I.2.1.2- Rapports sociaux
L'expression "rapports sociaux" désigne les relations,
les interactions ou les liens d'interdépendance qui s'établissent
entre les individus et les groupes en fonction des positions respectives de
chacun dans l'organisation sociale, en particulier sur le plan
économique.
Les rapports sociaux représentent la dimension qui
détermine l'interaction entre les individus et entre les groupes.
Les rapports sociaux interpersonnels, entre individus et
groupes et entre les groupes sont l'une des caractéristiques de la vie
sociale.
Ils peuvent être permanents, ponctuels,
standardisés, précaires.
La sociologie des rapports sociaux a pour objet l'étude
des rapports au sein d'une société entre les individus, entre les
groupes et entre les individus et les groupes.
Il y a rapport social dès qu'un individu ou un groupe
exerce une influence sur les actes ou l'état psychologique de l'autre
partie, individu ou groupe (Eugène DUPREEL, 1948 : 5).
Les rapports sociaux d'imitation (Gabriel TARDE), les rapports
sociaux modelés par la pression de la collectivité (Emile
DURKHEIM) et les rapports sociaux définis par la convergence des
états d'esprit (GIDDINGS) sont des catégories
particulières de rapports sociaux.
34 Grigori LAZAREV et Mouloud ARAB (2002), op.cit., page
40.
50
L'influence qui s'exerce dans le rapport social peut se
manifester de trois façons : par la force ou la contrainte, par la
persuasion au sens le plus large ou encore par l'échange d'avantages.
Ces trois modes d'influence qui sont également des
catégories formelles sont à la base d'une typologie des groupes
sociaux qui sert de base à des propositions théoriques formelles,
selon qu'on s'en tient à la logique d'enchaînement des rapports
élémentaires ou qu'on y introduit des contenus
spécifiques.
Mais, qu'on s'inscrive dans une logique de contrainte, de
persuasion ou d'échange, il existe « des lois formelles en dehors
desquelles aucune vie sociale n'est possible» (Eugène DUPREEL, 1949
: 154-155).
Ces « lois formelles» sont en fait des principes de
compatibilité ou d'incompatibilité.
Les rapports sociaux en ce qui concerne la présente
étude doivent être horizontaux, (c'est-à-dire des rapports
établis entre les populations dans leurs diversités).
Ces rapports doivent être aussi verticaux. Il s'agit des
rapports entre les structures décentralisées et la population
locale dans la perspective de l'amélioration des conditions de vie de la
communauté.
I.2.1.3- Participation
La participation est un concept d'actualité. Sa
définition rencontre des difficultés liées à la
pluralité des approches et à la diversité des contextes,
qui font que chaque processus participatif a une signification
particulière.
Dans le Dictionnaire économique et financier, la
participation est définie comme « le fait de prendre part au
capital, aux bénéfices et à la gestion d'une
société ou d'une entreprise. Elle peut revêtir une forme
consultative comme dans le comité d'entreprise ou comporter un
caractère délibératif, et une portée
décisionnelle comme dans la cogestion et à fortiori, dans
51
l'autogestion qui peut en apparaître comme la
formule limite »35.
Ainsi définie, la participation semble désigner
toutes les fois qu'un agent est présent dans une entité
économique et que cette présence lui vaut un rôle.
Pour le sociologue Philippe BERNOUX, « participer,
c'est prendre une part active et s'impliquer; ce peut être aussi, en
retour, avoir de l'influence et du pouvoir»36. Cette
définition a l'avantage de lier la participation au problème du
pouvoir, qui est déterminant dans tout processus participatif. Aussi, la
participation nécessite-t-elle la création de normes et de
procédures juridiques permettant aux individus de mettre en action une
volonté autonome dans les actions collectives auxquelles ils doivent
prendre part.
Dans la mesure où la participation n'est pas l'apanage
d'un courant théorique, son
hétérogénéité nous conduit à
procéder à une synthèse définitionnelle.
Pour nous, la participation désigne l'ensemble des
mécanismes d'implication volontariste et de mise à contribution
des populations locales, à travers des cadres contractuels, dans les
opérations de développement les concernant. Il s'agit donc d'une
action à la fois sociale et organisationnelle permettant aux populations
locales de prendre part aux actions collectives de développement.
La participation apparaît ainsi comme une option
stratégique en faveur du développement local.
En Côte d'Ivoire, dans le cadre de la
décentralisation, des mécanismes de participation des populations
sont encouragés et organisés par les collectivités
locales.
Ce qui apparaît ici, c'est une typologie des formes de
participation, qui peuvent être aussi comprises comme des dimensions de
celle-ci.
Il est possible de classer en catégories distinctes les
nombreuses façons différentes d'interpréter et d'utiliser
le concept de « participation », allant de
35 Yves BERNARD et Claude COLLI (dir) (1996), Dictionnaire
économique et financier, Paris, Seuil, page 1055.
36 Philippe BERNOUX (1985), La sociologie des
organisations, Paris, Seuil, Page 291.
52
la participation manipulée et passive, où les
gens sont informés de ce qui va se passer et réalisent des
tâches prédéterminées, jusqu'à la prise
d'initiatives par les communautés elles-mêmes.
Jules PRETTY (1995)37, énumère sept
(07) types de participation au développement local:
1. la participation passive (les gens participent
dans la mesure où on leur dit ce qui a été
décidé ou s'est déjà passé. L'information
diffusée n'appartient qu'aux professionnels extérieurs);
2. la participation par la consultation (les gens
participent par la consultation ou en répondant à des questions.
Il ne leur est pas permis de prendre part à la prise de décisions
et les professionnels ne sont pas obligés de prendre en compte les
opinions des gens);
3. la participation contre la récompense
matérielle (les gens participent contre la fourniture de vivres,
d'argent ou d'autres récompenses matérielles. Les populations
locales ne sont pas intéressées à la poursuite des
pratiques après la suppression des récompenses);
4. la participation fonctionnelle (la participation
est considérée par les intervenants extérieurs comme moyen
de réaliser les objectifs des projets, notamment une réduction
des coûts.
Les gens peuvent participer en créant des groupes pour
atteindre des objectifs prédéterminés);
5. la participation interactive (les gens participent
à l'analyse commune, qui débouche sur des plans d'action et la
création ou le renforcement des groupes ou institutions locaux qui
déterminent l'utilisation des ressources disponibles. Des
méthodes d'apprentissage servent à découvrir les
différents points de vue) ;
6. l'auto-mobilisation (les gens participent en
lançant des initiatives indépendamment des institutions
extérieures. Les contacts qu'ils établissent
37Jules PRETTY (1995), A Trainer's Guide for
participatory and Actions, London, IIED, page 60.
53
avec les institutions extérieures leur permettent
d'obtenir des ressources et des conseils techniques, mais ils continuent
d'être maîtres de l'utilisation des ressources);
7. la participation manipulée
(la participation n'est qu'un leurre, une illusion). La participation va
de pair avec la responsabilisation. Il est utile de cerner les rôles et
les responsabilités des intervenants engagés dans tout projet de
développement et de clarifier la contribution physique,
financière ou matérielle de chacun d'eux dans le processus. Ces
contributions peuvent être très variées : donner de leur
temps, fournir des services, du matériel utilitaire, du financement.
Ces contributions, mêmes modestes, procureront un
sentiment d'appropriation des activités. Sans cette appropriation,
l'effort sera toujours perçu comme «l'initiative des autres
».
La consultation aide à recueillir des informations pour
une stratégie, mais n'élargit pas la base
décisionnelle.
A la suite de Jules PRETTY, deux autres auteurs ont leur
manière de percevoir la participation au travers des formes qu'ils
développent.
En effet, Albert MEISTER (1974) et Silvain FORTIN (1969), ont
pour leur part, dégagé cinq (05) formes de participation qui sont
synthétisées dans les tableaux ci- dessous.
54
Tableau n°1 : Participation selon
Albert MEISTER38
Types de Participation
|
Origine et création
|
Intérêts,
activités, fonctions
|
1. Participation de fait
|
Origine dans la vie
traditionnelle : groupe familial, religieux,
métiers...
|
Conservation du patrimoine
|
2. Participation spontanée
|
Création par les participants, elle
reste fluide, sans organisation formelle, exemple des groupes
de voisinage.
|
Satisfaction des besoins vitaux
|
3. Participation imposée
|
Création par des animateurs
extérieurs, mobilisation de la main-d'oeuvre pour des
travaux collectifs.
|
Groupement indispensable pour le fonctionnement du programme
|
4. Participation provoquée
|
Groupe provoqué et suscité dans le cadre de projet
ou programme : coopérative...
|
Adoption d'un comportement collectif et normes promues par
l'institution intervenante
|
5. Participation volontaire
|
Création du groupe suite à une
prise de conscience, initiative propre au groupe.
|
Satisfaction des besoins, défense d'intérêts
communs, promotion sociale
|
|
Source : Albert MEISTER, 1974 : 164.
38 Albert MEISTER (1974), La participation dans
les associations, Paris, Editions ouvrières, page 164.
55
Tableau n°2 : Participation selon
Silvain FORTIN39
Types de Participation
|
Caractéristiques
|
1. Participation activiste
|
Les comportements d'un individu le placent en état de
solidarité avec d'autres individus.
|
2. Participation intégrative
|
C'est un ajustement des comportements d'un groupe aux normes
préétablies.
|
3. Participation mobilisatrice
|
Les participants suivent les directives émises par un
ou plusieurs leaders.
|
4. Participation consultative
|
Les membres sont consultés pour la réalisation
du projet de développement.
|
5. Participation décisionnelle
|
Les participants décident de leur propre
développement.
|
|
Source: Silvain FORTIN, 1969 : 307-335.
Au regard des deux tableaux ci-dessus et dans le cas de la
présente étude, la participation volontaire et
décisionnelle est celle qui est recherchée, car, elle est
l'aboutissement d'une prise de conscience et donne la preuve de la
capacité des acteurs locaux à initier, à conduire et
à évaluer de manière objective les actions de
développement. On peut donc en conclure qu'un premier niveau de
participation de la population au développement est le fait qu'elle
assume des responsabilités au niveau de l'exécution du projet de
développement.
On atteint un deuxième niveau de participation lorsque
les populations participent à la prise de décision initiale
(formulation de projet) et à l'exécution du projet.
39 Silvain FORTIN (1969), «la participation et le
pouvoir » in revue Recherches sociologiques, volume 1-2,
Québec, les Presses de l'Université de Laval, pp. 307 à
335.
56
Lorsqu'en plus de tout cela, elles participent au suivi et
à l'évaluation de l'action et que le processus n'est pas mis en
oeuvre par quelqu'un de l'extérieur, on peut dire que la participation
atteint encore un autre niveau, celui de l'appropriation de l'ensemble de la
démarche.
|