A. L'abrogation des lois en vigueur
D'un point de vue formel et substantiel, l'acte no7
du 23 août 1991 dévoile un changement radical et rend manifeste la
rupture avec l'ordre juridique précédent.
Cette volonté de rompre avec l'ordre juridique
précédent a été perceptible dès la
déclaration de souveraineté de la conférence
nationale157. Celle-ci amorça alors le
changement de régime, par le biais de l'acte no7 du 23
août 1991, en abrogeant la Constitution ainsi que tous les documents et
lois à valeur constitutionnelle en
vigueur158. Dès lors, même si,
certaines composantes de l'ordre juridique précédent, à
l'exception des normes constitutionnelles, ont fait l'objet d'une
réception sélective au sein de l'ordre juridique nouveau, la
petite constitution togolaise de 1991 marque, matériellement, une
discontinuité substantielle par rapport à l'ordre juridique
précédent.
157 Article 1er de l'acte
no1 de la Conférence Nationale Souveraine.
158 Voir l'article 4 de l'acte no1 de
la Conférence Nationale Souveraine considéré dans le
préambule de l'acte no7 portant Loi constitutionnelle durant
la période de transition.
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
Par ailleurs, la référence au passé
étant considérée comme délégitimant, le
contenu de l'acte no7 du 23 août 1991 était donc
imprégné de la philosophie politique des forces de la transition.
C'est ainsi que la rupture avec le régime précédent a
été symbolisée, de façon particulièrement
marquante, par le changement de l'hymne et de la devise du
pays159 avec ceux de 1960. Ce changement symbolise
la volonté du constituant provisoire, de revenir aux origines de
l'indépendance du Togo. Il s'agit en quelque sorte de la manifestation
d'une volonté de renaître symboliquement en tant qu'Etat
indépendant et démocratique.
Cependant, l'acte no7 portant Loi constitutionnelle
de la période de transition consacra également un catalogue de
droits et libertés qui méritent d'être analyser.
B. La consécration des droits et
libertés
La petite constitution togolaise de 1991 est une sorte de pont
historique entre le passé d'un régime autoritaire,
caractérisé par des violations flagrantes des droits de l'homme,
et un futur construit sur la démocratie et la reconnaissance des droits
et libertés fondamentaux pour tous les togolais, sans distinction de
couleur, race, classe, croyance ou sexe160.
On peut donc relever que si l'acte no7 du 23
août 1991 est bien une Constitution de transition, elle n'établit
pas moins un nouvel ordre, dans lequel les droits de l'Homme et la
démocratie sont reconnus. Cette référence redondante
à la place des droits de l'Homme dans la nouvelle république qui
se profile à l'horizon, n'a d'autre fonction que d'insister sur la
conception que les autorités de la transition se font de ces droits. Ils
sont donc avant tout l'un des principes fondateurs de la nouvelle
république161.
C'est ainsi qu'à la lecture de ce texte, on trouve un
catalogue de libertés individuelles et collectives notamment les
libertés de circulations d'opinion de religion d'expression de presse,
de réunion et de manifestation162. En outre,
de nombreux droits consacrés par des instruments juridiques
internationaux ratifiés par le Togo, ont été repris par
l'acte no7 du
159 Article 2 et 3 de l'acte no 7
du 23 août 1991 portant Loi constitutionnelle durant la période de
transition au Togo.
160 Article 8 de l'acte no7 du 23
août 1991 portant Loi constitutionnelle durant la période de
transition au Togo.
161 Voir le préambule de l'acte
no7 du 23 août 1991.
162 Article 8 de l'acte du 23 août 1991
précité.
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
23 août 1991163,
revêtant donc un sens particulièrement fort, dans la mesure
où leur affirmation s'oppose aux pratiques odieuses du régime
précédent. Il en va ainsi de la dignité humaine de
l'interdiction de la torture et des traitements
dégradants164, ou encore du droit à
l'intimité165.
C'est donc cette idée de droits de l'Homme en tant que
valeur qui sera parfaitement réaffirmée par la Constitution du 14
octobre 1992 dont l'acte de la transition a jeté les bases. Ces valeurs
sur lesquelles repose la nouvelle république togolaise sont entre autre
la dignité humaine, la mise en oeuvre du principe
d'égalité, le refus de la discrimination raciale, ethnique et
sexiste ; la suprématie de la Constitution et le respect du droit ; le
principe du suffrage universel, fondé sur des élections
régulières, et le principe du pluripartisme.
C'est ainsi que la petite constitution togolaise de 1991
opéra une rupture avec l'ancien régime, concrétisée
juridiquement par la mise en place de nouvelles institutions fondées sur
de nouvelles valeurs. Une Constitution définitive fut donc
adoptée166. Cependant, contrairement
à ce qu'ont laissé présager les premiers temps de la
transition, l'instauration d'un véritable Etat de droit ne fut pas
effective, même si la petite constitution aura réussi à
poser les bases d'un Togo démocratique. Il est vrai que ceci est
généralement le fruit d'un long cheminement. Mais aussi, la
volonté des acteurs politiques demeure un facteur décisif.
Comme annoncé donc un peu plus haut, à
côté des petites constitutions de rupture existent des petites
constitutions qui, bien qu'inaugurant un nouvel ordre juridique sont
adoptées par un organe du régime précédent. Ce sont
des petites constitutions de continuité à l'instar de celle
tunisienne de 2011.
163 Idem
164 Article 10 du de l'acte no7 du
23 août 1991 portant Loi constitutionnelle durant la période de
transition au Togo.
165 Article 13 de l'acte no7 du 23
août 1991 portant Loi constitutionnelle durant la période de
transition au Togo.
166 Il s'agit de la Constitution togolaise du 14
octobre 1992.
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
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