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"le droit d'accès à  la justice pour la partie impécunieuse"

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par Lloyd Rosique
Université de Aix-Marseille - Master 2 Contentieux et procédures civiles dà¢â‚¬â„¢exécution 2015
  

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Paragraphe 2 Un obstacle financier encadré par l'immixtion progressive de la CEDH dans l'arbitrage

53 Affirmer qu'il existe un principe d'égalité entre les parties dans une procédure

d'arbitrage serait un doux euphémisme. Le coût de la procédure représente un obstacle financier conséquent, pour les plaideurs qualifiés de « partie faible ». En pratique, les litigants impécunieux sont souvent privés de leur droit d'accès à la justice arbitrale. De ce fait, la doctrine, ainsi que les juridictions étatiques, se sont saisies de cette difficulté, en s'interrogeant sur l'opportunité d'appliquer la convention EDH à l'arbitrage, afin d'offrir de nouvelles garanties procédurales aux plaideurs en difficulté. Il est à noter que, dans un premier temps, la jurisprudence n'a pas souhaité faire droit à cette alternative (A). Néanmoins, celle-ci décida, dans un second temps, d'infléchir sa position en vue de répondre aux problèmes d'impécuniosité dans l'arbitrage. Pour ce faire, les juridictions étatiques ont convenu de re-connaitre une forme d'application substantielle de l'article 6 paragraphe 1 de la convention EDH sur l'arbitrage (B).

A) L'inapplicabilité formelle de la Convention EDH à l'arbitrage

54 L'application de la Convention EDH à la procédure d'arbitrage est une question for-

tement controversée au sein de la doctrine. Si certains auteurs militent en faveur de l'extension du champ d'application de l'article 6 paragraphe 1 de ladite convention, afin de renforcer l'équilibre des parties dans l'arbitrage, c'est un postulat qui ne fait pas l'unanimité

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(1). En ce qui concerne la position de la jurisprudence, les juridictions étatiques en ont conclu à une inapplicabilité formelle de la convention à l'arbitrage (2).

1) Une question fortement débattue en doctrine

55 En matière d'arbitrage, deux courants doctrinaux s'opposent quant à l'applicabilité

de l'arbitre 6 paragraphe 1 de la Convention EDH. En effet, certains auteurs comme le professeur Serge GUINCHARD considèrent que lorsque les parties décident de recourir à l'arbitrage, elles renoncent à l'application de l'article 6 paragraphe 1 de ladite convention, et plus généralement au droit à un procès équitable43. Ce dernier démontre que le recours à la Convention européenne des droits de l'homme dans l'arbitrage n'est pas de droit.

56 Ainsi, les parties s'en affranchissent dès lors qu'elles signent une clause compromis-

soire permettant d'écarter la compétence des juridictions étatiques. L'essence même de la justice arbitrale ne permet pas de respecter les exigences posées par la Convention EDH. A ce titre, imposer le principe de la publicité des débats dans une procédure d'arbitrage serait dénué de sens, dans la mesure où l'arbitrage est une justice privée et donc par nature secrète. Par conséquent, le principe du droit d'accès au juge tel que garanti par l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH ne saurait trouver d'écho dans le cadre de l'arbitrage.

57 De la même manière, les parties n'ayant plus les capacités financières suffisantes

pour payer les frais de provision dans le cadre d'un arbitrage, ne pourraient invoquer une quelconque atteinte à leur droit d'accès à la justice.

58 Néanmoins, d'autres auteurs comme Jean-François RENUCCI, estiment que

« l'accord sur l'arbitrage serait atteint si l'arbitre n'exerce pas sa mission conformément aux garanties du procès équitable »44. Cette thèse repose sur le fait qu'un arbitre est investi d'un pouvoir juridictionnel, au même titre que le juge étatique. De fait, si l'arbitrage est avant

43 GUINCHAR Serge « Droit processuel/ Droits fondamentaux du procès », Dalloz. 6ème Ed.,2011.

44 RENUCCI Jean François « Droit Européen des Droits de l'Homme », LGDJ. 2ème Ed. 2012.

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tout une justice privée, il n'en demeure pas moins que les décisions émanant des instances arbitrales revêtent un caractère juridictionnel. En effet, les sentences arbitrales répondent au principe de l'autorité de la chose jugée. Il apparait donc nécessaire que la justice arbitrale se plie aux exigences du procès équitable.

59 Cette division au sein de la doctrine a fortement influencé la jurisprudence, qu'il

s'agisse aussi bien de celle relevant de Cour européenne des droits de l'homme, que de celle découlant de nos propres juridictions.

2) Une question partiellement tranchée par la jurisprudence

60 A l'origine, il était d'usage que la Convention européenne des droits de l'homme,

véritable clef de voute du procès équitable, n'était pas applicable à l'arbitrage. Un tel postulat se justifiait, dans la mesure où l'on considérait qu'un tribunal arbitral ne pouvait être assimilé à une juridiction étatique45. De ce fait, il apparaissait logique de ne pas engager la responsabilité d'un Etat partie à la Convention EDH sur la base d'une violation du droit au procès équitable.

61 En ce sens, la Cour européenne des droits de l'homme, dans un arrêt Deweer contre

Belgique du 27 février 1980, démontra que le recours à la justice arbitrale devait s'entendre comme une renonciation au droit à un tribunal. Malgré l'existence de déni de justice dans l'arbitrage, pour des raisons d'impécuniosité, la haute juridiction Européenne s'opposait à ce que les plaideurs en difficulté invoquent la convention pour satisfaire leur droit au procès équitable. Le respect de la convention d'arbitrage s'imposait aux parties dès lors qu'elle était « libre, licite et sans équivoque »46.

45 C.Cass, 1ère CIV, 20 février 2001, Rev. Arb. 2001.511, note : CLAY Thomas « La Convention européenne des droits de l'homme, qui ne concerne que les Etats et les juridictions étatiques, est sans application en la matière ».

46 LAGARDE Xavier « L'ombre de la CEDH plane sur les procédures d'arbitrage », Décideurs magazine, article du 13/02/2012.

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62 En outre, la jurisprudence poursuivit en adoptant une position restrictive quant à

l'applicabilité de la Convention EDH à l'arbitrage à l'occasion d'un arrêt Cubic du 20 février 200147. Bien qu'il ne s'agissait d'une affaire ayant trait à un quelconque problème d'impécuniosité, la société Cubic invoquait la violation de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention EDH sur la base du non respect au principe de l'impartialité de l'arbitre et du délai raisonnable de la procédure.

63 Pour autant, la Cour de cassation rejeta leur argumentation aux motifs que : « Et

attendu, sur le troisième moyen, fondé sur l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, que la Convention précitée, qui ne concerne que les Etats et les juridictions étatiques, est sans application en la matière... que la cour d'appel a, sur ce point encore, légalement justifié sa décision ; ». Ainsi, la Cour de cassation s'appuya sur les développements initialement avancés par la Cour européenne des droits de l'homme lors de l'affaire Deweer contre Belgique.

64 Par ailleurs, la Cour d'appel de Paris eut l'occasion de véritablement se prononcer

sur la question de l'impécuniosité et du droit d'accès à la justice arbitrale dans un arrêt Maître Stebler c/ Sté La Croissanterie, du 14 avril 2005. Dans cette affaire, les juges du fond se devaient de répondre à la question suivante : « Comment permettre un accès à la justice à la partie liée par une clause d'arbitrage et dans l'incapacité financière de payer la provision des frais d'arbitrage ? »48. En l'espèce, il s'agissait d'une société qui avait été placée en liquidation judiciaire au cours d'une procédure d'arbitrage. Ladite procédure était régie par le règlement d'arbitrage de la Fédération de la Franchise. Ce règlement prévoyait l'existence d'une procédure d'arbitrage avec un double degré de juridiction. A l'issue de la première instance, la société devenue impécunieuse perdit le procès.

65 Le liquidateur en charge de sa représentation, formula une requête aux fins

d'interjeter appel de la sentence rendue par les arbitres. Cependant, le tribunal arbitral rejeta la demande au motif que la partie appelante n'avait pas payé la provision des frais correspondant au montant de l'appel. Dès lors, la sentence arbitrale rendue en première instance

47 C.Cass, 1ère Civ Cubic Defense systems du 21 février 2001 : pourvoi n° 99 12.574, B.I N° 39.

48 LOQUIN Eric « La partie impécunieuse et les conséquences de l'impossibilité pour elle de payer les frais d'arbitrage » RTD Com. 2006 p. 308.

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devint définitive, évacuant ainsi toute possibilité de procéder à un nouvel examen de l'affaire. Insatisfait de cette situation, le représentant de la société en liquidation, saisit la Cour d'appel de Paris dans le but de faire annuler la décision rendue.

66 De facto, ce dernier s'appuya sur les dispositions du règlement d'arbitrage de la Fé-

dération de la Franchise, en démontrant que le tribunal arbitral avait l'obligation de prendre en compte la situation d'impécuniosité de la société. En ce sens, il cita l'article 20 dudit règlement qui énonce que : « le demandeur est garant de tous les frais d'arbitrage quels qu'ils soient et qu'il est tenu de les verser par provision à la Chambre arbitrale dès que celle-ci l'exige. A défaut du versement de la provision dans le délai fixé par la chambre d'arbitrage, la demande d'arbitrage est considérée comme retirée. Si les circonstances de l'espèce le rendent nécessaires, la Chambre arbitrale peut fixer exceptionnellement les frais d'arbitrage à un montant supérieur ou inférieur à celui qui résulte de l'application du barème ». En somme, le tribunal arbitral aurait dû prendre en compte les circonstances de l'espèce, afin de permettre à la société impécunieuse d'interjeter appel de la sentence rendue.

67 Pour autant, la Cour d'appel de Paris refusa d'annuler la sentence aux motifs que : «

les griefs formés par le recourant à l'encontre de l'institution d'arbitrage relèvent de leurs relations mutuelles et sont étrangers à la qualification de la décision du tribunal arbitral, que, par suite, la clause du règlement d'arbitrage stipulant qu'à défaut de versement de la provision, la demande est considérée comme retirée, la Chambre arbitrale a pu considérer que « le projet de sentence peut être considéré aujourd'hui comme définitif », faute d'accomplissement des formalités afférentes à la demande d'arbitrage au second degré ». Les juges du fond se sont donc livrés à une lecture restrictive du règlement d'arbitrage, laissant le plaideur impécunieux essuyer les conséquences d'un certain déni de justice.

68 De tels risques représentent un véritable danger au regard de l'ordre public procé-

dural. C'est la raison pour laquelle, la jurisprudence décida d'assouplir sa position, afin de renforcer l'équilibre des parties dans une procédure d'arbitrage.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote