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"le droit d'accès à  la justice pour la partie impécunieuse"

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par Lloyd Rosique
Université de Aix-Marseille - Master 2 Contentieux et procédures civiles dà¢â‚¬â„¢exécution 2015
  

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B) L'application substantielle de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH à l'arbitrage

69 La question du droit d'accès à la justice en matière d'arbitrage fut de plus en plus

débattue dans les prétoires européens. Constatant l'existence de certaines dérives procédu-rales dans la justice arbitrale, la Cour européenne des droits de l'homme décida de renforcer l'équilibre des parties au nom du procès équitable (1). Ne pouvant faire formellement application de l'article 6 de la Convention EDH, les juges de Strasbourg et les juridictions étatiques, optèrent pour une application substantielle dudit article dans les procédures d'arbitrage. Un véritable revirement de jurisprudence annonçant ainsi les prémices du droit à l'arbitre (2).

1) Le renforcement de l'équilibre des parties dans l'arbitrage

70 La Cour EDH a concrétisé sa volonté d'inverser sa position jurisprudentielle au tra-

vers d'un arrêt Case of Regent Company contre Ukraine du 3 avril 200849. La haute juridiction Européenne mit en exergue la fonction juridictionnelle du tribunal arbitral. Celle-ci démontra qu'un tribunal arbitral devait être assimilé à un tribunal au sens de la justice publique. En ce sens, la cour précise qu'un tribunal arbitral doit être considéré comme étant un tribunal « établi par la loi » au sens de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH. Par conséquent, les sentences arbitrales doivent répondre aux mêmes exigences que les décisions des juridictions étatiques.

71 De par cette décision, la Cour EDH nous indique que le droit d'agir en justice tel que

reconnu par l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH, tient à s'appliquer dans les procédures d'arbitrage. C'est un signe fort envoyé à la justice arbitrale. Si le recours à la justice

49 CEDH, 3 avril 2008, aff. Regent Company V. Ukraine, req. 773/03, Rev. arb. 2009 p. 797 note Racine.

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arbitrale ne pose pas de difficulté, la Cour EDH entend garantir aux plaideurs une sécurité procédurale reposant sur les principes du droit au procès équitable. Les tribunaux arbitraux sont tenus d'offrir aux parties les mêmes garanties que celles prévues par la justice classique. Force est de constater que la référence au procès équitable devient quasi inévitable.

72 Bien que les circonstances de l'espèce n'étaient pas directement rattachées au pro-

blème de l'impécuniosité dans l'arbitrage, la Cour EDH jugea opportun de renforcer les droits des parties dans une procédure arbitrale. A ce titre, il est à noter que la Cour de cassation avait déjà opéré un revirement de jurisprudence dans un arrêt de la première chambre civile du 1er février 2005. Ainsi, la haute juridiction avait estimé que le principe du droit d'accès au juge s'appliquait aux procédures arbitrales, dans la mesure où celui est : « un droit qui relève de l'ordre public international consacré par les principes de l'arbitrage international et l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ». La motivation juridique délivrée par la Cour de cassation est très intéressante, en se sens qu'elle nous laisse en proie à l'interrogation suivante : « les principes de l'arbitrage cohabitent-ils avec l'article 6.1 de la CEDH pour consacrer en substance des règles de même teneur ?50

73 En somme, si la jurisprudence Française s'est toujours refusée de faire application

des dispositions de la CEDH dans l'arbitrage, il n'en demeure pas moins qu'elle a choisi une solution alternative afin de rétablir l'équilibre des parties dans la justice privée. En ce sens, les juges ont opté pour une application substantielle des garanties de la Convention EDH. Ce mécanisme juridique a notamment permis de consacrer le droit d'accès à l'arbitre. Un droit qui sera davantage renforcé par la justice publique suite à l'inflation des problèmes d'impécuniosité dans l'arbitrage.

2) Les prémices du droit d'accès à l'arbitre

74 Le raisonnement juridique mené par les juges étatiques est assez subtile. Ne pou-

vant inscrire les dispositions de la Convention EDH directement dans le visa de la décision, les magistrats se réfèrent aux grands principes procéduraux. De fait, lesdits principes sont directement liés aux garanties énoncées par la Convention EDH. Ainsi, nous pouvons prendre

50 LAGARDE Xavier « L'ombre de la CEDH plane sur les procédures d'arbitrage », Décideurs magazine, article du 13/02/2012.

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pour exemple le principe de l'impartialité et le principe de l'indépendance, qui se retrouvent aussi bien dans la justice publique que dans la justice arbitrale.

75 De facto, les juridictions étatiques mettent en exergue ces principes dans le but de

légitimer l'immixtion de la Convention européenne des droits de l'homme. En ce sens, la jurisprudence Française a reconnu le droit d'accès à l'arbitre au sens de la Convention EDH dans un arrêt Etat d'Israël contre société National iranian oil company (NIOC). La Cour de Cassation déclara que : « Mais attendu que l'impossibilité pour une partie d'accéder au juge, fût-il arbitral, chargé de statuer sur sa prétention, à l'exclusion de toute juridiction étatique, et d'exercer ainsi un droit qui relève de l'ordre public international consacré par les principes de l'arbitrage international et l'article 6. 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, constitue un déni de justice... »51. L'existence d'un déni de justice contraint ainsi la justice publique à faire application des dispositions de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l'homme. Progressivement, les magistrats abandonnent la position initialement adoptée dans l'affaire CUBIC, quant à l'application de la Conv EDH à l'arbitrage.

76 Avec la multiplication des situations de déni de justice dans l'arbitrage, la justice

française s'est appuyée sur le droit d'accès à l'arbitre en vertu de l'article 6 paragraphe 1. A ce titre, les magistrats consulaires du tribunal de commerce de Paris ont rendu un jugement non publié, qui est passé totalement inaperçu aux yeux des observateurs52.

77 En l'espèce, il s'agissait d'un contrat de franchise qui avait été conclu entre une so-

ciété française et une société danoise. Le tribunal de commerce saisi en tant que juge d'appui, décida de mettre en échec la convention d'arbitrage. Afin de justifier le jugement, les magistrats estimèrent qu'il y a avait eu une disproportion entre les frais découlant de la procédure d'arbitrage et les capacités financières de la société : « Il n'est pas non plus contesté que la saisine du tribunal arbitral danois se heurte à l'obligation qui est faite au requérant de consigner des frais divers {provision, frais de dossier, d'enregistrement} afin que l'affaire soit enrôlée».

51C.Cass, 1ère CIV, du 01/02/2005, N° de pourvoi: 01-13742 02-15237.

52 DE FONTMICHEL Maximin « l'accès à l'arbitrage de la partie impécunieuse », les petites affiches, 403e année - 27 janvier 2014 - No 19.

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78 De ce fait, le tribunal considère que «l'impossibilité matérielle pour Mil- Tek France

de se pourvoir devant une juridiction en raison d'une clause contractuelle, constitue une restriction de l'accès au juge qui doit conduire le tribunal à déclarer cette obligation nulle et de nul effet»53.

79 Par conséquent, le tribunal conclut à l'existence d'un déni de justice violant ainsi le

droit d'accès à la justice. L'argumentation avancée revêt un caractère totalement inédit, dans la mesure où, l'impécuniosité de l'un des plaideurs a permis de remettre en cause la convention d'arbitrage. Cependant, le raisonnement juridique ne fut pas entériné par la Cour d'appel. En effet, celle-ci refusa de statuer, dans la mesure où le recours formé n'était pas techniquement recevable. Nous pouvons ainsi en déduire que la question de l'impécuniosité dans l'arbitrage ne bénéficie pas d'une jurisprudence établie54. En somme, au regard de cette nouvelle tendance jurisprudentielle, le débat sur l'impécuniosité des parties dans l'arbitrage est relancé.

80 Le risque du déni de justice dans l'arbitrage est donc extrêmement élevé. De ce fait,

la justice publique voulut consacrer définitivement le droit d'accès à l'arbitre. Le problème de l'impécuniosité dans l'arbitrage permit aux magistrats Français de renforcer les garanties procédurales énoncées dans l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH. Pour autant, les juridictions étatiques n'ont pas souhaité dénaturer l'essence de la procédure arbitrale en faisant primer les principes du procès équitable. L'application substantielle des dispositions de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH constitua une nouvelle foi la clef de voute du raisonnement juridique. Cependant, il apparait désormais inévitable que l'arbitrage soit rattaché indirectement à ladite convention. Le droit d'accès à l'arbitre est une réalité. C'est un nouveau moyen de protéger les plaideurs impécunieux.

53 Tribunal de commerce de Paris, jugement du 17 mai 2001, RG n° 2011003447.

54 GAILLARD Emmanuel, « Rapport de synthèse sous la direction de CLAY Thomas et BEN HAMIDA Walid «l'argent dans l'arbitrage », lextenso éditions, 2013.

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Section 2 Impécuniosité : La consécration d'un droit d'accès à l'arbitre

81 Comme nous avons pu le constater dans les développements précédents, le recours

aux dispositions de la CEDH dans l'arbitrage est devenu quasiment inéluctable. Il ne serait donc pas incongru de penser que ces textes soient devenus d'application directe dans les procédures d'arbitrage, dans la mesure où les sentences arbitrales sont susceptibles d'être déférées à des juridictions nationales relevant d'Etats juridiquement liés à la Convention EDH55.

82 Bien que le droit d'accès à l'arbitre semble être acquis depuis la jurisprudence « CU-

BIC », il n'en demeure pas moins que les magistrats français ne se sont pas véritablement prononcés sur la question de l'impécuniosité dans l'arbitrage. Ainsi, à l'occasion des affaires « Pirelli » et « Lola Fleurs », la jurisprudence eut la possibilité de palier à cette absence de réponse. De facto, la juridiction suprême prit le pas de rendre effectif le droit d'accès à l'arbitre pour les plaideurs impécunieux au nom de « l'égalitarisme procédural » en affaiblissant la portée juridique de la convention d'arbitrage (paragraphe 1). Par ailleurs, celle-ci décida également de renforcer la fonction juridictionnelle des tribunaux arbitraux (paragraphe 2).

Paragraphe 1 L'affaiblissement de la portée juridique de la convention d'arbitrage

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe