2. Le chômage keynésien
Selon John Maynard Keynes (notamment dans son ouvrage La
Théorie générale publié en 1936), le chômage
s'explique par une insuffisance de la demande globale. Alors que les
néoclassiques estiment que le chômage s'explique par un
dysfonctionnement sur le marché du travail, Keynes estime que le
chômage s'explique par un dysfonctionnement sur le marché des
biens et services. En effet, les entreprises produisent et embauchent selon la
demande effective, c'est-à-dire leurs anticipations de demande en biens
et services. Si les entreprises anticipent (à tort ou à raison)
de faibles ventes dans le futur, elles vont réduire dès
aujourd'hui leur production pour éviter de se constituer des stocks. Ce
faisant, elles vont réduire leurs effectifs, en cessant d'embaucher,
voire en licenciant du personnel. Si l'ensemble des entreprises sont
pessimistes quant à leurs débouchés, le taux de
chômage va augmenter, ce qui va entraîner une baisse de la
consommation des ménages : d'une part, les chômeurs
réduisent leurs dépenses car leur revenu a décliné
(le montant des allocations que reçoit un chômeur est
inférieur au salaire qu'il recevait précédemment) ;
d'autre part, les actifs toujours en emploi vont accroître leur
épargne, car ils pensent qu'ils ont plus de chances de perdre
eux-mêmes leur emploi (épargne de précaution). Or, la
baisse de la consommation conforte les anticipations pessimistes des
entreprises, si bien que ces dernières réduisent davantage leur
production, dans l'emploi, etc.
Il s'agit donc d'un cercle vicieux et
l'économie se retrouve piégée dans un équilibre de
sous-emploi : l'ensemble des agents auraient intérêt à
ce que les ménages consomment plus (les entreprises feraient plus de
profit et elles seraient incités à embaucher, ce qui
réduirait le chômage, au bénéfice des
ménages), mais chacun d'entre eux n'est pas incité à le
faire, par crainte de ne plus avoir d'argent s'il se retrouvait au
chômage ; l'ensemble des agents auraient intérêt
à ce que les entreprises embauchent plus (car cela réduirait le
nombre de chômeurs, stimulerait la consommation des ménages... et
permettrait aux entreprises elles-mêmes de faire plus de profit), mais
chacune d'entre elles n'est pas incitée à le faire, car cela
accroîtrait ses coûts de production et augmenterait les chances
qu'elle se retrouve en faillite. Tant que les ménages et entreprises
sont pessimistes, cela entretient le pessimisme.
Puisque ni les
entreprises, ni les ménages ne sont incités à changer de
comportement, cela justifie l'intervention de l'Etat pour stimuler la demande
globale et ramener ainsi l'économie au plein emploi. Le gouvernement
peut accroître ses dépenses d'investissement public (ce qui
crée directement des débouchés aux entreprises, les incite
à embaucher...), accroître les revenus de transfert et baisser les
impôts (pour accroître le pouvoir d'achat des ménages et les
inciter à consommer davantage, ce qui créerait davantage de
débouchés pour les entreprises et les inciterait à
embaucher...). Dans une récession, l'accroissement de l'investissement
public De son côté, la banque centrale peut assouplir sa politique
monétaire, c'est-à-dire réduire son taux directeur, ce qui
incite les banques à réduire leurs taux d'intérêt et
à prêter plus, ce qui incite les ménages et entreprises
à s'endetter, donc à dépenser plus). D'une certaine
manière, le but des autorités publiques est de faire passer le
mauvais équilibre (l'équilibre de sous-emploi où le
chômage est élevé et la demande globale faible) vers un bon
équilibre (caractérisé par un faible chômage et une
forte demande globale).
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