou pour les patients, ... » (02
'44).
La persuasion en ETP ne fait pas partie des outils de
travail des trois éducatrices : par exemple le
témoignage de Sophie confirme que le patient a le droit de refuser les
soins : « si cette dame n'est pas convaincue et ne réalise pas,
moi je ne peux pas être persuasif » (02'44). Les trois
interviewées expriment des représentations différentes par
rapport aux deux rôles (soignant et éducatif) : Marie
n'exprime aucun choix par rapport aux deux rôles. Elle les met au
même niveau, malgré leur différence de pratique :
« ...je ne sais pas si je voudrai faire que de l'ETP. Parce que j'aime
aussi ce que je fais ...en cancérologie. En fait se sont deux
activités différentes que j'aime ...mais si je devais faire un
choix entre les deux. Je serais bien embêtée »
(36'43).
- Pour Laura, les deux activités se complètent :
« c'est un soin qu'on va mettre au même niveau qu'un autre. Pour
moi c'est évident... pour moi l'éducation ça aller de soi.
Pour moi c'est comme ça que je vois mon métier. Je ne le vois pas
sans. Sinon c'est un métier qui est
87
dénué de sens... pour moi c'est inclus dans la
prise en charge... Je ne peux pas
travailler sans éducation... »
(16'48).
-Sophie reconnaît que le rôle d'éducatrice
a renforcé son comportement de soignante. Elle remarque qu'elle commence
à se lasser du rôle soignant au regard des compétences de
l'ETP qui la valorisent plus : « ...l'éducation a
renforcé mon côté soignant. J'aime les deux...j'aime bien
le curatif mais l'éducation c'est un autre moment. Mais je commence
à me lasser du curatif parce que c'est superficiel. Il n'y a pas de
communication véritable mise à part le geste technique. On n'va
pas connaître les patients, on est satisfait de bien faire le soin, on
n'a pas de retour du patient. La communication ne va pas s'approfondir. On
essaie de connaître la maladie mais pour le malade s'il n'y a pas
d'éducation...pas d'échange. J'ai l'impression qu'on apporte
peu...normalement on doit pratiquer les deux » (25'07).
2) Distinction entre une activité ETP et une
autre activité (description, notion du temps...)
Description de l'activité d'infirmière
par les interviewées : Les trois éducatrices travaillent
chacune dans son service d'affectation comme infirmière. Elles
réalisent à la fois des tâches propres et des actes
délégués. Ces infirmières ont une charge de travail
différente et intense, qui leur demande une grande technicité.
A l'Hôpital de Jour,
Marie, en dehors de la journée consacrée à
l'éducation (le jeudi) ne réalise que les soins techniques. Son
planning est de journée (9h-18h), elle ne fait pas de transmissions
orales entre équipes, car elle n'a pas de relève, elle prend en
charge des patients qui souffrent de pathologie cancéreuse, ou autres
pathologies chroniques : « ...il y a des gens qui viennent pour la
chimio...les gens qui ont des scléroses en plaques pour un traitement en
IV, des gens qui souffrent de polyarthrites, des maladies de crohn, et certains
examens qui doivent se faire dans la journée...voilà. Ensuite on
fait la chimiothérapie des cancers gastro, ORL, hématologie qui
viennent faire leur chimio...en fin le suivi de tout ça... »
(36'17).
A l'unité de Diabétologie et en
service de Cardiologie, Laura et Sophie travaillent selon
un planning réparti en deux temps, soit un roulement du matin ou du
soir. Chacune a une représentation de l'ensemble des malades
présents dans son service, des soins qui doivent être
prodigués, suivant les transmissions entre équipes et les
prescriptions médicales. Laura et Sophie planifient les
différentes tâches selon une logique de priorité. Elles
réalisent aussi les tâches administratives et travail en
binôme avec l'aide-soignante si besoin. Le témoignage de Sophie
confirme de l'intensité de la charge de travail et de la
diversité des tâches de l'activité infirmière :
« Quand je ne fais pas l'ETP les autres jours, j'arrive dans le service
à 6h30 et je
88
finis à 14h30, il y a des moments de transmissions.
Le temps passé dans les chambres, les traitements, les prises de sang,
faire les pansements, faire le tour avec le médecin... Il est
déjà midi et, il faut donner de nouveau les traitements, il faut
expliquer, il faut faire les transmissions entre équipe. Si je suis
d'après-midi, c'est de 14h15 à 21h15, généralement
c'est la même chose au niveau des traitements, des soins, sauf qu'on fait
en plus les retours de bloc, les surveillances...les préparations des
dossiers...les imprévus, les entrées, les sorties, les staffs,
les réunions du service, les trans écrites... »
(19'44).
Les trois interviewées différencient
l'activité ETP de l'activité des soins curatifs par
rapport au temps, à l'organisation, à l'approche du patient et
à la posture. Le « face à face » et
l'échange représentent une posture communicative pendant l'ETP
pour Marie et Laura. Les deux activités se complètent pour
Sophie.
-Le moment du soin est décrit comme pratico
pratique, le peu de communication est centré sur le soin pour Marie
: « Quand on fait les éducations pour les auto injections, on
reste plus dans le soin... Je vais parler de la technique d'injection, du
matériel... Et quand on fait une éducation, c'est des
séances qui demandent des techniques, des préparations..., En
ETP, l'approche du patient n'est pas la même, on se regarde dans les
yeux. Dans le soin...je suis plus concentré sur l'acte. ... je ne
discute pas avec le patient sur sa vie, je le réassure, je fais mon
soin, ... » (21'39). « ...On voit bien qu'on n'est pas du
tout dans la même posture. On voit bien que c'est complètement
différent de faire de l'éducation au soin et l'éducation
thérapeutique... » (28'05).
Les interviewées expriment les mêmes
représentations sur la notion du temps par rapport aux deux
activités : l'activité du soin médical leur exige
une gestion du temps épuisante. Les infirmières
éducatrices mettent en avant le manque de temps et sa gestion difficile,
qui peuvent engendrer un stress en lien avec la charge de travail, comme le
confirme le témoignage de Marie : « en soins, le temps est
partagé entre les patients et les autres tâches...et si une
tâche non prévue se rajoute, ça déborde et on sera
obligé de rester plus dans le service, ce qui peut engendrer le
stress... » (28'57). Sophie rajoute à ce témoignage :
« il faut tout faire et finir à temps, c'est super stressant,
on court tout le temps après le temps... On n'a pas le temps pour le
patient... » (28'44).
- Pendant l'activité ETP, le temps est mieux
géré, même s'il reste aussi fatigant psychologiquement pour
les infirmières éducatrices. Il leurs exige beaucoup
d'écoute et de concentration. Le temps pour Marie représente un
temps d'apprentissage et de partage : « il faut prendre du temps... il
faut laisser le temps aux patients...on n'est pas pressés...
»
(28'57).
89
-Laura exprime qu'il faut consacrer beaucoup de temps aux
patients souffrant de pathologie chronique, pour elle : « sur la
chronicité...on a le temps de travailler l'ETP... Ce n'est pas en 15
jours qu'il va mettre sa vie en péril » (12'11) « Moi
je suis là en consultation. On a le temps de recevoir les patients. On
ne fait pas d'autres soins...qui nous rappellent en timing... Si un peu mais
pas de stress comme en soin... » (06'16).
3) Différences et similitudes entre la posture
de soignante et la posture d'éducatrice (rôle éducatif,
bascule entre soin et éducation, ...)
-Les interviewées perçoivent les
mêmes différences entre le rôle d'éducatrice et le
rôle de soignante : un qualifiée de technique et l'autre
de relationnelle pour Sophie (25'05). La différence est dans l'attitude
de l'infirmière et du patient au moment des deux activités. Les
trois infirmières éducatrices avouent qu'elles n'adoptent pas les
mêmes attitudes en soin et en ETP. Chaque activité a sa propre
posture d'après ces infirmières.
- Pendant le soin, les interviewées
témoignent d'une posture de soignante et un rôle d'acteur. Le
rôle du patient est de recevoir le soin, Sophie révèle :
« je suis plus dans les attentes médicales » (14'05).
« Il n'y a pas de véritable communication... à part le
geste technique » (25'07).
- Pendant l'ETP, les infirmières
éducatrices s'octroient le second rôle. Elles apportent de l'aide,
assurent l'accompagnement, le soutient et l'écoute. Le patient est
acteur, il apporte les connaissances et les informations. Marie témoigne
: « ce n'est pas la même chose. Le patient apporte
l'information. Nous on a le second rôle » (24'45). Elle rajoute
« ...Je me considère plus dans l'aide, dans l'accompagnement
que dans le soin » (43'46). « Nous on a le second rôle
» (24'45). Laura se décrit dans une posture de « non
savoir » : « Nous on répond sans ce côté
pouvoir ou savoir » (06'36).
Les interviewées perçoivent
différemment leur rôle en séance éducative :
Marie prépare seule les ateliers de groupe. C'est elle la
régulatrice de son activité. En présence d'un
professionnel de santé, elle apporte sa partie « pratico
pratique », note les scripts et intervient si besoin. C'est un
rôle « interchangeable » :« on est le fil rouge, on
fait tous les ateliers avec les patients d'a à z, ...les autres sont
là en épisode.... C'est vrai qu'on est les
référentes.... C'est nous qui sommes...les régulateurs...
» (12'16) « ...quand je suis avec le pharmacien, c'est plus
son rôle d'intervenir, moi je note le script...des fois j'interviens...
» (17'59) « ...le pharmacien apporte sa partie, moi
j'apporte ma partie plus pratico pratique...c'est aussi le rôle qu'on
s'est donné...En fait on est complémentaire »
(18'17).
90
-Laura s'octroie le rôle d'organisatrice de
l'activité ETP, et d'accompagnatrice dans l'apprentissage du patient. En
séances collectives, elle partage le rôle d'animatrice avec un
professionnel de santé : « En individuel, ...je lui apporte les
connaissances, je l'accompagne dans son apprentissage...c'est moi qui
gère. En groupe si c'est avec la diète, elle apporte sa partie,
moi je note si besoin, j'interviens si ça à un lien avec la
physiologie...si avec le médecin, pareil...après moi je rajoute
des explications si besoins... chacun son rôle » (08'60).
-Sophie organise, gère et réalise son activité d'ETP toute
seule, elle n'exprime aucun rôle : « ...je suis toute seule
pendant la séance éducative...j'organise et je réalise la
séance... j'accompagne le patient dans son apprentissage... »
(24'34).
-Les trois interviewées expriment que la pratique de
l'ETP leur exige la maîtrise de certaines compétences
éducatives, d'être dans une posture d'accompagnement, de
solliciter des attitudes et des capacités tels que : l'écoute, la
reformulation, l'accueil, les techniques de la communication et de
l'échange (savoir se mettre face à la personne, ...) Ces
différentes compétences sont enseignées pendant la
formation continue de 40h en ETP. Laura témoigne : « la
formation nous aide à prendre conscience de ces
compétences...nécessaires à l'éducation comme
l'écoute, la reformulation... » (14'57).
La bascule entre les deux activités et le
changement de casquette sont perçus par les interviewées
comme un moment difficile. Elles expriment la nécessité d'un
temps d'adaptation pour pouvoir accomplir chaque activité.
-Marie assimile le changement de posture à la tenue de
travail. Pendant l'ETP, elle ôte la blouse : « ...c'est
difficile, il faut bien être au claire...parce que là...allez
up...j'enfile ma blouse et je change de casquette...ce n'est pas évident
» (31'39).
-Pour Sophie, cette bascule lui évite la routine
quotidienne, malgré que le changement de casquette, lui octroi plusieurs
activités à gérer : « ...en termes de
casquette...ça tourne. Je fais les soins intensifs, les soins de
médecine, l'ETP et les consultations externes... les étudiants,
il faut les encadrer. Ça fait beaucoup de casquettes je veux dire...vous
êtes obligé de vous y adapter. Il y a des jours où on n'est
pas dedans, dans la casquette qu'il faut. ...moi je me pose pour faire le point
et revoir les attentes de chaque activité. ...c'est bien de ne pas faire
la routine » (25'16).
4) Relation et interaction entre infirmière et
patient (comportement des uns et autres par rapport au soin, pendant l'ETP et
d'éventuels changements...)
91
- La représentation de la relation
infirmière/patient au regard des interviewées est
différente au moment du soin qu'au moment de
l'éducation. Elles la qualifient de relation à sens
unique pendant le soin, et d'échange en ETP. La relation se distingue
par rapport au rôle de chacun.
- Pour Marie, la relation infirmière/patient varie en
fonction de l'activité, du lieu, du temps et du contexte de la
rencontre. Elle exprime qu'elle ne peut être disponible à l'ETP
qu'au moment dédié à cette activité. Pour
répondre aux sollicitations des patients, en dehors de l'ETP, elle les
renvoie vers ses collègues. Le patient ne fait pas forcément la
différence entre les deux missions de l'infirmière
éducatrice. Il agit par mode relationnel, il l'identifie par rapport
à son rôle d'éducatrice. Cette relation représente
aussi pour Marie un moment intense, une forme de complicité et de
confiance qui se crée autour du soin éducatif. Pour elle, le port
de la tenue de travail bloque cette relation harmonieuse : « ...il y a
une complicité, le patient se sent plus proche de moi et c'est
réceptif ...il m'a vu dans cette posture d'écoute... il vient me
solliciter plus par rapport à mes collègues. Mais je comprends
aussi. C'est aussi mon rôle... » (38'07). « En fait la
blouse met la barrière. ...ça crée tout de suite une
différence...le soignant...le soignant » (11'34).
-Pour Laura, la relation en séance éducative est
différente de la relation pendant le soin. Elle se distingue par rapport
au rôle de chacun. Chacun reconnaît son rôle. C'est aussi une
relation d'échange et d'émotion entre infirmière et
patients : « ...en soin, c'est nous qui sommes acteurs
déjà. Lui il consent le soin...sans trop de questions. ... le
patient quand il voit que le soignant est centré sur le soin, il ne
dérange pas trop on va dire comme si qu'il connaît son rôle
à ce moment... » (32'24). « ...en ETP, la relation
est une sorte d'entretien, de dialogue,
c'est plein d'émotion... » (31'45).
-Pour Sophie, le patient ne change pas d'attitude, c'est elle
qui le met en posture passive ou d'échange selon la situation :
« Le rôle du patient je veux dire c'est moi qui change... le
patient c'est moi qui lui dit, qui lui laisse la parole ou pas pendant le soin.
En éducation il est acteur donc c'est lui qui parle »
(19'24).
5) Changement personnel et professionnel (au niveau de
la pratique au quotidien, de l'organisation du système
d'activités, ...)
- Les interviewées expriment des changements
différents influencés par des compétences
pratiquées en séances éducatives et, acquises en formation
ETP.
-Marie perçoit des changements par rapport
à l'éducation à l'auto-soins influencés
par sa posture d'éducatrice. Elle s'inspire des compétences de la
pratique éducative pour développer
92
ses pratiques d'infirmière : «
forcément...je m'inspire... sur ce que je fais en
éducation... c'est de la formation quand même. On n'est pas au
même niveau. On n'a pas la même posture quand même »
(40'55). « ...C'est des capacités qui se
développent... qui évoluent » (40'47). -Sophie
perçoit des changements dans ses actions et dans l'organisation de ses
tâches d'infirmière influencés par les
compétences éducatives. Elle ne procède plus de la
même manière. Elle favorise le dialogue, l'écoute et la
communication. Elle prend plus de temps avec le patient pour instaurer le
relationnel dans son travail au quotidien : « Oui forcement, pour la
chimio, je ne commence pas par prendre les constantes, installer le
patient...j'essaie toujours...de discuter. ...je prends le temps pour mettre le
patient alaise...je laisse parler le patient... Avant, je ne pratiquer pas
pareil, j'installé le patient, ...la chimio c'est dur donc
j'évite de trop parler...et là je comprends que la communication,
l'échange, l'écoute active c'est des choses qui nous rapprochent
plus du patient et ça grâce à l'éducation et
à la formation... » (19'21).
-Pour Laura, le changement est dans la prise de
conscience pour certaines compétences éducatives
pratiquées inconsciemment par le fait de sa posture d'infirmière
: « le changement c'est dans la conscience de
l'écoute... Peut être que je faisais naturellement. Mais, je n'en
avais pas forcement conscience...la conscience de l'écoute et d'autres
outils... » (23'48).
- Les trois interviewées dévoilent un
changement dans leurs comportements personnel et professionnel, par rapport
à l'approche du patient et à la posture d'infirmière
:
-Marie reconnaît des modifications de certaines
habitudes personnelles et professionnelles, elle essaie de rendre
l'autre (son enfant ou son patient) plus actif, plus autonome. Elle a
adopté les techniques de la communication dans son travail et dans sa
relation avec l'autre. Avant, elle dictait au patient ce qu'il devait faire.
Maintenant, elle le fait participer : « ... forcément, il y a
eu un changement dans ma pratique en tant qu'infirmière.
Après...il y a quelque chose que je mets en pratique tout le temps
même dans ma vie personnelle » (39'16). « J'essaie de
le rendre plus actif. Il participe plus. Il communique plus. Il parle de sa
maladie. Moi je mets plus d'écoute... » (39'28).
-Laura n'impose plus le soin au patient. Elle
discute, elle négocie et, parfois elle revoie ses pratiques. Elle
témoigne que la technique d'imposer le soin marchait avant
d'intégrer l'ETP, parce qu'elle n'avait pas d'autre alternative. Pour
elle, ce changement est en lien avec la pratique de l'ETP car l'acquisition de
nouveaux outils d'apprentissage lui a permis de voir autrement la pratique du
soin : « On ne savait pas faire autrement... » (30'23).
« ...on change de comportement personnel, même dans la vie
quotidienne on change, on est plus attentif, on
93
est plus dans la dictée...On écoute, on
essaie de comprendre les habitudes de chaque patient, on analyse, on discute
avec lui, on revient en arrière... » (30'45).
-Sophie perçoit un changement de comportement
par rapport à celui de ses collègues. Elle ne se situe
plus dans l'attente, elle est dans l'écoute. Elle ne cherche plus
à convaincre le patient, ni à le materner. Il s'agit d'une prise
de conscience par rapport à ses habitudes personnelles et
professionnelles : « ...j'ai perçu un changement par rapport
à mes collègues.
Je suis plus dans l'écoute que dans l'attente...
dans cette posture de convaincre. Je ne suis plus dans qu'est-ce qui vous
empêche de... Mais j'essaie de comprendre... » (17'36).
« ...on va faire beaucoup de reproches auprès des patients.
...on materne les patients... » (14'42). « ...ma posture
était la même à la maison qu'au travail. Cette prise de
conscience...je me suis posé plein de questions... »
(16'43).
- Les trois interviewées ont des repères
différents par rapport aux changements de l'organisation de leurs
systèmes d'activités, suite à
l'intégration de l'activité ETP.
-Marie identifie des changements progressifs au niveau
de l'organisation des tâches, depuis l'intégration de
l'ETP dans son service. Avant, la pratique de la chimiothérapie se
pratiquait dans les services de la médecine et de la
cancérologie. Les soignantes tournaient dans les deux services.
Actuellement, cette pratique est réalisée à
l'Hôpital de Jour. Dans ce service, Marie témoigne d'une
organisation « assez autonome », dans la prise en charge des
patients, et du rôle propre infirmier : « depuis qu'on pratique
l'éducation on a changé d'organisation, maintenant, sur la
journée on est échelonné. On est 5 à 6
infirmières dont une infirmière en programmation qui gère
que la paperasse...les coups de fil.... Ce n'est pas évident...on est au
top de l'organisation ici » (41'21). « Ça tourne...et
puis après dans la journée on arrive à des heures un peu
différentes... Mais en éducation on est seul... »
(41'41). « La nouvelle organisation s'est faite au fur et
à mesure... » (33'52).
-Laura reconnaît des changements dans les outils
de travail, et dans leurs méthodes d'utilisation dans le
service. Avant l'intégration de l'ETP, la prise en charge des patients
diabétiques relevait des missions attribuées au service de la
médecine. Les outils d'évaluation et d'identification des besoins
des patients étaient basés sur un questionnaire fermé. Ces
méthodes ne sont plus d'actualité. Actuellement, la pratique de
la diabétologie a été transférée dans une
unité autonome du service de la médecine. L'approche du soin est
centrée sur les capacités du patient à l'apprentissage
grâce au diagnostic éducatif. Aussi, l'évolution de la
technologie (lecteur de glycémie, ...) a contribué à
l'allègement des tâches relevant des actes infirmiers.
L'intégration de l'ETP a participé à ce changement
d'organisation. Laura témoigne : « avant, c'est vraiment,
faites 3... faites 6 glycémies..., Maintenant, ...On a
94
changé de formulation des questions. Ce n'est pas
des questions fermées : oui, non, ... Ce sont plutôt des questions
ouvertes » (00'51). « ...avant, on le voyait une demi-heure
avant le médecin...on dépatouillait, la consultation
médecin...maintenant il y a des outils qui vont nous aider à
pouvoir évaluer l'apprentissage de quelqu'un... » (30'23).
« ...les lecteurs de glycémie, avant, on faisait les moyennes
tout seul, on faisait les tests...Tout ça, on n'avait pas besoin de le
faire. Maintenant c'est la machine, et, même le patient peut le faire,
... » (05'15). -Sophie ne témoigne d'aucune
transformation par rapport à l'organisation de son système
d'activité, le changement c'est dans ses habitudes de travail
depuis l'intégration de l'activité ETP : «
L'éducation passe au second plan. Ce n'est pas une priorité. Le
curatif est prioritaire dans le service » (19'44). « Les
changements, c'est dans mon organisation... » (19'24).
6) Description de l'identité actuelle en lien
avec l'intégration de l'activité ETP (transformation identitaire
ou pas, ...)
- Les interviewées décrivent une
identité d'infirmière à forte qualité
éducative :
-Marie décrit une identité
d'infirmière qui a développé des qualités
éducatives. Cette transformation identitaire, elle l'identifie
à l'amélioration de sa pratique de soignante influencée
par les compétences éducatives acquises en formation continue
dédiée à l'ETP : Marie exprime aussi un sentiment de
valorisation par rapport à la pratique de l'éducation,
grâce à la reconnaissance verbale et expressive des patients.
Cette valorisation n'est pas aussi perçue en soin. Pour elle, la
pratique de l'ETP, apporte un équilibre à la pratique du soin :
« une identité de soignante...avant tout...de base oui, c'est
sur...Après j'ai développé des qualités
d'éducatrice... » (37'00) « J'ai...acquis des choses
de part cette formation d'éducatrice... c'est sûr que ça
modifie certains domaines dans ma pratique. Je dirais de
l'influence...ça questionne quand même mon identité. Quand
on fait cette formation et quand on la met en pratique on développe
vraiment cette capacité d'écoute... » (38'45).
L'éducation pour moi c'est valorisant en tant que soignante...
» (37'26).
-Laura se questionne sur sa professionnalité,
elle reconnaît que chaque nouvelle pratique influence son identité
d'infirmière. Pour elle, c'est une question d'adaptation. Toute
nouvelle pratique (l'entretien éducatif, séance de groupe, ...)
requiert l'acquisition de nouvelles compétences et la questionne sur ses
habitudes de travail et sur ses expériences acquises : «
ça perturbe forcément mon identité de soignante à
chaque fois qu'il y a quelque chose de nouveau. Je pense que l'adaptation, elle
est aussi pour nous. Ce n'est pas si facile de faire l'entretien
éducatif...je veux dire. Ça nécessite des
compétences...plein de choses...
95
C'est quand même l'expérience qui fait
parfois les choses. Si on n'a pas le regard incarné et on n'a pas
l'expérience sur l'insuline...sur les petites choses. Je pense que
...c'est l'expérience ...de toute situation vécue, en disant on
s'était mal pris...et on revoit nos façons de travailler c'est
important » (33'06).
-Sophie se questionne sur son comportement et sur ses
habitudes de travail en lien avec sa nouvelle identité :
l'éducation a renforcé son identité
d'infirmière. Elle exprime un sentiment de transformation identitaire
personnel en évolution sur le plan professionnel. Elle réalise
que cette transformation va lui permettre d'évoluer « grandir
» dans son comportement, dans sa façon d'être, dans son
regard pour l'autre. Elle se qualifie dans une posture d'écoute. Elle
reconnaît, que la formation continue à l'ETP, l'a aidée
à prendre conscience et, à revoir ses pratiques
d'infirmière. Elle exprime que le changement dans les habitudes de
travail pourrait faire peur si on ne lui favorise pas les moyens
nécessaires pour l'accomplir : « l'éducation a
renforcé...oui ça a changé mon identité. Ça
bouscule dans mes habitudes. Mais c'est bien. On a tous des choses
cachées. ...Je ressens une transformation identitaire. Elle s'est faite
déjà sur le plan personnel...Elle continue sur l'axe
professionnel. Je sais ça me permet de grandir...dans mon comportement,
dans ma façon d'être avec l'autre, de mon regard envers l'autre.
... je me questionne plus sur mon comportement... Je ne suis plus dans la
même posture qu'avant. ...je remets en question mes pratiques. Je ne me
positionne plus de la même façon... » (21'03) «
Quand on est dans la routine on ne se remet pas en question. On ne prend pas du
recul sur ce qu'on fait, ...c'est la formation qui m'a aidé à
changer... » (25'16).
7) Communication entre pairs sur l'ETP (formation,
faisabilité, freins, propositions d'amélioration,
...)
- La discussion entre éducatrices «
référentes » sur la pratique éducative n'est pas
abordée entre pairs. Marie témoigne que certaines
éducatrices n'adoptent pas les mêmes méthodes de travail
qu'elles, mais elle ne peut avancer la discussion sur le sujet avec ses
collègues éducatrices, le fait que l'analyse des pratiques
éducatives soit méconnue pour ces professionnelles : «
...parfois je discute avec d'autres collègues qui font de l'ETP, je vois
bien qu'ils ne sont pas au second rôle...je ne peux pas leur dire...ce
n'est pas mon rôle à moi... » (28'25).
-Pas de discussion dans l'Unité de Diabétologie
sur l'efficacité des outils de l'ETP comme le diagnostic éducatif
informatisé. Laura témoigne : « ...non il n'y a pas eu
de réunion disant on
96
va parler des problèmes de la gestion de
l'éducation. Pour l'outil chacun fait comme il sait... »
(39'07) « ...chacun fait comme il peut... » (39'01)
-Pas de discussion sur les compétences de l'ETP entre
les soignants du service de la Cardiologie, Sophie verbalise un
sentiment d'isolement, le fait qu'elle ne partage pas ses connaissances
éducatives avec ses collègues : « par exemple je vois ma
collègue, il lui parle, elle fait autre chose en même temps. Elle
répond à côté...c'est normal, elle est
centrée sur le soin. Elle n'a pas du tout la posture d'écoute
à ce moment. ...moi j'observe ça reste moi. Mais je ne peux pas
dire...que c'est comme ça qu'on doit faire...moi...j'ai fait la
formation en plus, j'ai plus de connaissance ça reste là...
» (24'42)
- Les interviewées recommandent la formation
continue à l'ETP pour les pairs : elles reconnaissent que cette
formation ne peut pas être proposée à toutes les
infirmières pour des raisons de moyens budgétaires. Mais, elles
la recommandent à leurs pairs. Elles expriment que l'exercice dans les
services à pathologies chroniques, leur permet d'acquérir
certaines capacités (l'écoute, le respect du silence,
l'adaptation au patient...) de fait de leurs pratiques d'infirmière,
mais la formation a renforcé ses capacités et les a
amélioré par l'intégration d'autres compétences
comme la posture communicative, l'écoute active, la reformulation, la
valorisation, l'importance du « face à face » dans
l'échange...
-Marie révèle que ce n'est pas toutes les
infirmières qui pourraient répondre aux exigences de la formation
à l'ETP, en matière de l'acquisition de certaines
compétences. Le fait que toutes les infirmières ne disposent pas
des mêmes capacités, certaines sont prédisposées
à être éducatrices que d'autres. Elle témoigne aussi
que certaines élèves infirmières ne sont pas
attirées par cette pratique éducative : « ... J'ai
présenté ...un peu ce que je fais à l'IFSI. Et à la
fin ...j'ai posé la question, c'était des 2ème
années...j'ai dit : est-ce que ça vous intéresse, est ce
que vous vous voyez faire ce genre de chose. Et plus d'un quart, qui, a
répondu...pas du tout. Et ...ça ne m'étonne pas. Il faut
quand même un côté relationnel, une approche... »
(25'51). « ...on a tous comme même des capacités
différentes...certains soignants peuvent être en
difficultés par rapport à ça... » (26'39).
- Les interviewées expriment des avis
différents sur la généralisation de la pratique ETP dans
les services de soins :
-Marie exprime que l'ETP ne doit pas être imposer
à toutes les infirmières, et que sa pratique doit demeurer un
choix personnel : « moi je vois bien qu'il y a des collègues
qui ne seraient pas à l'aise de faire l'éducation
thérapeutique. Et je trouve que c'est dommage de les mettre en
difficultés... » (27'18). Pour elle, la pratique de l'ETP
exige des qualités
97
personnelles spécifiques : « je serai
étonné que des personnes s'orientent à faire la formation
si déjà d'emblée n'ont pas ces capacités
d'écoute » (26'39).
-Pour Laura, tous les soignants peuvent éduquer
à l'auto soins, mais l'activité ETP pourrait passer « au
second plan » pour les infirmières qui exercent dans des
services à pathologies aiguës. Le fait que ce type de pathologie ne
leur exige pas une maîtrise des compétences éducatives
« le relationnel et l'écoute du patient sont un peu
négligés », du fait de la charge de travail.
L'activité ETP s'avère irréalisable dans ces services,
elle est mieux adaptée dans les services à pathologies
chroniques, car elle requière une prise en charge de qualité
à longue durée. Chaque infirmière développe des
compétences dans le champ de sa pratique : « ...ils peuvent
éduquer à l'auto sondage par exemple. Mais ça passe au
second plan. Dans les services où il y a une pathologie chronique, on se
rend compte en fait qu'on n'est pas dans l'urgence. On est dans la
qualité et dans une prise en charge à longue durée et du
coup l'éducation thérapeutique est mieux adaptée. Mais en
chir c'est de l'aigu, on développe beaucoup plus des compétences
de soins d'urgences on va dire, le relationnel et l'écoute du patient
sont un peu négligés. On ne peut pas il y a beaucoup de soins
à faire dans ces services... je ne sais pas si ces soignants veulent
vraiment intégrer l'ETP ou pas...c'est une question de personne, de
caractère, et...de savoir-faire et être avec le patient... »
(16'09).
-Sophie se demande si les autres infirmières voudraient
de cette pratique, du fait qu'elles ne soient pas formées pour. Aussi,
changer d'habitude de travail pourrait représenter un frein pour la mise
en place de l'activité ETP. Pour Sophie, toutes les infirmières
éduquent les patients à l'apprentissage de l'auto- soin.
Certaines infirmières proposent mêmes l'ETP, mais elles ne la
pratiquent pas, car cette pratique leur exige un autre mode d'organisation et
plus de disponibilité : « ... je ne sais pas si elles veulent
pratiquer l'ETP et changer d'habitude de travail...déjà, ...elles
ne sont pas formés pour, ...Mais elles ont à leur disposition
l'outil informatique farma pour expliquer les médocs et pourquoi on les
donne. Donc, elles proposent l'ETP, sauf après, qu'elles ne
gèrent pas. Mais pour faire de l'éducation il faut plus de temps
pour chaque patient, après au moment des soins on ne peut pas faire
l'éduc, je ne sais pas, il faudrait une autre organisation peut
être » (06'31).
- Les interviewées expriment de possibles
freins à l'activité éducative et des propositions pour son
amélioration : les interviewées racontent des
difficultés aperçues par rapport à la réalisation
des séances collectives et du suivi éducatif des patients
liées à la coordination, au manque de temps, à
l'environnement et à la démotivation des patients.
- La non disponibilité des professionnels et, de salle
pour la réalisation des séances collectives freine la
réalisation des séances collectives pour Marie et Laura.
98
- Les trois infirmières éducatrices racontent
que les patients ne sont pas pris en charge par la sécurité
sociale pour le transport et le temps de présence. Ce qui explique la
non-participation active des patients aux séances éducatives.
-L'inexistante de secrétaire demande à
l'éducatrice de gérer toute seule la partie administrative de
l'activité éducative. Cette tâche est
considérée comme une perte de temps pour Marie.
-Le manque de temps empêche les éducatrices
à réaliser correctement le suivi des patients, le fait qu'il
s'agit de refaire à chaque fois le diagnostic éducatif.
- L'existence de deux dossiers différents
(médical et éducatif) pour le même patient rend
l'accès à l'information difficile pour les éducatrices, et
désagréable pour le patient. Pour Laura, l'outil de recueil de
données n'est pas assez polyvalent : « et ben à chaque
fois on fait entrer les données de nouveau, parce que notre dossier
d'éducation thérapeutique n'est pas relié au dossier de
l'hôspi... » (37'49). « C'est hyper
désagréable pour le patient. Et quand il revient pour une autre
éducation, il répond à chaque fois aux mêmes
questions...lui...tu vois...il faut à chaque fois
redire...redire...enfin...tu vois pour lui ce n'est pas pris au sérieux
(38'38) ».
- Les interviewées ont exprimées
quelques propositions d'amélioration pour la pratique éducative
:
- Sophie et Marie proposent des améliorations comme
faire sortir l'activité ETP à l'extérieur de
l'Hôpital. Pour elles, cette initiative changerait la
représentation sur l'éducation et sur sa pratique à
l'hôpital.
-Marie propose le suivi téléphonique des
patients : « ...j'ai trouvé que c'est assez pratique le suivi
au téléphone pour tout le monde, ... » (33'00).
-Laura propose d'améliorer l'outil informatisé
et de joindre le dossier éducatif au dossier médical pour chaque
patient, pour un gain de temps et un suivi rigoureux.
99
2- Analyse qualitative des données
Cette partie d'analyse consiste à affronter la
synthèse des données recueillies précédemment avec
nos deux hypothèses de travail. Il s'agit de faire le lien et de
s'interroger sur ce que nous apprennent les données obtenues par rapport
à notre problématique. Notre visée est de valider, ou
d'infirmer nos deux hypothèses de travail.
Rappelons que notre première hypothèse consiste
à vérifier la reconnaissance et l'acceptation du rôle
d'« éducatrice » par l'infirmière : son implication
dans ce rôle, va lui permettre de mieux se situer dans son
activité d'infirmière éducatrice. Cette hypothèse
nous l'avons vérifié à partir de trois points
différents : la posture, la relation infirmière/patient et le
système d'activités de l'infirmière éducatrice. Ces
trois repères, dévoilent des changements aux niveaux des
habitudes de pratiques, des attitudes et des comportements personnel et
professionnel exprimés par les interviewées. Ces
témoignages nous ont aidé à aborder notre deuxième
hypothèse, à travers laquelle, nous avons voulu vérifier
si les transformations décrites par les infirmières engendraient
des évolutions identitaires pour ces professionnelles, après
avoir intégré l'ETP à leurs pratiques
infirmières.
- L'infirmière entre deux postures : une
reconnaissance pour l'ETP
Suite aux témoignages des interviewées, nous
avons relevé deux postures distinctes dans le statut de
l'infirmière éducatrice. Pour ces professionnelles, chaque
activité a sa propre posture : une éducative et l'autre curative.
La posture éducative est envisagée dans les différentes
activités de l'ETP (diagnostic éducatif, séances de groupe
ou individuelle, les temps de parole passés en chambre par manque de
salle aménagée pour cette activité...). Elle est
planifiée dans le planning de l'infirmière qui l'exerce. Alors
que la posture curative est envisagée dans les soins infirmiers.
Les témoignages nous ont révélé
plusieurs représentations pour la posture éducative. Elles ont
décrit une « posture d'accompagnement et d'échange ».
Dans cette posture, elles s'attribuent le second rôle : elles apportent
de l'aide, assurent le soutient et l'écoute. Elles ont décrit
aussi une « posture de non-savoir ». Cette posture privilégie
l'intelligence qui naît des échanges, du dialogue avec l'autre, et
non des savoirs que détiennent les infirmières. Il s'agit pour
elles, d'accepter le fait qu'elles ne détiennent pas la
vérité et, que cela nécessite l'échange pour
connaître le patient et pouvoir répondre à ses besoins. La
posture communicative est représentée par le « face
à face », qui doit être privilégié en
séance éducative pour ces infirmières. Ce qui
représente une posture de « dialogue ». La posture en ETP
sollicite donc le questionnement plutôt que l'affirmation pour ces
infirmières. En effet, la posture éducative pour les
interviewées, a influencé leur posture d'infirmière
adoptée habituellement dans le
100
soin. Bien que, la bascule entre les deux activités est
décrite comme un moment difficile, leur demandant un temps d'adaptation,
pour accomplir chaque activité.
-La relation infirmière/patient entre deux : le
soin et l'éducation
Les trois infirmières éducatrices ont
témoigné qu'elles n'adoptent pas les mêmes attitudes avec
les patients, en ETP qu'en soin. Elles ont exprimé deux modes de
relation perçues différemment : une qualifiée de relation
à sens unique et, l'autre de communicative.
-La relation à sens unique est identifiée au
moment du soin. Elle est décrite comme « pratico pratique
», le peu de communication est centré sur la technique de
l'acte. C'est aussi une relation courte et limitée, justifiée par
le statut d'infirmière. Les interviewées se décrivent
« dans les attentes médicales » au moment du soin, le
fait qu'elles prodiguent le soin. A ce moment, elles s'octroient le rôle
d'acteur, d'émetteur. Le patient dans cette relation reste passif, il
reçoit les soins.
- La relation communicative est identifiée dans l'ETP :
elle représente un moment d'échange intense, une forme de
complicité et de confiance qui se crée autour du soin
éducatif. Les interviewées expriment qu'elles se positionnent au
« second rôle » et adoptent la posture
éducative. Ce mode de relation leur sollicite une concentration sur le
patient (l'individu), en le positionnant dans une posture d'échange (il
devient acteur, il apporte les connaissances et les informations).
D'après les témoignages, le changement de comportement dans la
relation infirmière/patient ne se limite pas qu'à l'attitude de
l'infirmière, on voit bien qu'il est aussi confirmé par celui du
patient au moment des deux activités. Ce qui explique que cette relation
duelle est perçue différemment, elle demande une
réflexion par l'infirmière vis-à-vis de son attitude
envers le patient au moment de telle ou telle activité. En effet, les
trois témoignages dévoilent que le mode de la relation et sa
qualité dépendent de l'infirmière : de sa
personnalité, de sa disponibilité et de sa représentation
du malade au moment d'une activité. En soin, le patient est
considéré comme un « objet de soin », il s'agit d'une
conception du malade encrée dans les représentations des
infirmières dès leur entrée en formation initiale.
Le port de la tenue de travail en ETP est
considéré par les interviewées comme un blocage à
la relation harmonieuse d'échange, qui se crée au moment de cette
activité. Celle-ci est vue comme une barrière pour la relation
d'échange de personne à personne qui représente la base de
la communication et, renvoie à l'image du pouvoir et du savoir dans les
milieux des soins. Sophie en témoigne : « ... là je
porte une blouse...ça peut être une barrière. Ici c'est
compliquer de retirer la blouse au moment de l'ETP...parce qu'on est dans le
même service. Je veux dire en service de soins » (18'43).
101
D'après les témoignages des interviewées,
le patient dans cette relation, agit par mode relationnel, il identifie
l'infirmière par rapport à son rôle d'éducatrice.
Marie raconte qu'en dehors de l'ETP, les patients la sollicitent plus que ses
collègues : « ...dès qu'ils me voient en dehors de
l'éduc, ils ne se disent pas là...elle est en soin. ...quand ils
me croisent dans le couloir, ils ne savent pas forcément que je suis en
train de passer une chimio juste à côté. Si je ne suis pas
disponible. Je leur dis voilà... » (34'20).
- L'ETP : une organisation dans un système
d'activités spécifique
Au travers de l'analyse des matériaux recueillis dans
les entretiens. Il apparaît que l'organisation du système
d'activités des soins infirmiers est liée à la nature des
activités de chaque service de soins et, aux missions qui lui sont
attribuées. La pratique de l'ETP a été instaurée de
manière formelle dans les trois services depuis 4 ans (2011), en
réponse soit à un projet de l'Hôpital, soit à des
objectifs de réaménagement entre les différentes
activités menées dans les services, comme le cas des services de
Diabétologie et de Cardiologie. Bien que l'ETP a été
intégrée dans le planning des infirmières
éducatrices, sa planification est gérée
différemment dans les trois services. Nous notons deux modes
d'organisations complètement différents : L'HDJ et le service de
Cardiologie ont opté pour une pratique à temps partiel, cette
mission a été confié à une seule infirmière
dans chaque service, qui doit consacrer 20% de son temps plein de travail
mensuel à cette activité (tous les jeudis de chaque mois), les
autres jours de la semaine, l'infirmière éducatrice prend en
charge les activités de soins curatifs. En unité de
Diabétologie, l'ETP est pratiqué à temps plein. Sa
pratique est confiée à 6 infirmières qui se
succèdent selon un planning de travail annuel. Chaque éducatrice
prend en charge l'activité ETP pour une durée de 2 mois
consécutifs dans l'année. Les autres mois sont consacrés
aux autres activités de soins. Les autres professionnels de santé
(diététiciennes, médecins,
kinésithérapeutes...) ne participent qu'à temps partiel
aux séances de groupe et selon leur disponibilité, à l'HDJ
et en unité de Diabétologie. Par contre, les séances
individuelles et les diagnostics éducatifs ne sont
réalisés que par l'infirmière éducatrice. Bien que
l'ETP soit pratiqué différemment dans les trois services. Ces
modes d'organisation séparent l'ETP des autres activités
menées dans ces services de soins et, isole l'infirmière
éducatrice de ses collègues, le fait qu'elles ne partagent pas
ensemble l'activité ETP. Ces différentes organisations
spécifiques à l'ETP, ont provoqué chez les
infirmières éducatrices des changements perçus dans leurs
habitudes de travail, et au niveau de l'organisation et de la
répartition des tâches, par rapport à la gestion de leurs
différentes activités aux quotidiens, dans le but de mieux
prendre en charge les patients souffrants d'une pathologie chronique.
102
Les verbatims de mes trois interviewées ont bien
démontré une reconnaissance pour le rôle d'«
éducatrice » de la part des infirmières éducatrices.
Leur implication dans ce rôle, leur a permis de mieux se situer dans
leurs activités quotidiennes, de mieux aborder la relation
infirmière/patient pour mieux situer les besoins du patient en termes
curatifs et éducatifs. Ce qui leur a permis d'agir et de penser
autrement le soin et d'apercevoir le changement dans : leur posture, leurs
habitudes de travail et dans, leur système d'activités comme une
amélioration de leurs pratiques d'infirmière. Cette
première hypothèse est ainsi vérifiée grâce
à tous les outils de notre étude.
-Processus de transformations identitaires des
infirmières éducatrices
Dans cette deuxième partie de l'analyse, nous allons
vérifier si les changements de pratiques et de comportements
exprimés par les trois infirmières éducatrices
provoqueraient un processus de transformation identitaires chez ces
professionnelles, suite à l'introduction de l'activité ETP
à leur activité d'infirmière. Dans cette perspective, nous
allons tenter de suivre Dubar (1998, 1992) concernant l'articulation entre la
socialisation biographique (identité pour soi) et la socialisation
relationnelle (identité pour autrui), le fait que les identités
professionnelles, pour Dubar, ne sont pas des catégories acquises une
fois pour toutes, comme les autres, elles se construisent dans et par les
interactions, tout au long de la vie.
Les propos des trois interviewées, traduisent un
processus de transformation identitaire. Avant de pratiquer l'ETP, elles
associaient à leur rôle d'infirmière l'image d'une
professionnelle qui materne le patient et qui sait ce qui est bon pour lui,
avec des attitudes qu'elles qualifient de jugement et de reproche sans le
désirer. Sophie raconte : « ...on est souvent dans...on va
faire beaucoup de reproches auprès des patients. ...on va leur reprocher
d'apprendre leurs médicaments correctement, on ne supporte plus de leur
expliquer des choses. Et puis...on pense qu'ils ne comprennent rien...Donc
souvent le soignant va se retrouver en train de dire...mais je perds du
temps...On les juge en fait...oui oui on les juge sans le vouloir en fait.
Peut-être parce qu'on a essayé de faire en sorte à tout
bien faire. Moi j'ai eu l'information qu'on materne les patients. On les dirige
au lieu de vouloir savoir qu'est ce qu'ils attendaient de nous... »
(14'42). Laura témoigne qu'avant, elle dictait au patient ce qu'il
devait faire au lieu de rentrée en communication avec lui : «
avant, c'est vraiment : faites 3...faites 6 glycémies par jour.
Maintenant, on a changé de formulation des questions. Ce sont
plutôt des questions ouvertes. On s'est plus adapté aux besoins du
patient que l'on lui impose de faire... Mais ça...on l'a
travaillé avec la formation en éducation » (00'51).
Pareillement, Marie révèle des changements dans sa pratique
d'infirmière : « ...avant, je dictais au patient ce
qu'il
103
devait faire...maintenant, je le fais participer... »
(23'30). Les trois éducatrices ont raconté, qu'avec le
temps, leur attitude a commencé à changer au moment du soin. Pour
elles, ce changement est influencé par leur posture d'éducatrice.
Sophie révèle : « quoique mon attitude à changer
un peu, j'essaie d'être à l'écoute même en soin, je
ne fais plus à la place du patient pour ce qu'il peut faire. Et tout
ça, ...ça s'apprend, forcément » (33'40). Si on
se réfère à Dubar, au niveau « transaction
biographique », il y a une rupture avec l'identité
d'infirmière, qui détient les connaissances, et qui
prend la décision pour le patient. Toutefois, pour ces trois
infirmières, il y a production d'une nouvelle
identité, associée à la pratique de
l'ETP, adoptant un rôle d'accompagnement dans l'apprentissage
pour le patient. Les compétences éducatives acquises en formation
continue à l'ETP, ont permis à ces professionnelles de se situer
différemment. Elles témoignent qu'elles ont vécu une
évolution progressive dans leur comportement personnel et professionnel
avec l'autre. Elles se sont alors investi dans leur relation avec le patient au
moment du soin. Elles ont avoué dans leur témoignage, que
l'ETP a changé leur manière d'être et de faire.
Aussi, leur vision de ce qu'est le rôle d'infirmière
avait changé. Sophie a verbalisé qu'elle se questionne sur ses
attitudes personnelles et professionnelles depuis qu'elle pratique l'ETP :
« Ça arrive une période où je me suis posé
beaucoup de questions. Mais aussi dans ma vie personnelle avec mes enfants...Je
m'aperçois que ma façon d'aborder mes enfants et là
même qu'avec mes patients. Je ne les rendais pas autonome. ... j'ai
réalisé que ma posture, elle était la même à
la maison qu'au travail... » (16'43). Il s'agit d'une prise de
conscience pour ces infirmières : elles revendiquent une
identité d'infirmière éducatrice pour la prise en
charge globale du patient, centrée sur l'individu et non pas sur le soin
; elles confirment que l'ETP a provoqué un changement
identitaire professionnel et personnel profond dans leur attitude et
comportement avec l'autre. Au niveau du « processus
biographique », ces infirmières s'identifient
à la manière de prendre en charge l'ETP : l'entretien
avec Sophie a exprimé un sentiment de transformation identitaire
personnel en évolution sur le plan professionnel. Elle a
réalisé que cette transformation va lui permettre
d'évoluer : « de grandir...grandir dans mes habitudes... dans
ma façon d'être, dans mon regard... ». L'entretien avec
Laura a exprimé une reconnaissance d'une identité de
soignante influencée par chaque nouvelle pratique «
Ça perturbe forcément à chaque fois qu'il y a quelque
chose de nouveau. Je pense que l'adaptation, elle est aussi pour nous. Ce n'est
pas si facile de faire l'entretien éducatif... Ça
nécessite des compétences... » (33'06). Toute nouvelle
pratique génère des changements identitaires et, requiert un
temps d'adaptation pour l'acquisition de ses compétences.
104
En ce qui concerne le « processus relationnel
», les trois témoignages affirment qu'au niveau
organisationnel dans le service, l'infirmière éducatrice reste
isolée dans sa pratique ETP. Il y a « conflit de
non-reconnaissance » du statut d'éducatrice, par
les autres collègues de travail. Ces infirmières
éducatrices vivent un processus de forme identitaire «
relationnel pour soi » : selon Dubar, il s'agit d'une
forme réflexive qui se caractérise par une « conscience
réflexive » engageant les infirmières éducatrices
dans un projet ETP ayant un sens subjectif. Ces infirmières,
s'identifient au même statut de « référente en
éducation », elles partagent le même projet même si
elles ne travaillent pas dans le même service. Donc, au «
Nous » correspond un « Je » réflexif désirant de
se faire reconnaître par « des autrui significatifs »
exerçant le même métier d'infirmière (les
collègues du service). En service de Cardiologie, Sophie raconte que
l'activité ETP ne fait pas partie des priorités du service, elle
ne témoigne d'aucune transformation par rapport à l'organisation
du système d'activités des soins, depuis l'intégration de
l'ETP : « L'éducation passe au second plan. Ce n'est pas une
priorité. Le curatif est prioritaire dans le service ».
(19'44). Les objectifs du service ne coïncident pas avec l'avenir de
Sophie. Donc, elle doit défendre son identité d'infirmière
éducatrice au sein du service. A l'HDJ et en unité de
Diabétologie, Marie et Laura réalisent les séances
éducatives de groupe avec d'autres professionnels. Il y a «
coopération - reconnaissance » pour
l'activité ETP, et une reconnaissance par des «
autrui significatifs » pour l'identité professionnelle de
ces deux infirmières éducatrices. Les patients
représentent aussi des « autrui significatifs » pour ces
infirmières éducatrices, le fait qu'ils participent aux
séances éducatives et qu'ils adhèrent à la
démarche de l'ETP. Ces patients ont permis aux éducatrices : de
se sentir reconnu dans cette identité professionnelle et, valoriser par
rapport à la pratique de l'éducation. L'interviewé Marie a
dévoilé une reconnaissance verbale et expressive de la part des
patients en séance éducative : « l'éducation pour
moi, c'est valorisant en tant que soignante. Parce que, soignante ...dans un
service classique ...on n'a pas toujours le retour. Quand on fait de
l'éducation, moi je trouve qu'on a beaucoup de retour...on demande aux
patients s'ils sont contents. » Cette valorisation n'est pas aussi
perçue en soin. « ...je fais la chimio...je ne vais pas lui
demander s'il est content... » (33'51). La pratique de l'ETP apporte
un équilibre à la pratique du soin pour les infirmières
éducatrices.
La formation continue à l'ETP, a aidé les
infirmières éducatrices à prendre conscience et à
revoir leurs pratiques d'infirmière. Grâce cette formation et
à la pratique de l'ETP, ces infirmières ont acquis un nouveau
« savoir professionnel » impliquant des
articulations entre savoirs technique du soin et savoirs relationnel de l'ETP,
qui sont au centre de l'identité
105
structurée par le rôle de l'infirmière
éducatrice. Ce rôle est bloqué dans sa consolidation. Selon
Dubar (2015), ce savoir est associé à une logique de la
qualification dans le travail (faire). L'identité de ces
infirmières éducatrices « est appelée aujourd'hui
à se reconvertir ou à se restructurer en fonction de ces
normes nouvelles de compétences » (p. 234). Afin de partager
ce nouveau savoir professionnel avec les autres infirmières du
service.
Les interviewées recommandent vivement la formation ETP
à leurs pairs. Elles reconnaissent que l'exercice dans les services
à pathologies aiguës ne permet pas d'acquérir certaines
capacités nécessaires à la pratique de l'éducation.
Pour ces infirmières éducatrices, la formation à l'ETP est
nécessaire dans les services à pathologie chronique. Toutes les
infirmières auront les mêmes habitudes et techniques de travail.
Elles reconnaissent aussi que cette formation ne peut pas être
imposé ou proposé à toutes les infirmières pour des
raisons liées aux moyens financiers. Laura témoigne : «
...la formation nous aide à prendre conscience de ces
compétences. ...pour moi un soignant qui va exercer...d'une
manière ponctuelle, je dis pour des pathologies aiguës...il ne va
pas avoir développé au cours de son expérience une
expertise en éducation thérapeutique... » (14'57)
« en diabéto je dirai oui, c'est très important du
moment qu'on traite une pathologie chronique, aussi tout le monde sera sur le
même fil pour la continuité, pour l'organisation, c'est important,
en plus si tout le monde pratique l'éduc, on aura les mêmes
visions, regard, ...Les mêmes compétences, le même
langage... Peut-être là moi je procède autrement , j'ai
plus d'écoute, ...oui ça serait bien si tout le monde est
formé...Mais, il parait que c'est une question de budget... »
(39'42). La formation à l'ETP pourrait offrir une «
coopération-reconnaissance » des
infirmières aux infirmières éducatrices. Cette
reconnaissance va résoudre leur conflit identitaire professionnel. La
formation des pairs permettrait aussi d'éviter l'isolement de
l'éducatrice dans son activité ETP.
En effet, les changements décrits par les
interviewées, ont impacté leur identité professionnelle
d'infirmière. Celle-ci se retrouve dans un mouvement de construction, de
déconstruction et de reconstruction suite à l'intégration
de l'activité ETP au rôle propre de l'infirmière. Il faut
admettre que les différentes pratiques sollicitées par
l'activité ETP, exigent une évolution du métier de
l'infirmière et génèrent des besoins d'acquisition
à de nouvelles compétences pendant le parcours professionnel.
Tous ces outils nous ont permis de valider notre
deuxième hypothèse.
106
3- Discussion
Cette partie représente pour nous l'occasion de
rapprocher les différentes clés théoriques, aux
résultats de notre étude après vérification des
hypothèses de travail dans la partie précédente. Notre
étude ne peut représenter que les trois les infirmières
éducatrices exerçant dans les services à pathologie
chronique. Les autres professionnels de santé ont probablement un regard
différent sur la pratique éducative, étant donné
les recommandations de l'HAS qui précisent bien que, l'ETP doit
être pratiqué par une équipe pluridisciplinaire. Cela
pourrait constituer un autre biais de représentativité. Les
réponses obtenues de notre enquête ne peuvent prétendre
absolument à l'exhaustivité car, les données recueillies
auprès des interviewées sont des réponses orales non
accompagnées d'aucun document écrit (synthèse sur
l'activité ETP, compte rendu de réunions, bilan de
réalisation, ...) et le fait aussi que, la pratique éducative
soit récente à l'hôpital de Blois (depuis 4 ans).
L'infirmière au coeur de la pratique
éducative : au travers de cette enquête, je constate que
le professionnel au coeur de l'activité ETP est l'infirmière.
Elle participe davantage à l'élaboration des programmes
éducatifs que les autres professionnels de santé (médecin,
diététicienne, kinésithérapeute...), comme le
stipule les recommandations de l'HAS (2007). Bien que ces professionnels de
santé aient un rôle important dans l'élaboration et
l'initiation des programmes d'ETP, ces derniers ne collaborent qu'aux
séances collectives, selon les disponibilités de chacun. Par
exemple, les kinésithérapeutes n'ont pas de temps
dédié à l'activité éducative, et ne
participent pas au diagnostic éducatif, alors que celui-ci «
... est au mieux le fruit de la collaboration d'une équipe
multi-professionnelle... » (HAS/INPES, 2007, p. 27). Je pense pour ma
part que, la réalité n'est pas si simple pour l'infirmière
éducatrice, puisqu'en plus du diagnostic éducatif, elle doit
aussi assumer seule la prise en charge des séances individuelles. C'est
vrai que les interviewées ont avoué que ces séances
offrent une meilleure écoute des patients et permettent une prise en
charge plus personnalisée. Mais d'un autre côté, elles
s'avèrent chronophages pour les éducatrices et ne permettent pas
le partage entre patients, puisqu'elles se réalisent dans le cadre d'un
« tête à tête » avec l'éducatrice et
nécessitent un temps de 45mn à 1h, pour chaque patient. Ces
difficultés liées à la coordination et au manque de temps
peuvent représenter un frein majeur à l'essor de l'ETP.
L'interviewé Sophie a même révélé qu'elle
n'avait pas d'autres choix que d'opter pour la méthode individuelle,
parce qu'elle ne peut réaliser seule les séances collectives
(autres professionnels non disponibles, temps de préparation et de
réalisation important, manque de local pour recevoir le groupe...) Ce
qui peut diminuer la pertinence de l'activité ETP, qui normalement,
107
se base sur l'échange et l'expérience entre
patients et professionnels. D'autant plus que, ces séances individuelles
doivent être destinées en priorité aux patients qui ont des
difficultés à se retrouver en groupe et, qui ont une
dépendance physique, sensorielle ou cognitive (HAS/INPES, 2007).
L'infirmière entre le soin et
l'éducation : deux rôles distincts qui se complètent :
l'affirmation de ma première hypothèse me laisse penser
que les interviewées se sont bien identifiées dans les six
rôles infirmiers (accueil, aide, guide, accompagnement...)
proposés par la théorie de Peplau (1952). A travers le statut de
« référente en éducation », ces
infirmières adoptent d'autres postures pendant l'activité ETP,
que la posture habituelle d'infirmière. Il s'agit bien des postures de
l'accompagnement professionnel (d'écoute, de non-savoir,
d'échange, ...) décrites par Paul (2004). En effet, pour les
infirmières éducatrices, l'ETP ne se réduit pas à
la simple information mais elle la complète. Cela m'emmène
à confirmer ce qu'à écrit Chantal Eymard (2010) :
« l'ETP ne peut se réduire à l'information de savoirs ou
de savoir-faire, car elle vise l'appropriation des savoirs... »
(p.42), par le patient demandant un accompagnement de la part du soignant.
Pour mes interviewées, cet accompagnement représente un choix
politique, une commande de l'institution hospitalière. Mais cette mise
en oeuvre de l'action d'accompagnement, ne garantit rien sur la posture de
l'accompagnateur. Le fait que « l'accompagnement n'est pas un
métier, il ne réfère à aucun cursus de formation
identifié comme tel », comme l'a précisé Paul
(2004). Le changement de posture n'est pas si simple pour les
infirmières, il s'agit d'une posture d'accompagnement
spécifique à l'ETP. Cette mission a été
confiée aux infirmières, qui ont reconquis et adopté autre
manière d'être et de faire dans le cadre de leur rôle propre
considéré par Formarier (1990) comme un « rôle
toujours nouveau, riche, multidimensionnel, difficile et exigeant, »
(p.52). Cette nouvelle posture a provoqué un changement dans
l'organisation du système d'activités des soins pour ces
infirmières. Ce changement est vu par les auteurs Fried et Fottler
(2010), comme « un processus qui vise à modifier, enrichir,
élargir les fonctions et les tâches des employés, [...]
améliorer leur satisfaction au travail et la performance de
l'organisation » (p.162). Ce changement est aussi aperçu au
niveau des habitudes de travail et par rapport à la relation
infirmière/patient. Mais, d'après l'enquête,
l'activité éducative ne semble pas être imposée
à tous les professionnelles exerçant dans les services de soins,
les infirmières ont le choix de ne pas être éducatrices. Je
me suis aperçue aussi, d'après les verbatims des
interviewées, que la pratique de l'ETP peut ne pas être «
désirée » par toutes les infirmières, surtout par
celles qui exercent en services à pathologie aiguë, la charge et
les
108
conditions de travail ne leur permettent pas d'assurer la
prise en charge globale du patient. Pareillement, je pense que l'ETP en tant
qu'activité n'est pas assez vulgarisée par les responsables pour
que les infirmières puissent se familiariser avec les compétences
de sa pratique et l'adopter à leurs pratiques quotidiennes. Dans ces
conditions l'ETP risque d'être défavorisée par rapport
à l'activité de soins.
Des compétences et des modèles
pédagogiques mobilisés pour la pratique éducative :
cependant être infirmière éducatrice ne peut
s'exercer sans la formation continue à l'ETP. Cette formation est
proposée par l'hôpital qu'à une seule infirmière par
service sauf pour le service de diabétologie, qui cite six
infirmières formées sur 24. Ce chiffre représente le 1/4
de l'effectif infirmier dans ce service. D'après l'enquête, cette
démarche est justifiée par le manque de moyens financiers ne
permettant pas à l'activité ETP d'être pratiqué par
toutes les infirmières. Il faut reconnaître que c'est par le biais
de la formation continue, que les infirmières éducatrices ont
acquis d'autres compétences que les soins curatifs. Sans oublier que les
compétences de l'ETP sont considérées par l'OMS «
non comme un état, mais comme un processus qui permet de mettre en
synergie des ressources multiples dans une situation professionnelle
» (HAS, 2007). Les éducatrices mobilisent donc des ressources
à dimension normative comme les attitudes, l'écoute, les normes,
l'identité, ... Ainsi, la compétence éducative a permis
aux infirmières de mettre en oeuvre un ensemble diversifié de
pratiques éducatives (diagnostic éducatif, séances,
écoute, échange, reformulation, valorisation...), et coordonner
des ressources éducatives aux soins qui leur a permis une meilleure
prise en charge du patient. Selon l'INPES (2013), « cette
compétence est à appréhender comme un savoir agir reconnu
dans un environnement et dans le cadre d'une méthodologie définie
». Ce qui explique le sentiment d'implication dans le rôle
éducatif exprimé par mes interviewées. D'un autre point,
au travers de l'analyse des matériaux recueillis, il apparaît que
les éducatrices se servent des trois modèles pédagogiques
pour l'accompagnement en ETP: elles se servent de la « pédagogie
traditionnelle », pour pratiquer les séances individuelles ; elles
s'appuient sur la « pédagogie béhavioriste » pour
l'apprentissage de gestes techniques ou de réflexe de santé (auto
soin, choix habitudes alimentaires...) ; et sur la « pédagogie
constructiviste », pour réaliser les séances de groupe
(l'échange et le partage de connaissances). Le premier modèle
reproduit le modèle universitaire, qualifié par A. Giordan,
(2010) comme une pédagogie empirique qui suppose « qu'apprendre
est un simple processus de communication, comportant un décodage, puis
une mémorisation » (p. 2). C'est un modèle
pédagogique qui n'apparaît pas totalement dépassé.
Il peut se révéler très efficaces en ETP,
109
« si le soignant et le patient se posent le
même type de question , · s'ils possèdent le même
cadre de référence, à commencer par le même
vocabulaire , · ... » (p. 3) Le deuxième modèle
(béhavioriste) demeure très limité pour Giordan du fait
qu'il intervient peu sur la motivation du patient, les désirs et les
intentions de celui-ci étant peu pris en compte. Le troisième
porte un intérêt pour les expériences d'entraînement
en groupe, se contentant de valoriser un apprentissage coopératif et des
réunions entre patients.
L'ETP, une pratique réflexive qui transforme
l'activité quotidienne de l'infirmière : il est vrai que
ces infirmières avouent que dans certaines situations, elles ne savent
plus dans quelle posture se mettre. Le changement de posture ne parait pas si
simple, il faut un temps d'adaptation. L'infirmière éducatrice
doit s'adapter à son nouveau système et aux conditions de travail
dont lesquelles elle est contrainte pour se ressourcer et réaliser son
activité. Il s'agit de devenir un « praticien réflexif
» selon le concept de Donald Schön (1983), et de
réalisé un « travail réflexif »,
considéré par Dubet (1994), « [...] d'autant plus
intense que les individus se trouvent dans des situations qui ne sont pas
entièrement codifiées et prévisible, ... » (pp.
103-104). Ce qui explique les situations qui ne relèvent pas du
prescrit.
Pour le suivi des patients et de leur apprentissage,
l'éducatrice doit refaire le diagnostic éducatif, une tâche
qui n'est pas toujours réalisable, elle voudrait se servir alors des
moyens dont elle dispose dans son environnement comme le suivi
téléphonique pour réaliser le but qu'elle avait
fixé.
L'identité de soignante éducatrice : une
nouvelle façon d'être et de se comporter.
L'identité professionnelle de l'infirmière est dans un
mouvement permanent de construction, de déconstruction et de
reconstruction suite à la mutation de son système
d'activité qui inscrit l'ETP dans son rôle propre. Comme je l'ai
déjà précisé, ce changement lui exige des
modifications dans ses habitudes personnelles et professionnelles, dans sa
posture d'infirmière, dans sa relation avec le patient. Il s'agit d'une
évolution de son métier d'infirmière. Cette
évolution engendre des transformations identitaires. Cette seconde
hypothèse a, elle aussi, été vérifié selon
plusieurs axes, grâce à la richesse des données au sujet de
l'identité professionnelle. Je pense que la référente en
éducation a commencé à se distinguer des autres
infirmières, depuis l'intégration de l'ETP à ses
pratiques. Elle réalise aussi que, les patients l'identifient plus par
rapport à son rôle éducatif : « C'est un
système de sentiments et de représentations de soi, [...] C'est
aussi, ce qui me rend semblable à moi-même et différent des
autres, ... ce par quoi je me définis et me connais, me sens
accepté et
110
reconnu comme tel par autrui, mes groupes et ma culture
d'appartenance », il s'agit de la « connaissance et
reconnaissance de ce que l'on est ». (Tap, 1986, p.8).
J'ai déjà noté que les éducatrices
ont pris conscience que la nouvelle façon d'être et de se
comporter avec le patient représente pour elles autant d'importance que
le soin. Ainsi, l'identité de l'éducatrice se construit à
travers la posture éducative par l'acquisition de certaines
compétences comme la posture communicative, l'écoute active, ...
Ceci n'est pas sans rappeler l'identité au travail que Dubar (1992),
considère comme le produit d'une socialisation. Aussi, si je
considère le service de soins (curatif et éducatif) comme un lieu
de construction identitaire, par voie de socialisation, comme le souligne
Dubar, l'organisation dans laquelle s'inscrit l'expérience
professionnelle de l'infirmière éducatrice constitue un lieu
fondamental pour la reconstruction de son identité professionnelle. Dans
ce sens, l'identité d'infirmière peut être rapproché
de l'identité d'éducatrice, au sens de l'apprentissage formant
ainsi une nouvelle identité d'infirmière, complétée
par celle de l'éducatrice. Les infirmières éducatrices
considèrent l'éducation comme un moyens efficace de se
réaliser, de s'épanouir, de se sentir valoriser. La pratique de
l'ETP confère ainsi une identité professionnelle à ces
infirmières éducatrices, et contribue également à
la construction d'une identité collective, représentée par
les infirmières référentes en éducation.
111
4- Conclusion
1- Résumé de la recherche
Je suis partie de l'idée que l'ETP devient une
nécessité dans la pratique infirmière. Que la loi 2009
allait inciter les professionnels de la santé à changer leurs
façons de faire et d'être dans leur travail au quotidien. Que
cette activité thérapeutique s'accomplit par une équipe
pluridisciplinaire. Que ces nouveautés de pratiques éducatives
allaient solliciter un engagement des infirmières dans la transformation
de leurs pratiques en adoptant une nouvelle posture d « infirmière
éducatrice » et, que ces transformations allaient impacter leur
identité professionnelle. Devant ce constat, j'ai centré ma
problématique sur l'impact de l'introduction de l'activité ETP
sur les transformations à la fois vis-à-vis des pratiques
infirmières mais aussi, de l'identité professionnelle pour ces
professionnels de santé. Afin de vérifier ces idées, j'ai
d'abord procédé par une recherche documentaire dans le but
d'identifier les caractéristiques des pratiques professionnelles de
l'ETP. Ensuite, j'ai développé deux hypothèses : la
première s'appuie sur la théorie de l'interaction de la
théoricienne H. Peplau (1952) et, sur les méthodes de
l'accompagnement professionnel démontré par M. Paul (2004), pour
traiter la question de la reconnaissance et l'acceptation du rôle
d'éducatrice par l'infirmière. Afin de vérifier si son
implication dans ce rôle lui permet de mieux se situer dans son
activité de soins et de mieux situer les besoins du patient en termes
éducatifs et curatifs ; La seconde hypothèse, s'appuie sur la
socialisation et la construction identitaire professionnelle de C. Dubar (1998
; 1992). Elle aborde l'identité professionnelle de l'infirmière
qui s'est retrouvé dans un mouvement permanent de construction, de
déconstruction et de reconstruction suite à la mutation de son
système d'activités qui inscrit l'ETP dans son rôle
propre.
Pour vérifier ces deux hypothèses sur le
terrain, je me suis appuyé sur deux outils méthodologiques :
l'observation ethnographique, et les entretiens semi directifs. Pour tenter
d'identifier les changements des pratiques infirmières résultant
de l'introduction de l'activité ETP à celle de soignante, j'ai
effectué un stage pratique auprès d'un hôpital public
prenant en charge les pathologies chroniques. J'ai recueilli des propos de
trois infirmières impliquées dans des activités
éducatives et, je les ai analysés au regard de leurs propos
vis-à-vis de leurs activités, leurs rôles et leurs
attitudes avec le patient pendant les deux activités (soin et
éducation).
112
2- Cheminement de la recherche
L'idée de concevoir un travail sur l'impact de
l'introduction d'une activité éducative à
l'activité de soins infirmiers découle de mes expériences
professionnelles, qui relèvent de deux domaines différents
notamment, la santé et la formation. Ces deux expériences
professionnelles (aide-soignante et chargé de la formation continue) ont
suscité en moi une curiosité et un intérêt pour
l'enseignement et l'apprentissage en lien avec la pratique éducative en
milieu hospitalier. Le terme « éduquer » m'a
interpellé, je me suis posé des questions sur le degré de
connaissance de l'infirmière des modèles éducatifs, elle
qui ne connaît que le curatif, aussi sur sa capacité à
intégrer la dimension éducative au soin, elle que je vois
constamment « dépasser » par les différentes
tâches de soins liés aux conditions de travail. Pour
répondre à cette curiosité, j'ai décidé
d'orienter mon thème de recherche vers l'intégration de
l'activité ETP aux soins. Je sais que je ne vais pas être une
future éducatrice, mais cette expérience m'aurait
rapproché du vécu des infirmières en situation de
changement professionnel et identitaire, le fait que je voudrais
réintégrer la formation continue et concevoir des formations
d'accompagnement et d'analyse de pratiques professionnelles. Pour
concrétiser ma recherche, il me fallait donc trouver des réponses
à mes hypothèses et, trouver un lieu de stage pour les
vérifier. J'avoue que c'était la tâche la plus difficile,
j'ai tout de suite été confrontée à des
réticences voire des refus relatifs à mon investigation. Je
savais que l'entrée dans le milieu hospitalier était presque
irréalisable pour les stagiaires hors cursus médical ou
paramédical. Mon statut de soignante m'a encouragé à
rester positive. Mais, au contraire je n'étais pas vu comme une
aide-soignante en réorientation professionnelle, mais comme un intrus
qui vient « espionner » les soignants dans leur travail, c'est ce que
j'avais compris à travers les refus successifs. J'ai donc fait le choix
d'une autre stratégie : élargir mon terrain de recherche et
changer la présentation du projet en ciblant les patients et non plus
les soignants, et en me présentant entant qu'étudiante en science
de l'éducation. J'avoue que durant toute ma période de stage, je
n'ai jamais évoqué mon statut de soignante pour mettre les
infirmières en confiance. J'avais raisons, mon stage s'est
déroulé dans les bonnes conditions. J'avoue qu'au départ
mon intention était d'enquêter auprès d'une équipe
pluridisciplinaire, pour bien répondre à ma problématique,
mais la non disponibilités des professionnels de santé
(médecins, kinésithérapeutes, diététiciens,
...) m'a emmené à consacré mon enquête au travail de
l'infirmière.
Mon expérience de chercheur, m'a permis de me
rapprocher du ressenti et du vécu des infirmières, d'apercevoir
dans leur regard des étincelles de joie d'être les
référentes en
113
éducation, d'entendre des expressions de valorisation
pour la pratique éducative, et en même temps, j'ai aperçu
des inquiétudes quant au devenir de cette pratique. A l'issue de ce
travail de mémoire, je prends conscience de la chance que j'ai, d'avoir
découvert une nouvelle vision du travail de l'infirmière et de ce
fait aussi, une nouvelle posture d'accompagnement, dont je m'inspirerai
éventuellement lorsque je serai en poste de coache.
3- Résultat de la recherche
En réponse à mes hypothèses, je sais
aujourd'hui que l'introduction d'une nouvelle pratique aux pratiques
quotidiennes d'un professionnel transformerait tout autant la pratique
habituelle que l'identité des acteurs. Je sais également, que
l'activité ETP complète l'activité de soins chez les
infirmières éducatrices. Je suis déçu de
découvrir que les compétences de l'activité ETP ne soient
pas partagées par une équipe pluridisciplinaire : contrairement
aux volontés législatives, l'infirmière se retrouve seule
dans une nouvelle fonction de soin éducatif, elle réalise seule
le diagnostic éducatif et les séances individuelles, à la
différence du soin qui mobilise des compétences collectives,
formelles et partagées. L'éducation semble ainsi
représentée un moment unique séparé du parcours de
soin. J'ai compris à travers les propos des interviewés que la
pratique éducative les isole de leurs pairs, étant celle-ci non
partagée par tous les soignants. Ce qui peut représenter un frein
majeur pour l'ETP étant le nombre de détendeurs de la
compétence éducative limité dans un service de soin.
Enfin, je constate qu'au travers de la pratique éducative apparaît
une compétence réflexive commune aux trois infirmières
éducatrices. Cette capacité réflexive représente
une prise de conscience par rapport aux activités du métier
d'infirmière. Les infirmières se sentent connues et reconnues
dans ce nouveau statut d'infirmière référente en
éducation. Cette activité ETP malgré qu'elle les isole de
leurs pairs, elle s'accompagne d'un renforcement identitaire qui a conduit les
infirmières interviewées à se sentir valoriser de part
cette pratique, malgré qu'elle demeure pratiquée de très
peu d'infirmières.
4- Prolongation de la recherche
Au travers de l'analyse des données recueillies dans
les entretiens, je me suis aperçue que l'activité ETP en tant que
telle n'a jamais été évaluée. Les trois
éducatrices témoignent qu'aucun suivi professionnel n'a
été effectué depuis l'intégration de cette
activité à leur
114
quotidien. Néanmoins lorsque j'ai demandé
à Laura de me décrire le mode d'évaluation de sa pratique
éducative, celle-ci répond qu'il n'y a pas le suivi d'un
professionnel : « Qui nous dirait si c'est ça ce qu'on fait.
L'analyse des pratiques qu'est ce qui la fait. ...l'analyse de
l'activité...il faut justifier de nos formations d'éducation
thérapeutique. Mais qui vient nous évaluer sur le terrain pour
nous dire que finalement, on ne fait pas juste ce qu'on fait, ...on prend pas
juste un thé avec le patient...et...ben personne...on remplit des
dossiers sur l'ordi...qui regarde et remarque ce que je marque en compte
rendu...qui...pas du tout. Personne, il n'y a personne qui regarde ce qu'on
fait... je pense. Il n'y a pas de continuité pour le suivi, rien pour
l'instant » (35'04). Ces propos m'ont conduit à
réaliser que la question de l'analyse et l'évaluation de la
pratique ETP mériterait un prolongement de recherche.
L'infirmière a exprimé le besoin de remettre en question son
action éducative, les exigences professionnelles l'obligent à
jeter un regard critique sur son agir afin d'améliorer continuellement
ses savoirs et ses savoirs faire, afin de parvenir à un
savoir-être accompli. Il s'agit de devenir un « praticien
réflexif » selon le concept de Donald Schön (1983). C'est vrai
que, l'HAS/INPES (2007) avait proposé dans le guide
méthodologique de l'ETP une grille d'évaluation pour l'ETP, mais
celle-ci nécessite que les professionnels de santé aient
déjà une expérience en ETP suffisante. A mon avis
l'analyse des pratiques professionnelles répondrait bien aux
préoccupations des infirmières éducatrices, elle
représenterait un moyen informel de procéder à
l'évaluation de la qualité des pratiques éducatives. Je me
pose alors la question sur l'outil qui répondrait à la question
suivante : Quel outil d'analyse de pratiques professionnelles pour
évaluer la pratique éducative des infirmières
éducatrices ?
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Table des abréviations
B.O : bulletin officiel.
CII : conseil international des infirmiers.
ETP : éducation thérapeutique du patient.
HAS : haute autorité de la santé.
HCSP : haut conseil de santé publique.
HDJ : hôpital de jour.
HPST : hôpital, patients, santé et territoire.
IDE : infirmier diplômé d'état.
INPES : institut national de prévention et
d'éducation pour la santé.
OMS : organisation mondiale de la santé.
ONI : ordre national des infirmiers.
SFSP : société française de santé
publique.
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