3. Les théories des nouveaux keynésiens
Les nouveaux keynésiens rejoignent plusieurs idées
de Keynes, en l'occurrence l'idée selon laquelle le chômage
apparaît en raison d'une demande globale insuffisante et l'idée
selon laquelle le salaire est rigide à la baisse. Pour montrer que le
marché du travail ne peut s'autoréguler comme le suggèrent
les néoclassiques, ils identifient plusieurs rigidités
empêchant effectivement le salaire de diminuer et donc de rejoindre un
quelconque « équilibre ». Puisqu'il y a une
défaillance de marché, l'action publique s'en trouve
justifiée.
3.1. La théorie du salaire d'efficience
Selon la théorie néoclassique, les travailleurs
reçoivent un salaire d'autant plus élevé qu'ils sont
productifs (en d'autres termes, le salaire dépend de la
productivité, des efforts des travailleurs). Les économistes
nouveaux keynésiens renversent le sens de la causalité :
plus le salaire est élevé, plus les travailleurs seront
productifs (autrement dit, la productivité dépend elle-même
du salaire). En l'occurrence, les entreprises auraient intérêt
à verser un salaire supérieur à ce que serait le salaire
d'équilibre selon les néoclassiques selon les raisons
suivantes :
En proposant un salaire élevé, une entreprise
atténue le phénomène d'anti sélection : en
effet, les travailleurs les plus qualifiés (donc les plus productifs)
refusent de travailler pour de faibles salaires, si bien qu'ils ne se portent
candidats que pour les entreprises qui proposent de hauts salaires.
En proposant un salaire élevé, une entreprise
réduit le phénomène de risque moral (aléa
moral) : une fois embauché, un travailleur risque de réduire
ses efforts (c'est-à-dire d'adopter un comportement de tire-au-flanc,
surtout lorsque son patron a le dos tourné) ; mais si le
travailleur reçoit un salaire élevé, en particulier un
salaire plus élevé que dans les autres entreprises, cela l'incite
à fournir davantage d'efforts, car il aura plus de difficultés
à retrouver un aussi bon salaire ailleurs (on dit que le
« coût d'opportunité » du licenciement
s'accroît).
En augmentant le salaire, l'entreprise réduit la rotation
(turnover) du personnel, puisque les salariés sont davantage
incités à rester. Or, plus un travailleur reste à son
poste de travail, plus il devient performant, grâce à
l'apprentissage par la pratique (Learning-by-doing). (L'entreprise y gagne,
d'une part parce que les travailleurs deviennent plus performants en restant
plus longtemps, d'autre part parce qu'elle n'a pas à payer des frais
pour former de nouveaux candidats.)
Les travailleurs ont le sentiment d'être « bien
traités » lorsqu'ils sont davantage
rémunérés, ce qui les motive à faire plus
d'efforts.
La théorie du salaire d'efficience a notamment
été développée par des nouveaux keynésiens
comme Carl Shapiro (1984 ) et Joseph Stiglitz (prix Nobel d'économie en
2001), Janet Yellen et George Akerlof (prix Nobel en 2001 )...
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