A. Les sources de la Constitution de transition de la
RDC
Tout au long de son existence, la République
Démocratique du Congo aura traversé des crises politiques
très graves. Ces crises vont de la remise en cause du pouvoir politique
jusqu'à de longs et sanglants conflits qui débouchent quelques
fois sur le démembrement et
227 SALE (T.), « Le
principe de l'exclusivité de l'Etat dans la détermination de son
régime politique : quelle actualité au regard des mutations de
l'exception terminale de l'article 2 §7 ? », op.cit., p.
177.
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
l'occupation de larges portions de son territoire par des
troupes, souvent entretenues par des puissances étrangères.
C'est dans ce contexte d'instabilité chronique qui
caractérise ce « géant au pied d'argile
»228, que suite à une seconde
guerre civile, l'Accord de Lusaka pour un cessez-le-feu en République
Démocratique du Congo fut signé le 19 septembre 1999.
Au-delà du cessez-le-feu et du retrait des forces armées
étrangères du territoire de la RDC, l'Accord de Lusaka
envisageait, en son chapitre V, la convocation d'un dialogue inter-congolais en
vue de l'instauration d'un nouvel ordre politique et d'une véritable
réconciliation nationale en RDC.
Le Président Joseph KABILA, qui a accédé
à la présidence de la République en janvier 2001, donna un
sérieux coup accélérateur aux négociations
politiques dont les premières assises se tinrent à Addis-Abeba
(Ethiopie) en octobre 2001. Par la suite, l'implication décisive de
l'Afrique du Sud qui invitera l'ensemble des acteurs de la négociation
à venir poursuivre le dialogue inter-congolais à Sun City va
donner un élan décisif au processus des
négociations229.
Après l'échec des premières assises de
Sun City (25 février au 18 avril 2002), une Co médiation de l'ONU
et de l'Union Africaine, assurée conjointement par l'Envoyé
spécial du Secrétaire général des Nations unies
pour le Dialogue inter-congolais, l'ancien Premier ministre du
Sénégal, Moustapha NIASSE, et le Président Thabo MBEKI de
l'Afrique du Sud, alors Président en exercice de l'Union Africaine,
débouchera sur la signature à Pretoria, le 17 décembre
2002, d'un Accord global et inclusif qui devait inscrire dans son agenda
l'élaboration et l'adoption d'une Constitution de transition pour
organiser le processus d'une transition devant instaurer un nouvel ordre
constitutionnel démocratique en RDC.
228 MBODJ
(E-H.) « La constitution de
transition et la résolution des conflits en Afrique : l'exemple de la
République démocratique du Congo », op.cit., p.
442.
229 Pour des développements plus
substantiels sur les négociations, voir « Dialogue Inter-congolais
», Rapport du Facilitateur, décembre 2001.
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Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
B. Les principes fondateurs et organisationnels de la
transition
Les principes fondateurs de la transition font l'objet du
point III de l'Accord global et inclusif. Ces principes sont nombreux et
variés. Ils portent sur les conditions d'organisation du pouvoir et de
répartition équitable des responsabilités. Il convient de
relever dans ces principes, la volonté de stabiliser les institutions de
la transition à travers la consécration du principe de
l'irresponsabilité des principaux animateurs de la transition, à
savoir le Président de la République, les Vice-présidents,
le Président de l'Assemblée nationale et le Président du
Sénat, qui restent en fonction pendant toute la durée de la
transition
Les principes organisationnels sous-tendant la logique des
institutions de la transition, trouvent leur source immédiate dans le
point V de l'Accord. Cependant, la grande innovation dans cette petite
constitution reste, toutefois, le partage du pouvoir à tous les niveaux
de l'appareil d'Etat, conformément à l'Annexe I de l'Accord
global et inclusif qui détermine les modalités pratiques de
répartition des responsabilités publiques. En effet l'Annexe I de
l'Accord procède à une répartition des
responsabilités au sein du gouvernement230
dont tous les départements ministériels ont été
déterminés dans l'Accord, et les postes affectés
conformément au tableau dressé à cet effet. Le partage
s'étend également au Parlement dont la structure est
bicamérale231 et devrait logiquement se
prolonger dans l'Administration provinciale, la diplomatie et les entreprises
publiques.
La logique de la répartition des responsabilités
au sein des institutions de la transition et à tous les niveaux de
l'Etat232qui s'est faite sur la base du principe de
l'« inclusivité » et du partage équitable entre toutes
les composantes et entités du Dialogue inter-congolais, instaure
cependant un régime inconnu des systèmes constitutionnels
contemporains.
230 Il a été attribué 7
ministères et 4 postes de Vice-ministre au RCD, au MLC et à
l'opposition politique, 2 ministères et 3 postes de Vice-ministre
à la composante Forces vives en plus de la présidence du
Sénat et des 5 institutions d'appui à la démocratie, et 2
ministères et 2 postes de Vice-ministre au RCD-ML, au RCD-N et aux
Maï-Maï.
231 Les 500 sièges de
l'Assemblée nationale étaient ainsi répartis: 94 à
chacune des 5 composantes, 15 au RCD-ML en proie à des scissions, 5 au
RCD-N et 10 aux Maï-Maï. Au Sénat composé de 120
sénateurs, la répartition était de 22 sénateurs
pour chacune des 5 composantes, 4 au RCD-ML, 2 au RCD-N et 4 aux
Maï-Maï. La composition des bureaux de l'Assemblée nationale
-- présidée par le MLC -- et du Sénat --
présidé par la Société civile -- était
égalitaire car les 5 composantes et les 3 entités avaient chacune
une responsabilité.
232 Seuls les cours et tribunaux avaient
échappé à la logique du partage pour préserver la
stabilité des situations juridiques même si le point V.3.b. de
l'Accord global et inclusif stipulait que l'organisation du pouvoir judiciaire
sera déterminée dans la Constitution de la transition et dans une
loi.
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
L'originalité du système constitutionnel de la
transition résidait toutefois dans l'aménagement institutionnel
de la formule du 1+4 employée pour rendre compte de la structuration de
la présidence de la République composée d'un
Président de la République et de quatre
Vice-présidents233. A côté de
la sphère présidentielle évolue un gouvernement de la
transition composé de membres nommés par le président de
la République sur proposition des composantes et entités dont ils
sont les représentants au sein de l'exécutif.
Le gouvernement est une institution collégiale
composée de ministres et de vice-ministres émanant des
composantes et entités du dialogue inter-congolais. Cette institution
collégiale n'est formellement pas placée sous l'autorité
d'un chef de gouvernement. Le Président de la République est bien
le chef de l'Etat, mais la Constitution de transition ne fait pas de lui le
chef du Gouvernement même si, virtuellement, il l'est du fait des
pouvoirs d'exécution qui lui sont confiés par la Constitution.
§ 2. LA REALISATION DES OBJECTIFS DE LA
TRANSITION
L'Accord global et inclusif dont la Constitution de transition
fait partie intégrante, a fixé comme objectif primordial,
l'adoption des lois essentielles à l'organisation des élections
(A), devant permettre à la RDC de sortir de la crise (B).
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