I.3.2-Référence théorique
Cette section se réfère aux différentes
théories dans lesquelles s'inscrit cette étude. Il s'agit de la
théorie du changement social, la théorie de la
décentralisation et la théorie du développement local
participatif.
I.3.2.1-Théorie du changement social
Le changement social est une transformation durable, plus ou
moins rapide, d'une partie ou de l'ensemble d'un système social au
niveau de son fonctionnement (mode d'organisation), de sa structure
(stratification, rapports sociaux) ou de ses modèles culturels
(comportements, normes, systèmes de valeurs). Ainsi les penseurs du
XIXème siècle et du début du
XXème siècle, historiens et précurseurs de la
sociologie cherchent les lois de l'histoire et les facteurs déterminants
de la triple influence hégélienne (étape de l'histoire),
de la théorie darwinienne (sélection des innovations
performances) et de l'impact de la révolution française
(changement conflictuel).
Emile DURKHEIM présente dans De la division du
travail social (1893) une vision holiste du développement, aux
accents évolutionnistes.
En effet, selon l'auteur, la division du travail social est
« un résultat de la lutte pour la survie, mais elle en est un
dénouement adouci. Grâce à la division du travail, les
rivaux ne sont pas obligés de s'éliminer mutuellement, mais
peuvent coexister les uns à côté des autres ».
Ainsi, DURKHEIM considère que la division du travail
provient essentiellement de l'accroissement de la population et de la
"densité sociale". Il y aurait un seuil critique au-delà duquel
les humains choisissent de coopérer, de commercer entre eux,
plutôt que de se combattre.
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Les communautés traditionnelles laissent place à
la société moderne.
Dans ce contexte, le système social de production
sociale oeuvre sans cesse à trouver une place aux nouveaux arrivants qui
sont intégrés dans un tissu productif de plus en plus
complexe.
La division du travail serait la réponse de la
société à l'accroissement du volume et de la
densité sociale qui implique une « intensité plus grande de
la lutte ».
L'explication de DURKHEIM recouvre deux aspects
étroitement liés entre eux, à savoir le passage d'une
société traditionnelle à une société moderne
à travers le dépassement de l'équilibre
population-subsistance.
La contribution de Max WEBER à la compréhension
du développement s'inscrit dans ses analyses du processus de
rationalisation.
WEBER démontre dans l'éthique protestante et
l'esprit du capitalisme (1905) que les actions guidées par une
rationalité en finalité prennent une importance croissante au fil
de l'évolution sociale. Si la religion est au centre du processus
décrit par WEBER, c'est aussi et surtout, pour l'auteur, un moyen
explicatif en terme épistémologique.
Autrement dit, ce ne sont pas les valeurs protestantes, telles
que l'ascétisme (recherche d'une libération de l'esprit par la
mortification des sens), qui expliquent l'avènement du capitalisme ; il
y a simplement une proximité entre ces valeurs religieuses et celles
propres au capitalisme.
Ce qu'explique WEBER, c'est qu'à une certaine forme
d'ordre social correspondent certaines valeurs, une certaine culture qui, en
conférant un sens aux actions humaines, les oriente.
Pour résumer, l'évolution de l'ordre social (le
développement) est accompagnée par une transformation des
manières de faire, de sentir, d'agir, de penser des membres de la
société.
À l'inverse, l'absence d'évolution des valeurs
peut bloquer le processus de développement, ou du moins le
compromettre.
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Karl MARX offre une interprétation du
développement comme étant indissociable d'un système de
rapports sociaux qu'il résume avec le terme "capitalisme".
Ce système se traduit notamment par la
dépossession des instruments de production par une partie de la
population qui se constitue alors en prolétariat par la classe des
capitalistes. MARX considère que la position des capitalistes comme
propriétaires des moyens de production se traduit par leur domination de
l'espace social. Le capitaliste exploite le prolétaire et s'accapare les
profits issus de cette exploitation. Le rapport social marxien est donc
fondamentalement inégal. Ce qu'explique MARX, c'est que le
développement capitaliste est motivé par la recherche de profits
qui sont eux-mêmes indissociables de la domination du
prolétariat.
Le développement capitaliste serait
déséquilibré du fait de la répartition sociale de
la propriété.
Toutefois, dans l'optique marxienne, ce processus
inégalitaire, producteur d'inégalités, est un passage
obligé vers la libération de l'homme.
Le capitalisme est voué à disparaître,
emporté par la révolution prolétaire ; il contient en
lui-même les germes de sa propre destruction, de son dépassement
par une forme sociale supérieure (socialisme, communisme).
En effet, toutes les approches sociologiques jusqu'aujourd'hui
maintiennent l'idée de succession de type de sociétés dans
l'histoire humaine : du simple au complexe, du pré-moderne au moderne et
au post-moderne, du pré-industriel au post-industriel.
L'approche évolutionniste se présente comme une
explication historique du développement socio-économique.
ROSTOW, dans son approche, s'oppose à l'explication
marxiste.
Il part du fait que les sociétés humaines
passent nécessairement par différentes phases successives et
inévitables allant des formes les plus archaïques et des plus
élémentaires aux formes les plus évoluées ou
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complexes. Pour lui, en effet, toutes les
sociétés passent par un processus unique et uniforme de
développement. Elles partiraient ainsi de la sauvagerie à la
barbarie et de la barbarie à la civilisation.
Mais, la théorie évolutionniste telle que
proposée par ROSTOW nie toute histoire pour les pays
sous-développés car on ne peut pas situer une
société dans une étape d'évolution
précise.
Les sociétés se transforment en fonction des
emprunts et des innovations.
Une innovation peut changer le cours d'évolution d'une
société, ce qui peut occasionner une remise en cause et sauter
certaines étapes d'évolution proposée par ROSTOW.
On pourrait dès lors affirmer que la théorie
évolutionniste telle que proposée par ROSTOW ne permet pas
d'expliquer le changement.
D'autres chercheurs mettent dans la théorie du
changement social le structuro-fonctionnalisme de Talcott PARSONS. Ils pensent
que les changements dûs à l'innovation pourraient trouver une
explication plus pertinente avec le structuro-fonctionnalisme. Talcott PARSONS
définit l'action humaine au regard de ses fonctions dans la
société. Les actions et les adaptations sociales s'inscrivent
dans une conception systémique, visant l'équilibre.
Or, l'introduction d'une innovation entraine toujours des
bouleversements dans la société receveuse. Même si cette
innovation est simplement technique, elle agit sur l'ordre social de la
société emprunteuse.
C'est pour cela qu'en sociologie, l'innovation est
étudiée comme facteur favorable ou défavorable.
Le structuro-fonctionnalisme de PARSONS ne s'inscrit pas dans
une logique de conflit. Or, le changement est source de conflit entre deux ou
plusieurs cultures.
Les conflits permettent le changement, c'est-à-dire la
transformation de toute société. Les conflits sont à
l'origine de toute évolution.
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Par conséquent le structuro-fonctionnalisme ne
diffère pas en tant que tel du fonctionnalisme car même s'il
permet de maintenir un certain équilibre social, il ne permet pas
d'expliquer comment les choses changent.
C'est pour cela que Guy ROCHER parle de changement
d'équilibre en ce qui concerne PARSONS, car ce genre de changement
n'affecte pas nécessairement la structure de l'organisation sociale.
Pour Guy ROCHER, tout d'abord, le « changement social est
nécessairement un phénomène collectif, c'est-à-dire
qu'il doit impliquer une collectivité ou un secteur appréciable
d'une collectivité ; il doit affecter les conditions ou les modes de vie
(...). En second lieu, un changement social doit être un changement de
structure, c'est-à-dire qu'on doit pouvoir observer une modification de
l'organisation sociale dans sa totalité ou dans certaines de ses
composantes »41 .
Autrement dit, le changement est une transformation de toute
une collectivité d'individus aux niveaux politique, culturel,
économique ou agricole.
Partant de ces faits, l'introduction d'une innovation dans une
société donnée entraîne nécessairement un
changement de la société.
Cela apporte des changements dans les manières de
d'agir, de penser des membres de la société. Or, la
société se compose d'un ensemble de personnes en interactions.
Une des innovations apportées par les autorités
ivoiriennes pour le développement des localités est la
décentralisation.
Ainsi, sommes-nous amené de parler de la théorie
de la décentralisation.
41Guy ROCHER (1968), Introduction à la
sociologie générale: le changement social, Montréal,
Editions HMH, page 20-21
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