I.1.3.3-Renforcement du développement local
Dans une démarche qui associe les dynamiques
entrepreneuriales et sociales, Bernard PECQUEUR (2000)12 a
développé une approche qui conçoit le développement
local dans la relation entre sphère productive et sphère
sociale.
Son approche du développement local privilégie
l'appréhension des mutations de l'espace dans lequel les tissus
industriels évoluent.
Il associe le développement local au «
dialogue» entre des entreprises et des territoires et à l'ouverture
à leur environnement non marchand.
Ainsi, la formation de systèmes productifs locaux est
étroitement liée à la synergie des acteurs locaux.
PECQUEUR s'intéresse ainsi au dialogue et aux rapports
entre agents économiques en quête d'autonomie et tente de
concevoir le développement local comme une valorisation de ressources
autre que celles relevant des rapports marchands.
Il porte une attention particulière aux échanges
qui ont lieu hors du marché mais qui lui sont
bénéfiques.
Pour lui, le processus de développement découle
de trois conditions, à savoir l'innovation, la capacité à
s'adapter et la capacité à réguler.
Il s'inscrit ainsi dans une logique qui donne une place
prépondérante au réseau et aux relations humaines hors du
marché pour l'agencement du développement local. Ces
réseaux restent liés aux activités de production et se
centralisent autour des acteurs économiques.
12Bernard PECQUEUR (2000), Le développement
local. Pour une économie des territoires, 2ème
édition, Paris, La Découverte & Syros, 132 pages.
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En affirmant qu'il n'y a pas de modèle de
développement local transposable, PECQUEUR insiste sur
l'intérêt de la construction des Systèmes Productifs Locaux
(SPL) qui ont en commun la valorisation des stratégies des acteurs
locaux, la solidarité spatiale des acteurs et le dialogue entre
entreprises et territoires.
Mamadou KOULIBALY (2001)13 et ses compaires,
mentionnent dans leur analyse que toutes les composantes de la population
doivent être à la fois acteurs et bénéficiaires des
programmes de lutte contre la pauvreté et de développement.
En effet, les solutions durables dans ce domaine sont
conditionnées par l'appropriation des mécanismes par les
populations cibles.
Selon eux, faire face à la pauvreté, c'est
investir dans la recherche, l'expérimentation, le suivi et
l'évaluation, en privilégiant à chaque étape une
approche intégrée.
Sandra GRANZOW (2002)14, sur la base de
témoignages à travers les actions de la Banque Mondiale tant au
niveau urbain que rural, souligne qu'il y a progrès social lorsque les
communautés deviennent les agents de leur développement.
Celles-ci étant maîtresses de décision et
bénéficiant d'affectation des ressources, savent rehausser la
transparence et l'équité.
Selon lui, l'on doit compter sur les capacités des
populations dans l'amélioration de leurs conditions de vie.
Grigori LAZAREV et Mouloud ARAB (2002)15 ,
présentent une conception récente du développement local
en ce sens qu'ils intègrent les thèmes du défi
écologique, de la lutte contre la pauvreté, de la croissance
démographique, de la création d'emplois, de l'urbanisation, de la
décentralisation entre autre et de l'exigence de la
durabilité.
13 Mamadou KOULIBALY et alii (2001), La
pauvreté en Afrique de l'Ouest, Paris-Dakar, Karthala-Codesria, 160
pages.
14 Sandra GRANZOW (2002), L'espoir d'un monde sans
pauvreté, Washington, Meatows Press, 206 pages.
15Grigori LAZAREV et Mouloud ARAB (2002),
Développement local et communautés rurales. Approches et
instruments pour une dynamique de concertation, Paris, Karthala, 366
pages.
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Pour eux, l'idée de l'éco-développement
lancée en 1992 au Sommet de Rio de Janeiro au Brésil stipule une
forme de développement à la base qui sache prendre en compte
à la fois les impératifs de l'économie et les contraintes
d'une gestion durable et efficace des ressources naturelles.
Ils montrent ainsi que l'option participative constitue un
autre point d'appui des nouvelles politiques en matière de
développement.
En effet, le développement local suppose pour eux une
responsabilisation des communautés rurales en matière de
programmation, de gestion, d'exécution et de suivi des programmes
d'action.
Francis AKINDES (2003)16, pour sa part, questionne
la problématique de la participation dans les politiques de
décentralisation introduites en Afrique des années 1980.
L'auteur souligne par ailleurs que l'approche participative
est envisagée en milieu urbain comme modalité d'ingénierie
sociale et politique.
Francis AKINDES s'interroge sur les notions de
société civile, de démocratie participative dans le
contexte africain en général et ivoirien en particulier.
Dans le cas de la Côte d'Ivoire, la
décentralisation est approchée en termes de participation des
citoyens au développement local.
La décentralisation se veut un acte instituant la
démocratie locale mais elle, ou mieux cette participation est parfois
détournée de ses objectifs.
Elle est à la fois détournée pour leurs
propres intérêts par les élus locaux et elle est mal
comprise par les citoyens.
Ainsi, la pratique de la décentralisation bute-t-elle
sur la modernité du projet politique et les habitudes de gestion.
La décentralisation reste une projection de normes dans
un contexte socioculturel qui n'est pas encore appropriée par les
citoyens locaux.
16Francis AKINDES, « société
civile et participation au développement local en Côte d'Ivoire :
des concepts à la réalité» in Célestin
MAYOUKOU (2003), Gouvernance du développement local, Paris,
L'Harmattan, pp. 113-139.
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Pour l'auteur, il faut aller au-delà des
mécanismes actuels sur lesquels repose la décentralisation.
Autrement dit, le mouvement associatif, doit promouvoir un esprit citoyen par
la formation des élus sur le management des ressources humaines.
Paul KOFFI (2008)17, pour sa part, fait une analyse
des possibilités de la Côte d'Ivoire à relever le
défi du développement économique et social. Selon
l'auteur, pour atteindre cet objectif, il est nécessaire de s'appuyer
sur une stratégie axée sur quatre (04) piliers.
Il s'agit d'instaurer d'abord un véritable état
de droit, bien organisé et une économie efficacement
régulée.
Ceci doit s'accompagner de la promotion et la valorisation des
ressources humaines, des talents et des savoir-faire.
En outre, le développement des infrastructures doit
être une réalité.
Ce qui va renforcer la compétitivité et
déboucher sur la mise en place d'une économie industrielle,
fortement exportatrice de biens manufacturés, des services de
qualité et une agriculture modernisée.
Enfin, il faut songer à l'ouverture et au
positionnement extérieur dans un esprit d'élargissement du
partenariat.
En somme, selon Paul KOFFI, la Côte d'Ivoire a
expérimenté, avec des succès mais aussi des échecs,
des stratégies de développement. Mais, face aux limites des unes
et des autres, il faut mettre désormais sur la table comme
priorité une stratégie basée sur l'homme, sur ses talents,
son savoir-faire qui crée de la richesse. Ceci parce que le
développement axé sur la promotion de l'homme a été
pendant longtemps négligé.
17 Paul KOFFI (2008), le défi du développement
en Côte d'Ivoire, Paris, L'Harmattan, 296 pages.
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Enfin, Paul HOUEE (2009)18, s'adresse aux acteurs de
développement
local, aussi bien dans les territoires d'Occident que dans les
pays du Sud.
Son objectif est de situer les multiples initiatives et
réseaux de développement participatif non comme des replis
frileux ou des bricolages illusoires, mais comme des forces de refondation
sociale, de réappropriation démocratique, face à la
mondialisation. Pour cela, il propose de comprendre la mondialisation, non
seulement dans sa dimension économique, mais aussi et surtout de saisir
les diverses initiatives de réseaux de développement local comme
autant de jaillissements d'énergies et de libération
créatrice, qui aspirent à vivre, à être reconnu dans
sa dignité et la diversité culturelle.
Pour l'auteur, un autre développement prenant en compte
les aspirations des populations est possible.
Au terme de la revue de littérature relative à
notre sujet de recherche, force est de constater que les écrits sur
l'intégration et/ou la participation des populations au
développement local abondent. Mais, son application est encore
tributaire du niveau de développement et de la volonté politique
des Etats.
Vue sous cet angle, la participation au développement,
malgré qu'elle soit exigée par les institutions de Bretton Woods
telles que la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International comme
condition pour l'octroi d'aide, est en proie à des difficultés
socio-culturelles, économiques et politiques.
Aussi, l'appropriation du projet de développement, de
ses logiques et de ses acquis pour assurer la continuité de la dynamique
de développement instaurée par l'intervention et l'aspect
dynamique des besoins des populations sont des axes qu'il faut
élucider.
L'importance de la participation communautaire dans
l'aboutissement du développement et de l'amélioration des
conditions de vie des populations mérite une recherche approfondie afin
de lier le discours à la réalité.
18 Paul HOUEE (2009), Repères pour un
développement humain et solidaire, Paris, Edition de l'Atelier, 254
pages.
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Ainsi, voulons-nous pour notre part, dans une perspective
interactionniste, insister sur la manière dont les populations
participent au développement local.
Aussi, au vu de la construction et reconstruction des rapports
de l'Etat ivoirien avec sa population autour de la politique de
décentralisation, il est nécessaire, à travers cette
étude, de faire l'exposé de la participation de la population au
développement local. Il va s'agir aussi d'analyser les rapports sociaux
qui se construisent autour du développement.
Ceci s'est opérationnalisé par
l'élaboration de la problématique qui a fait ressortir la
question centrale de recherche.
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