A. La refondation de l'exécutif
L'idée de refonder l'exécutif a
été émise lors de la Conférence Nationale
Souveraine et se résumait à l'adoption d'un exécutif
bicéphale142, considéré comme
un modèle plus démocratique, donc un signe de rupture avec
l'ancien régime. En effet selon l'élite politique togolaise
d'alors, seul le modèle bicéphale pourrait constituer un rempart
contre les dérives présidentialiste dont a été
victime le peuple togolais143. C'est donc cette
idée qui fut matérialisée dans l'acte no7 de la
Conférence Nationale Souveraine qui mettra alors en place un pouvoir
exécutif bicéphale dans lequel pour la première fois, un
Premier ministre, Chef du Gouvernement, disposait de l'essentiel du pouvoir
exécutif144, face à un
Président de la République qui assistait au dépouillement
de ses pouvoirs.
C'est ainsi que l'acte no7 du 23 août 1991
portant Loi constitutionnelle qui organisait les pouvoirs durant la
période de transition reconnaissait d'importants pouvoirs au Premier
ministre de transition togolaise Joseph Kokou KOFFIGOH. En effet, ce dernier
« dirige l'action du Gouvernement et assure l'exécution des
lois »145, lequel «
détermine et conduit la politique de la nation et dispose de
l'administration »146. Il ressort de
cette disposition que le Premier ministre de la transition togolaise
était non seulement un coordonnateur de l'action gouvernemental mais
aussi Chef de l'administration et de l'armée. Outre ces attributions, ce
dernier « préside le conseil des ministres et dispose de la
force armée»147 et exerçait
à titre exclusif le pouvoir réglementaire conformément
à l'article 36 de l'acte no7
142 Le régime parlementaire
apparaissait aux yeux de la nouvelle élite « comme un moyen pour
contenir un exécutif impérial », voir en ce sens
BOLLE (S.), Le nouveau régime
constitutionnel du Bénin : Essai sur la construction d'une
démocratie africaine par la Constitution, Thèse de Doctorat
en droit public, Université Montpellier I, 1997, p. 32.
143 KOUPOKPA (E.
T.), Le modèle constitutionnel des Etats d'Afrique
noire francophone dans le cadre
du renouveau constitutionnel : cas du Bénin, du
Niger et du Togo, Thèse de Doctorat en Droit public,
Université de Gand, 2011, p. 38.
144 Voir en ce sens, BOURGI
(A.), « Enfin les premiers ministres à
part entière ! », Jeune Afrique no1583 du
1er au 7 mai 1991, p. 26.
145 Article 37 de l'acte no7 du 23
août 1991 portant Loi constitutionnelle durant la période de
transition au Togo.
146 Article 39 de l'acte no7 du 23
août 1991 portant Loi constitutionnelle durant la période de
transition au Togo.
147 Article 35 de l'acte no7 du 23
août 1991 portant Loi constitutionnelle durant la période de
transition au Togo.
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
portant Loi constitutionnelle dans la période de
transition148. Il ressort donc de cette disposition
que le Premier ministre avait non seulement le monopole du pouvoir
réglementaire mais aussi celui du pouvoir de nomination. Aussi le
Premier ministre n'avait-il « pas de compte à rendre au
Président de la république
»149 qui était seulement «
informé des activités du Gouvernement
»150.
Ainsi la petite constitution togolaise de 1991 rompt-elle avec
l'ordre institutionnel du régime précédent en refondant
l'exécutif au moyen du bicéphalisme avec un Premier ministre qui
détenait la réalité du pouvoir, et un Président
dépouillé de ses prérogatives qui survivait à ses
côtés parce que n'ayant désormais que des pouvoirs
honorifiques. Toutefois l'ordre institutionnel consacré par cette petite
constitution inclut également dans son schéma l'organe
législatif dont les pouvoirs ont été restaurés,
qu'il importe d'analyser.
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