VII.1.2-Participation aux prises de décisions
Tableau n°20: Participation de la
population aux prises de décisions selon les enquêtés.
Sexes
Participation
|
Femmes
|
Hommes
|
Total VA
|
Total VA
|
VA
|
VR
|
VA
|
VR
|
Oui
|
20
|
10,53
|
60
|
31,57
|
80
|
42,10
|
Non
|
48
|
25,27
|
62
|
32,63
|
110
|
57,90
|
Total
|
78
|
35,80
|
112
|
64,20
|
190
|
100%
|
204
Source : Enquête de terrain, 2010-2012.
205
Il ressort des données du tableau n°20 que 57,90%
des enquêtés disent ne pas participer à la prise de
décision concernant les actions de développement de leur
localité ; ils représentent la plus forte proportion des
répondants.
Dans cette proportion, les femmes représentent 25,26%
de l'ensemble des enquêtés et les hommes 32,64%.
Par contre, 42,10% des répondants déclarent
participer à la prise de décision. Cette proportion est en
majorité représentée par les hommes, 31,58% de la
population à l'étude contre 10,52% seulement de femmes.
« Il s'agit des consultations pour connaître
nos besoins concernant le développement. Parfois, il arrive que nous
exprimons nos besoins par écrits que nous déposons au sein de la
structure décentralisée85 », tel est le
rôle que joue la population dans la prise de décision concernant
le développement local.
« Oh, disons que nous sommes parfois convoqués
par le responsable du développement humain ou le directeur de Cabinet du
Conseil Général de Dimbokro pour parler du développement;
il s'agit juste des informations sur les projets de développement
à réaliser ».
On peut dire que nous contribuons au développement
de notre localité; c'est vrai nous n'interviendrons pas du début
jusqu'à la fin des projets de développement mais la consultation
est l'occasion pour nous de donner notre avis sur le développement.
(Entretien collectif, responsables d'associations et mutuelles de
développement).
« En réalité, nous sommes parfois
informés des actions de développement à entreprendre dans
nos villages et nous en prenons acte. De fois, on nous demande au cours des
rencontres de faire connaître nos besoins.
C'est en quelque sorte notre manière de participer
au développement de Dimbokro» (Entretien collectif, chefs des
villages concernés).
85 Propos d'un des enquêtés pour justifier leur
rôle lors des prises de décisions, enquête de terrain
2012.
206
La consultation constitue certes le premier niveau de la
participation de la population au développement local, mais il est
nécessaire que celle-ci puisse participer aux autres phases (conception
et planification, réalisation, suivi et évaluation) de la mise en
oeuvre des projets de développement.
En effet, les citoyens et autres organisations de la
société civile font l'objet de peu d'appui et de formation
à même de leur permettre de comprendre et donc de participer
valablement au processus.
En outre, les populations disposent de peu de moyens de
contrôle et de suivi des décisions prises.
A cet effet, les collectivités
décentralisées territoriales devront consulter
régulièrement les populations, mieux les organiser et les
responsabiliser en vue d'une appropriation des actions de développement
initiées.
Dans cette perspective, les collectivités territoriales
devront veiller à la mise en place et au fonctionnement effectif et
régulier des commissions ainsi que des organes consultatifs
institués par la loi qui sont le comité économique et
social départemental et comité consultatif du District (Brou
Emile KOFFI, 2008 : 98).
Pour atteindre cet objectif, il faut une forte implication des
populations (populations locales, décideurs locaux, personnel de
l'administration locale) à la prise de décision mais aussi au
suivi et à l'évaluation des projets dont la vie dépend du
niveau d'implication des populations bénéficiaires.
Ainsi, le développement local et la gouvernance
territoriale fonctionneraient mieux si les acteurs prenaient en chargent toute
les modalités qui sous-tendent un développement
décentré et le volontarisme qui aurait dû en être le
levier. Les différents acteurs impliqués doivent s'inscrire sur
le chemin de sa traduction en réalité concrète et
engagée86.
86Amadou DIOP (2008), Développement local,
gouvernance territoriale: enjeux et perspectives, Paris, Karthala, page
8.
207
Il ne s'agit plus en effet, de tout concevoir et le
présenter aux populations, mais il est question de plus en plus de leur
donner les moyens nécessaires d'être les acteurs de leur
développement.
Suivant le principe de l'approche participative, les projets
de développement doivent répondre aux besoins et s'insérer
dans les valeurs des populations bénéficiaires.
Autrement dit, l'élaboration des actions de
développement doit passer par l'implication des populations
bénéficiaires, à l'effet de définir leurs besoins,
leurs priorités en matière de développement et les
politiques ou les stratégies à mettre en place pour y faire face.
Il s'agit, à travers ce principe, de mettre en oeuvre des dispositions
de développement adaptées et susceptibles de contribuer de
façon efficace au bien-être des populations
bénéficiaires.
Il est donc question de l'implication véritable des
membres des communautés d'accueil dans la mise en oeuvre des initiatives
de développement et non par un tiers. Ce principe suppose une
étroite implication des bénéficiaires à toutes les
étapes de la mise en oeuvre des actions de développement qui leur
sont destinées.
Il s'agit de les associer à l'identification, à
la réalisation, au suivi et à l'évaluation de toute action
de développement.
A cet effet, les membres des communautés d'accueil ne
seront plus de simples bénéficiaires des projets de
développement comme par le passé, mais des acteurs de leur
développement.
Pour ce faire, les entités décentralisées
devront consulter régulièrement les populations, mieux, les
organiser et les responsabiliser en vue d'une appropriation des actions de
développement initiées.
Dans cette perspective, ces entités devront mettre en
place des structures de démocratie participative, notamment par la
création d'une plateforme de collaboration regroupant l'ensemble des
forces vives locales (ONG, associations, mutuelles de développement,
secteur privé, syndicats, etc.).
208
Il s'agit là d'une stratégie de
développement rural s'appuyant sur des démarches pratiques
novatrices, de nature prospective, territoriale, expérimentale et
contractuelle.
Les structures décentralisées doivent s'atteler
à l'atteinte du principe de participation comme l'a souligné
l'assistant du Directeur Technique et des Moyens Généraux du
Conseil Général de Dimbokro : « il faut donner
l'opportunité à la population d'être de véritables
acteurs de développement en lui donnant des rôles
spécifiques à jouer ».
Il s'agit d'oeuvrer pour atteindre comme le souligne Jacques
VERON la dimension élargie du développement qui est
désormais « social (associée à la
réduction des inégalités, l'amélioration des
statuts), humain (tournée vers la santé et l'éducation des
populations) et durable (soucieux de la préservation de l'environnement)
»87.
A ce propos, André CARVALLO, Directeur du PNUD en
Côte d'Ivoire a souligné dans ses propos que "s'il est bien de
pouvoir satisfaire les besoins en nourriture d'une population ou d'un groupe
d'individus, aujourd'hui, il est encore mieux de donner à cette
population ou à ce groupe d'individus les moyens qu'il faut pour se
sortir durablement de la faim et de la pauvreté.88"
En somme, la population doit être impliquée du
début jusqu'à la fin des projets de développement au sens
où le perçoit (André DUMAS, 1983) à travers le
tableau de participation au projet de développement qu'il a
proposé.
87Jacques VERON, (1994), Population et
développement, Paris, PUF, Page 69.
88Extrait du discours du 17 Octobre 2007
d'André CARVALLO, Directeur du PNUD en Côte d'Ivoire, lors de la
4ème Journée Nationale de la lutte contre la pauvreté.
209
Tableau n°21 : Participation des
populations aux projets de développement selon André DUMAS.
Etapes
|
Participation des populations
concernées
|
Rôle des agents extérieurs (pouvoirs
publics, experts)
|
Conception
|
Prise de conscience
|
Information
|
Identification et inventaire des besoins
|
concertation
|
Mise en évidence des priorités et adaptation
du projet aux besoins
|
Etudes préliminaires et études des incidences
du projet
|
Mise en place d'un cadre institutionnel (organes de la
participation) et détermination des responsabilités
|
Participation éventuelle
|
Recherche des moyens (main-d'oeuvre, matériel
et financement)
|
Etudes techniques (montage technique et financier)
|
Réalisation
|
Mise en place du chantier (préparatifs,
construction)
|
Assistance technique
|
Fourniture de la main-d'oeuvre et des matériaux
|
Formation de la main- d'oeuvre, mobilisation
des ressources et fourniture et des matériaux
|
Exécution du projet
|
Assistance technique et contrôle de la
réalisation
|
Fonctionnement
|
Gestion du projet
|
Evaluation d'experts
|
Maintenance du projet (fonctionnement et entretien)
|
Assistance technique
|
Exploitation du projet (organisation des utilisateurs
et participation aux avantages et aux charges
|
Suivi du projet
|
Source : André DUMAS (1983), « participation
et projets de développement» in tiers-monde, tome 24,
n°95, pp. 513-536.
210
L'analyse du tableau de DUMAS fait ressortir l'importance de
la participation des populations du début à la fin de tout projet
de développement. Au niveau des trois phases (conception,
réalisation et fonctionnement) qu'il développe, les populations
ont un rôle bien déterminé à jouer. Elles sont donc
au "coeur" du projet et s'en approprient.
En effet, le développement n'est qu'une des formes du
changement social et ne peut être appréhendé isolement.
L'analyse des actions de développement et les réactions
populaires à ces actions ne peut être disjointe de l'étude
des dynamiques locales, des processus endogènes.
Les acteurs sociaux circulent sans cesse entre le registre
économique et le registre politique, sans parler du symbolisme, du
langage ou de la religion. Les pratiques et les représentations des
populations, face au changement en général comme face au
développement en particulier, mobilisent tous les registres possibles,
et aucun ne peut être à priori exclu ou disqualifié
d'avance, ni l'économique (avec les rapports de production et ses modes
d'action économiques), ni le politique (avec ses rapports de domination
et ses stratégies de pouvoir), ni le social, le symbolisme ou le
religieux (Jean-Pierre OLIVIER DE SARDAN, 1995 : 06 et 17).
Mettre les acteurs sociaux, au premier plan dans les projets
n'est pas un appel à la bonne volonté, ni un plaidoyer
commandité par l'éthique (...). C'est une requête reposant
sur des fondements théoriques, adressée aux dirigeants, aux
planificateurs et aux experts techniques pour que soit reconnue la place
centrale de ce qui est le facteur principal dans les processus de
développement: la participation populaire (Michael CERNEA, 1998 :51).
Ainsi, la participation tient-elle compte de l'identité
culturelle, des besoins, des expériences et des contributions des
populations locales tant dans la vulgarisation, la mise en oeuvre et
l'évaluation des programmes de développement, que dans leur
conception et leur élaboration (Srinivas MELKOTE et Leslie STEEVES,
2001).
211
Le besoin pour un individu d'avoir son mot à dire dans
les décisions importantes qui touchent sa vie est tout aussi essentiel
pour son développement.
Selon les personnes enquêtées pour cette
étude, il ya des entités qui doivent représentées
la population lors des prises de décisions concernant le
développement.
Tableau n°22 : Les entités
représentant la population lors des prises de décisions
concernant le développement selon les enquêtés
Sexes
Structures
|
Femmes
|
Hommes
|
Total VA
|
Total VR
|
VA
|
VR
|
VA
|
VR
|
Groupements des populations locales
|
45
|
23,68
|
68
|
35,79
|
113
|
59, 47
|
Chefs des communautés villageoises
|
20
|
10,53
|
35
|
18,42
|
55
|
28, 95
|
Leaders d'opinions
|
13
|
6,84
|
9
|
4,74
|
22
|
11, 58
|
Total
|
78
|
41,05
|
112
|
58,95
|
190
|
100%
|
Source : Enquête de terrain, 2010-2012
Dans le tableau n°22, ci-dessus, les entités, qui
selon les enquêtés doivent les représenter sont les
groupements des populations locales (59,47%), les chefs des communautés
villageoises (28,95%) et les leaders d'opinions (11,58%).
« C'est ce dont nous parlons, les groupements de la
population, à savoir les chefs de villages, les responsables
d'associations ou mutuelles de développement, et ceux des associations
de jeunes et de femmes peuvent jouer ce rôle.
212
Mais, il faudrait que ceux-ci aient pour seule motivation
le développement de leur localité et donc faire fi de leur
appartenance politique qui peut faire détourner de l'objectif»
(Entretien collectif, responsables d'associations et mutuelles de
développement).
En un mot, le souhait de la population est qu'elle soit
représentée lors des échanges sur son
développement, à savoir l'analyse des besoins, la planification
et l'exécution de ces projets ainsi que leur suivi et
évaluation.
En effet, les structures de développement
n'interviennent pas sur un terrain neutre, elles y trouvent les populations
avec leur culture et leur manière de faire et de concevoir le
développement avec qui ces structures doivent collaborer.
Par ailleurs, la population locale a toujours eu ses propres
manières de s'informer, de s'organiser pour poser des actions
collectives de développement. Car, l'appartenance des habitants au
village, aux groupements légitime leur intervention dans l'espace
social.
Le développement local consiste donc à prendre
en considération une diversité d'initiatives parmi lesquelles il
convient de mentionner celles des groupements populaires.
Il s'agit de considérer les différentes
stratégies que les acteurs locaux mettent en oeuvre pour participer au
développement de leur localité.
Stratégies qui se résument dans la plus part du
temps à leur regroupement en association pour leur mieux-être.
Le développement oblige à "une recherche des
cohérences ou des ruptures de cohérence", en passant du point de
vue de l'analyse à celui de l'action.
Car, elle diffère sensiblement selon que l'on se range
dans la catégorie des théoriciens qui portent leur attention
surtout sur les "facteurs de développement" ou celle des
"stratèges opérationnels" qui s'intéressent quant à
eux plutôt au jeu des acteurs, des institutions qu'ils animent et des
actions qu'ils mènent.
213
L'acteur individuel est un agent libre qui garde sa
capacité de calcul et de choix. Il a sa capacité
d'élaborer des stratégies qui, de son point de vue, sont
rationnelles (Michel CROZIER et Erghard FRIEDBERG, 1977 : 96).
Tout changement proposé pour l'épanouissement
des individus, le développement de leurs activités ou
l'amélioration du climat ou des performances de l'ensemble qu'ils
constituent, passe par la transformation de ces systèmes.
L'acteur est donc engagé dans un système
d'action concret et doit "découvrir, avec la marge de
liberté dont il dispose, sa véritable responsabilité"
(Michel CROZIER et Erghard FRIEDBERG, 1977 : 202 et 388).
Ainsi, l'action humaine est un processus actif où les
hommes apprennent à se servir d'instruments matériels et
culturels mis à leur disposition pour résoudre les
problèmes, les contraintes et les opportunités des
différentes situations qui se présentent à eux.
L'action organisée est un construit social qui aide les
hommes à trouver des solutions aux problèmes d'action collective
en vue d'objectifs communs mais qui, simultanément, oriente leur
comportement, circonscrit leur liberté d'action, conditionne les
résultats.
Cette action est perceptive, à Dimbokro par l'existence
des associations et mutuelles de développement qui sont mises en oeuvre
pour le mieux-être de ses membres et allant de la population.
Planifier des actions communes de développement,
nécessite un système de communication qui est partie prenante de
la participation des usagers aux prises de décisions.
La communication permet de saisir les informations
afférentes au développement et aux opportunités nouvelles
qui pourraient s'ouvrir aux populations.
214
La population a donc mis en lumière les canaux
d'information et de communication qui sont jusque là utilisés par
les structures décentralisées et expose ceux au travers desquels
elle souhaiterait recevoir les informations dans le cadre du
développement de sa localité.
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