B. La restauration des pouvoirs de l'organe
législatif
Il faut dire qu'avant les transitions démocratiques de
1990, étaient reconnues, à l'institution parlementaire, des
compétences nécessaires à la production des normes et au
contrôle du pouvoir exécutif. Mais la situation du Chef de l'Etat,
faisant de lui chef unique de l'exécutif et chef du parti unique, lui
permettait de dominer l'institution parlementaire et de la transformer en
chambre d'enregistrement. Le parlement était donc cantonné dans
un rôle d'approbation. « Son droit d'initiative demeure
largement théorique et la prérogative qui lui est reconnue de
contrôler l'action du pouvoir exécutif n'a que valeur de symbole
»151.
148 Voir l'article 36 de l'acte
no7 du 23 août 1991 portant Loi constitutionnelle durant la
période de transition au Togo.
149 Ces propos ont été tenus
par le Premier ministre de transition congolais, André
MILONGO. Interrogé par François SOUDAN
et Albert BOURGI à propos de ses rapports avec
le Président Sassou NGUESSO, il répond en ces
termes : « Il est là. Il incarne une institution qui doit
être respectée. La cohabitation se passe bien. Je le rencontre de
temps à autre, sans lui rendre de compte, car l'esprit de l'acte
fondamental ne l'exige guère. Par exemple je suis allé le voir,
lorsque j'ai formé mon Gouvernement, avant d'en annoncer officiellement
la composition. Il a fait des remarques, sans me demander de modifier quoi que
ce soit. Je ne l'aurais d'ailleurs pas accepté » ; Jeune
Afrique no1595-Du 24 au 30 juillet 1991, P 28.
150 Article 40 de l'acte no7 du 23
août 1991 portant Loi constitutionnelle durant la période de
transition au Togo.
151 Voir, SOMALI
(K.), Le parlement dans le nouveau
constitutionnalisme en Afrique : Essai d'analyse
comparée à partir des exemples du
Bénin, du Burkina Faso et du Togo, Thèse de Doctorat en
Droit public, Université Lille 2- Droit et santé, 2008, p. 22.
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
C'est ainsi que la restauration de l'organe législatif
a été rendue nécessaire par la Conférence Nationale
Souveraine de 1991, pour la période de transition. Cette restauration
s'est traduite par un renforcement théorique des pouvoirs de l'organe
législatif. En effet ce dernier est non seulement chargé de
légiférer mais aussi et surtout de contrôler
l'Exécutif en veillant à l'exécution du cahier des charges
de la transition.
Cette mission de contrôle se manifestait en amont lors
de la formation du Gouvernement, car le Haut Conseil de la République
(HCR), organe qui faisait office de parlement durant la période
transitoire de 1991 au Togo152, donnait son
avis153 sur la désignation des membres du
Gouvernement. En effet, conformément à l'acte no7 du
23 août 1991, le HCR était chargé de donner son avis sur la
désignation des membres du Gouvernement154.
L'article 34 de l'acte no7 était clair, puisqu'il faisait de
cet avis un avis conforme155. En application de
cette disposition, le Premier ministre Kokou KOFFIGOH a été
contraint par le HCR de revoir la première mouture de son Gouvernement
en décembre 1991156.
En aval, les moyens d'action du HCR sur le Gouvernement de
transition se manifestaient par des interpellations, des questions orales ou
écrites, des séances de concertation, voire la mise en jeu de la
responsabilité politique du Gouvernement. En effet
152 Aux termes de l'article 17 de l'acte du
23 août 1991, portant Loi constitutionnelle organisant les pouvoirs
durant la période de transition au Togo, « la Conférence
Nationale Souveraine élit en son sein un Haut Conseil de la
République qui est l'organe suprême de la République
» ; aux termes de l'article 19 du même acte, « le Haut
Conseil de la République est chargé : de contrôler
l'exécution des décisions de la Conférence Nationale
Souveraine, de contrôler l'exécutif, d'exercer la fonction
législative, de donner son avis sur la désignation des membres du
Gouvernement, d'approuver l'avant-projet de constitution, de prendre des
dispositions en vue d'assurer l'accès équitable des partis
politiques aux médias officiels et de veiller au respect de la
déontologie en matière d'information,... »
153 En droit administratif, l'avis est la
« dénomination générique donnée aux actes
des organes administratifs dans l'exercice de la fonction consultative ;
à la différence des voeux émis de façon
spontanée, les avis supposent donc une demande préalable de
l'autorité investie du pouvoir de décision. Comme acte
préliminaire à un acte administratif ou à un contrat,
l'avis est préparatoire à ceux-là. Dans ces conditions,
c'est un acte juridique qui n'est pas en principe normateur, mais
considéré comme un élément de la procédure
» ; voir KPODAR (A.),
Commentaire des grands avis et décisions de la Cour
constitutionnelle togolaise, Presse de l'UL. Lomé, 2007, p. 11
154 Voir l'article 19 de l'acte
no7 du 23 août 1991 portant Loi constitutionnelle durant la
période de transition au Togo.
155 Article 34 de l'acte no7 du 23
août 1991 : « Le Premier ministre désigne chacun des
membres de son gouvernement après avis favorable du Haut Conseil de
République ».
156 KOUPOKPA (E.
T.), Le modèle constitutionnel des Etats d'Afrique
noire francophone dans le cadre du renouveau constitutionnel : cas du
Bénin, du Niger et du Togo, op.cit., p. 48.
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
aux termes de l'article 53 de l'acte no7, «
les membres du Gouvernement peuvent être entendus sur interpellation
par le haut Conseil de la République, sur des questions écrites
ou orales qui leur sont adressées ».
C'est ainsi qu'en rupture avec l'ordre institutionnel du
régime précédent, on assiste pour la première fois,
à la restauration de l'organe législatif disposant
désormais de moyens théoriques appropriés pour jouer
pleinement le rôle de législateur et de censeur du gouvernement.
Cependant cette rupture observée au niveau des institutions s'inscrit
dans une dynamique qui n'épargne pas les textes régissant
l'Etat.
§ 2. LA DISCONTINUITE AU NIVEAU DES TEXTES
Pour parvenir à la réelle
démocratisation, la conférence nationale souveraine, par le biais
de l'acte no7 du 23 août 1991, opéra une rupture avec
l'ancien régime, au niveau des textes qui régissent l'Etat, en
abrogeant d'abord, toutes les lois en vigueur (A) et en consacrant ensuite, de
nouveaux droits et libertés (B).
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