Valeurs et et relativisme moral dans la généalogie de la morale (1887) de friedrich nietzsche( Télécharger le fichier original )par Daniel Blaise BITECK Université de Yaoundé 1 - DIPES II 2013 |
II.2. LE CARACTERE CATEGORIQUE DU DEVOIRPour Kant le propre de l'homme c'est la raison. C'est elle qui, tout en le déterminant, détermine l'origine et la validité de ses actes moraux. En tant qu'être doué de raison, l'homme doit s'assujettir à la loi morale car celle-ci est une injonction de la raison (et donc de l'homme) à elle-même. Chez Kant, quand on parle de loi morale on fait allusion au produit de la raison dans son usage pratique. Aussi, si la loi morale est le produit de la raison qui elle-même est ce qui détermine fondamentalement l'homme, cela implique selon l'auteur des Prolégomènes à toute métaphysique qu'en obéissant à celle-ci, l'homme obéit à lui-même et il est par ce fait libre. Il est libre car la loi morale, en tant qu'elle vient de la raison est la production de l'homme lui-même de sorte qu'en décidant volontairement et librement de lui céder, le sujet cède à lui-même et manifeste par là sa liberté. Kant précise par la suite que c'est librement c'est-à-dire de manière inconditionnelle que l'homme est tenu de se soumettre à la loi morale. Bien plus, cette loi à laquelle le sujet moral doit être soumis ne trouve son autorité que dans la raison. C'est pourquoi « l'Ermite de Koenisberg » comme l'appelait Nietzsche soutient : « l'universalité [celle de la morale] signifie [ici] rationalité, [et] si le devoir commande universellement, c'est qu'il est, en son fond, rationnel »31(*). La loi morale implique alors la totale soumission de la volonté humaine à elle-même. Bien plus, l'impératif moral est catégorique c'est-à-dire qu'il ne permet ni ne tolère aucun écart dans la conduite. Une seule autorité doit présider à son édification : la raison, celle du sujet. Aucune autre autorité aussi élevée qu'elle soit elle ne doit ni ne peut la déterminer. Si l'homme doit agir, il doit le faire par devoir et non pas même pour le devoir. Ecoutons à ce propos Emile Bréhier : Chez Kant, si l'autorité du devoir est celle de la raison, ce qui commande dans l'homme est la faculté selon laquelle il est homme ; le respect de la raison, c'est donc le respect de l'humain en lui et chez les autres, si bien que l'impératif catégorique peut s'énoncer ainsi : Agis de telle sorte que tu uses l'humanité, en ta personne et comme celle d'autrui, toujours comme une fin, jamais simplement comme moyen32(*). Le caractère impératif de la loi morale ne saurait être remis en cause puisque celle-ci n'est pas le fait de la nature mais un fait rationnel universel et nécessaire. Aussi, l'universalité c'est-à-dire le fait de ne faire que ce qui peut être reproduit par tout homme mis à notre place et l'objectivité entendons par ceci ce caractère que la loi morale a d'être désintéressée et déterminée par aucune autre force que la raison sont les marques auxquelles l'on reconnaît la loi morale chez Kant si l'on en croit Hubert Grenier dans Les grandes doctrines morales. Il apparaît à l'analyse que le fait moral se fonde chez l'auteur de Pour la paix perpétuelle sur trois principes : le rigorisme car la loi morale ne tolère aucun écart dans la conduite, le formalisme car ce n'est pas le résultat qui compte mais la pureté de l'intention et l'autonomie car le sujet moral n'a aucune autorité au-dessus d'elle que la raison. A la fin de la lecture de Sur le fondement moral de Arthur Schopenhauer il ressort que ce dernier partage la thèse qui pose le sujet comme origine de la morale. Cependant, l'auteur de Le Monde comme volonté et comme représentation se démarque de Kant lorsqu'il situe l'origine de la morale dans le sentiment de pitié qui anime l'homme. CHAPITRE 3 : LA MORALE DU SENTIMENTL'auteur dont nous exposerons la pensée morale dans ce chapitre fait parti du courant philosophique que l'on nomme le « pessimisme ». C'est un courant qui affirme que l'existence humaine est malheureuse, que l'homme est livré au hasard, aux forces de la vie qui le manipulent à leur guise. Aussi, pris dans ce tourbillon, l'homme inspire la pitié et ressent de la pitié pour les autres. C'est la raison pour laquelle Schopenhauer va faire de la pitié le fondement véritable de la morale. Mais, avant d'arriver à cette conclusion, celui que l'histoire de la philosophie présente comme un farouche adversaire de Hegel rejette la thèse kantienne qui situe l'origine de la morale dans la raison, dans la raison du sujet. Contre ceci, il propose le sentiment de pitié. Par sentiment on peut entendre cette capacité qu'a l'homme d'éprouver des sensations, des émotions telles que la pitié, la compassion, la sympathie etc. C'est donc un état essentiellement psychologique opposé à la volonté que Kant valorise. Pour Schopenhauer, la morale en tant que corps de principes qui s'impose à l'individu trouve sa source dans le sentiment de pitié qui est Un fait indéniable de la conscience humaine 33(*) qui ne dépend pas de certaines conditions, telles que notions, religions, dogmes, mythes, éducation, instruction : c'est un produit primitif et immédiat de la nature, [il] fait partie de la constitution même de l'homme, [il] peut résister à toute épreuve, [il] apparaît dans tous les pays, en tout temps34(*). Aussi il paraît absurde de ramener la moralité à la dimension rationnelle de l'homme. Au contraire, il est nécessaire, aux yeux de Schopenhauer de situer la morale dans la décision du sentiment. * 31 E. Bréhier, Histoire de la philosophie, Paris, T2 Quadrige/PUF, 1996, 7e éd, p.485. * 32 Ibid., p.486. * 33 A. Schopenhauer, Sur le fondement moral, Paris, Le livre de poche, 1991, p. 13. * 34 Ibid., p. 14. |
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