2.3.3 Echanger, s'inspirer des pratiques externes et
comparer ses performances :
Nous nous sommes toujours inspiré de ce qui nous entoure
et continuons à le faire aujourd'hui. Le biomimétisme en est par
exemple, en imitant la nature pour l'élaboration de nouvelles
technologies, une parfaite illustration. Il est en n'effet en effet de moyen
plus facile pour progresser que de s'inspirer des pratiques externes.
Le Benchmark Immobilier réalisé en 2015,
étalon de mesure d'une future démarche d'Achat Responsable
:
Radio France est implanté sur la région Parisienne
avec la Maison de Radio France et plusieurs autres immeubles
représentant 153 000m2 et sur l'ensemble du territoire
Français par son entité France Bleu représentant 38
000m2, l'ensemble représentant 50 bâtiments.
Il est important d'avoir une idée précise de sa
« performance immobilière » et Radio France ne connait pas en
2014, de manière précise, les montants relatifs à
l'exploitation de ses locaux ni leur impact environnemental. Un appel d'offre
est ainsi lancé pour la réalisation d'un marché de service
de mesure de la performance immobilière du groupe radiophonique.
Les objectifs de ce marché sont d'évaluer la
performance immobilière et l'analyse précise des
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coûts d'exploitation des implantations de Radio France et
de comparer ces données à un benchmark spécifique externe.
D'une durée de 4 ans il permettra une consolidation des données
d'une année sur l'autre.
Ce « Benchmark » immobilier a été
réalisé selon les indicateurs suivants :
- Coûts,
- Surfaces et occupants (densification de l'espace),
- Données environnementales,
- Typologie des immeubles,
- Zone de marché,
- Age de l'immeuble,
- Equipements techniques,
- Niveaux de prestation de services mis au regard des niveaux de
coûts.
Focus sur les 5 grandes catégories de coûts :
Coûts d'occupation (liste non exhaustive) :
- Loyer (ou coûts équivalents loyer)
- Frais d'acquisition
- Taxes
- Frais espaces occasionnels
Coûts d'adaptation (liste non exhaustive) liés aux
investissements : - Aménagements
- Amélioration
- Mobiliers
Coûts des services bâtiments (liste non exhaustive)
:
- Charges locatives
- Assurances
- Réparations diverses (aménagements
intérieurs, mécaniques, électriques, ...)
- Déménagements
- Sécurité - sûreté
- Nettoyage
- Déchets
- Eau et évacuation
- Energies
Coûts des services occupants (liste non exhaustive) :
- Restauration
- Accueil et réception
- Courriers internes et externes
- Reprographie
- Transports
Coûts de gestion (liste non exhaustive) : - Frais de
gestion immobilière - Frais de gestion des installations - Frais de
gestion de projets
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Focus sur le niveau de performance environnementale :
L'analyse des locaux devait permettre de définir un niveau
de performance environnementale et un
positionnement au regard de la réglementation thermique en
vigueur, notamment :
- Consommation énergie primaire rapport à la SHON
RT
- Consommation énergie finale rapport à la SHON
RT
- Consommation d'eau rapport à la surface et aux
occupants
- Rejets gaz carbonique rapport à la surface
- Rejets de déchets rapport à la surface
Ces données auront pour avantage, en plus de pouvoir
comparer sa performance immobilière par rapport à des locaux de
même type, de pouvoir fournir une base solide pour la mesure de la
performance d'une démarche d'Achat Responsable en comparant en
particulier les futurs coûts d'exploi-tation et données
environnementales. Il pourra en résulter en particulier des indicateurs
sur la performance environnementale des achats futurs tels que :
- Diminution de la consommation moyenne d'énergie des
locaux construits après la mise en place d'une démarche d'achat
responsable par rapport à la moyenne constatée dans le benchmark
initial pour les locaux de même type.
- Diminution de la consommation moyenne des locaux ayant subi des
travaux de réhabilitation (notamment énergétique) par
rapport à la consommation initiale.
- Des indicateurs similaires concernant la consommation d'eau
et les rejets de gaz carbonique.
- (...)
Au-delà de la seule performance
immobilière, un Benchmarking concurrentiel du processus achat
:
Comme nous commencé à le voir, il est souvent
judicieux afin d'atteindre de meilleures performances de comparer ses pratiques
à celles de sociétés de références ou
reconnues comme leader dans un certain domaine. Cette analyse est bien entendu
plus facile lorsque la comparaison se fait avec une entreprise similaire mais
peut également être effectuée avec des entreprises en
apparence très différentes dans leur activité et/ou leur
fonctionnement pour s'inspirer de certaines pratiques en les adaptant
intelligemment.
Si la Direction des Achats de Radio France semble entretenir de
bonnes relations avec certains grands groupes dont elle peut s'inspirer comme
c'est le cas avec Air France, celle-ci ne semble pas exploiter pleinement cette
notion de Benchmarking externe.
Les objectifs d'une telle analyse seraient les suivants :
- L'identification des meilleures pratiques en termes de
méthodologies et d'outils.
- L'évaluation de ses processus et de ses performances
en comparaison aux entreprises « leader ».
- La sélection de certains éléments
à adopter, en les adaptant, afin de faire progresser les achats du
groupe.
- La valorisation de Radio France par rapport à ses
concurrents en termes de pratiques d'achat.
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Dans le cas de Radio France la collecte d'information serait
relativement aisée. En effet celle-ci pourrait se faire facilement avec
tous les groupes du secteur publics ainsi qu'avec tous les groupes
privés dont le domaine d'activité est différent et qui ne
sont donc pas en concurrence.
D'autre part, si certains grands groupes communiquent
difficilement concernant les achats liés à leur coeur de
métier ils seraient plus à même de le faire concernant la
gestion de leur patrimoine immobilier. Le groupe Airbus pourrait par exemple
facilement donner des informations concernant le processus achat responsable de
ses nouveaux locaux à Airbus Hélicoptère Marignane.
Focus sur la certification BREEAM ; le choix
d'airbus hélicoptère pour la réalisation de son nouveau
bâtiment :
De nombreuses sociétés cherchent de nos jours
à faire certifier leurs bâtiments à l'exemple de
l'entreprise IKEA qui s'est fixé comme objectif la certification BREEAM
« Very Good » de l'ensemble de ces magasins. Le choix de la
certification et de la recherche de performance liée au
développement durable a également été le choix
d'Airbus Hélicoptère pour la réalisation de son nouveau
bâtiment à Marignane. Je me suis penché sur leur
démarche.
Airbus Helicopters (anciennement Eurocopter), premier fabricant
d'hélicoptères civils au monde, principal constructeur
d'hélicoptères militaires et filiale du groupe Airbus a en effet
achevé récemment la construction de son « Main Development
Center » (MDC) à Marignane.
Le bâtiment, certifié BREEAM « Very Good
», abrite aujourd'hui 1000 personnes du bureau d'étude dont le
responsable du bureau d'étude et ses « n-1 » et ce sur 18 000
m2 de bureaux répartis sur 5 étages. Il comprend des
espaces de créativité, de nombreuses salles de réunion
toutes équipées en visio conférence ainsi que des plus
petites pour s'isoler, faire une webex ou une réunion. Le bâtiment
comprend également un grand atelier chaîne de montage pour les
prototypes.
J'ai ainsi pris l'initiative d'interroger M. Bernard Bourrelly,
Responsable service travaux neufs et maintenance des infrastructures
(bâtiments, réseaux, énergie, déménagements,
rénovations et maintenance du site), et M. Nicolas LALLEMENT, acheteur
travaux pour Airbus Helicopters, et de formation ESTP, sur
l'intérêt, les éventuelles limites et les modalités
d'applications de la démarche.
Les différentes certifications et leur fonctionnement :
Il semble important, avant toute chose, de faire le point sur
trois grandes démarches de certification actuelles : HQE, BREEAM et
LEED. La certification française HQE est la plus dans l'hexagone, elle
repose sur la mise en place d'un système de management environnemental
et l'évaluation de la qualité environnementale du bâtiment
sur 14 cibles. Des critères minimaux doivent être respectés
pour chacune de ces cibles afin d'assurer la certification garantissant, de ce
fait, d'avoir un ouvrage final vraiment durable.
Les certifications anglaise BREEAM et américaine LEED
reposent quant à elles sur l'atteinte d'un score minimal à
atteindre en fonction du niveau de certification recherché. Ce score
étant calculé à partir du cumul des points obtenus pour
chaque cible, le maître d'ouvrage est libre de sélectionner «
à la carte » des cibles prioritaires.
Pour les entreprises souhaitant se lancer dans la mise en oeuvre
d'un projet de construction responsable, la certification BREEAM offre les
avantages d'être à la fois très complète, en
intégrant notamment la problématique du transport, et
d'être la moins chère sur le « marché ».
Pour la certification d'un immeuble de bureau de 20 000
m2, le cabinet de conseil Greenaffair donne la comparaison de
coûts entre les certification BREEAM et HQE suivante :
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La certification BREEAM est en effet beaucoup moins stricte quant
à la vérification contrairement à la certification HQE qui
exige notamment une triple vérification réalisée par un
auditeur extérieur.
Recourir à la certification BREEAM c'est aussi
l'opportunité d'obtenir une véritable aide à la mise en
place d'une démarche de développement durable avec en particulier
de nombreux outils et moyens pour atteindre les performances souhaitées.
Au contraire la certification HQE ne fait que fixer des objectifs à
atteindre.
Nouveau bâtiment à Airbus
Hélicoptère Marignane, explication de la démarche :
Ci-dessous les éléments de réponses aux
questions que j'ai pu poser à M. Bernard Bourrelly, Responsable service
travaux neufs et maintenance des infrastructures (bâtiments,
réseaux, énergie, déménagements, rénovations
et maintenance du site) pour Airbus Helicopters Marignane.
« Pourquoi le choix de recourir à la certification ?
»
Les raisons semblent diverses et dépendent de
l'échelle. Pour Airbus Group il s'agit d'une démarche globale
liée à la stratégie « building / energy » du
groupe, celle-ci semble basée en grande partie sur une notion d'image
et, pour certains bâtiments, sur des critères. La certification
BREEAM « Very Good » du siège à Paris s'est en effet
faite en grande partie pour une notion d'image et de « green value »
; le bâtiment étant en effet susceptible d'être revendu
prochainement. Concernant le MDC de Marignane il s'agit bien entendu toujours
de suivre la stratégie du groupe et de donner une image
d'exemplarité en termes de respect de l'environnement, de conception
architecturale mais aussi et surtout en termes de confort des usagers. Selon M.
Bourrelly la mise en place d'une certification devait en outre contraindre les
différents acteurs du projet à obtenir les résultats
escomptés. Finalement, et contrairement aux locaux du siège, ce
bâtiment n'a pas pour « vocation » d'être revendu et la
notion de « green value » n'a donc pas été un
critère de choix.
« Pourquoi le choix de la certification BREEAM ? » ,
Le groupe Airbus a commandé en 2009 une étude
comparative, réalisée par la société de conseil
ELAN, qui a eu pour objectif la comparaison et l'étude des meilleures
méthodologies entre les différentes certifications que sont
BREEAM, LEED et HQE. Le groupe souhaite en effet généraliser une
démarche de certification.
ESTP Mathieu PACAUD
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BREEAM semble profiter le meilleur rayonnement à
l'échelle européenne ainsi qu'au moyen orient et c'est ce qui a
en particulier guidé le choix d'Airbus, localisé en France et en
Allemagne principalement mais également dans de nombreux autres pays
européens et non-européens. Le critère du prix,
évoqué précédemment, n'a pas semblé avoir
été important dans ce choix. A titre d'exemple la
réalisation du Main Development Center a couté plus de 38
millions d'euros quand une certification HQE (la plus chère) aurait
couté moins de 30 000 euros. Le HQE, pas assez international et le LEED,
pas assez européen et n'offrant pas assez de suivi (toute la
démarche s'effectue sur internet sans aucun audit) n'ont ainsi pas
été retenus.
« Comment avez-vous procédé pour mettre en
place la certification ? »
L'appel d'offre s'est fait sous la forme d'un concours
d'architectes associés à des entreprises de construction
(marché de conception - réalisation). Un AMO
spécialisé en certification BREEAM a été
engagé pour suivre l'ensemble du projet depuis la phase de conception et
jusqu'à un an après la livraison de l'ouvrage.
« Pourquoi ne pas avoir intégré une approche
en coût global poussée en intégrant par exemple la
maintenance et l'exploitation au marché ? »
Concernant la maintenance il n'a tout simplement pas
été possible de l'intégrer au marcher. En effet le groupe
Airbus, comme beaucoup d'autres groupes ou sociétés, a
déjà un contrat de maintenance global pour l'ensemble de ses
sites. Le responsable service travaux neufs et maintenance des infrastructures
ne semble de toute façon pas vraiment convaincu par la démarche.
Selon lui par exemple concernant l'énergie le bâtiment
consommerait approximativement 500 kWh/ an soit une dépense annuelle
approximative de 300 k€ ; en gagnant 20 % par rapport à la RT 2012,
ce qui a été l'objectif fixé en termes de consommation
d'énergie pour gagner 7 précieux points alloués à
ce thème, on ne gagne ainsi « que » 60 k€ par an. Si l'on
fait la somme pour une durée de vie de 50 ans on arrive tout de
même à une économie réalisée de 3 millions
d'euros et ce rien que sur le thème de l'énergie qui, on le
rappelle ne représente généralement jamais (pour un
bâtiment construit sous les exigences de la RT 2012) plus de 20% des
dépenses liées à l'exploitation d'un bâtiment sur sa
durée de vie.
« Quel a été selon vous le principal avantage
de la certification BREEAM ? »
Selon Bernard Bourelly, cela a contraint le système du
fait du suivi par l'organisme certificateur et par l'AMO BREEAM. Ainsi «
tout fonctionnait dès le début » sans réserves, ce
qui été apparemment une première. Le principal avantage,
outre l'aspect d'image et de « green value », semble en effet
être l'apport d'une méthodologie, d'outils et de moyens pour
assurer d'atteindre les performances souhaitées et ce depuis la phase de
conception.
La certification BREEAM a en particulier pour avantage
d'inclure une grande partie relative au chantier. (à
compléter...)
Les limites du seul recours à la certification :
Comme le montre cet exemple, l'unique recours à la
certification ne permet pas forcement d'obtenir le meilleur rapport coût
/ performance. En effet ici Airbus Helicopters a fait le choix, dès la
définition du besoin, de viser le niveau de certification « Very
Good » et en particulier d'avoir un Cep 20% inférieur à
celui imposé par la règlementation thermique. Ce choix a fait que
dans la pratique aucun candidat n'a proposé d'améliorer la
performance énergétique au-delà de cet objectif minimum
imposé. Quel aurait été en effet été
l'avantage pour les groupements d'architectes / entreprises de proposer une
offre avec un coût direct plus élevé mais offrant des
avantages économiques sur le long terme quand le critère de prix
n'englobait pas la durée de vie complète du
ESTP Mathieu PACAUD
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bâtiment ? Il pourra ainsi être intéressant,
comme nous le verrons tout à l'heure, de compléter la
démarche par une approche en coût global.
Autres pistes d'amélioration relatifs au partage des
bonnes pratiques :
L'exemple précédent m'a semblé
intéressant pour montrer dans quelle mesure il peut être
intéressant de s'informer des pratiques relatives à diverses
entreprises dans le domaine des achats responsables. Nous avons ici pu
constater un certain nombre d'avantages mais aussi de limites liées
à la certification. Nous avons également pu constater que les
marchés globaux et les stratégies de groupe peuvent parfois
limiter le champ d'action des achats responsables et que la démarche
devra donc vraiment se faire de manière globale et s'intégrer
dans la stratégie de la politique achat. La présence de certains
marchés comme des accords-cadres relatifs à la conception
architecturale ou des marchés globaux de maintenance peut en effet
limiter les actions possibles pour la passation de nouveaux marchés de
travaux.
Pour en revenir à notre sujet, Radio France aurait tout
intérêt à renforcer ses liens, dans un esprit de
collaboration, avec d'autres directions achats d'entreprises (publiques ou
privées) non concurrentielles. S'il existe un certain nombre
d'organismes qui tâchent de rassembler les différents acteurs
liés à la construction, on constate cependant un assez mauvais
partage et de mise en commun d'outils, de processus ou de bonnes pratiques
relatives aux achats responsables. Il est par exemple très difficile de
se procurer des documents de marchés, souvent « confidentiels
», relatifs à des achats passés par des entreprises
privées. Dans le domaine public les documents sont souvent disponibles
sur la plateforme des achats publics mais de nombreux marchés, et
généralement ceux qui seraient les plus intéressants du
point de vue des achats responsables, passent par une phase de sélection
des candidatures. Il m'a ainsi semblé, d'une manière
générale, que de gros progrès pourraient être faits
quant à une meilleure entraide et une meilleure diffusion des bonnes
pratiques. Concernant Radio France il pourrait par exemple être
intéressant de se rapprocher d'autres sociétés telles que
la SNCF, qui semble avancée dans sa démarche d'achat responsable.
Un échange avec la SNCF semble d'autant plus intéressant que la
société ferroviaire rencontre certainement des
problématiques similaires liées à une implantation bien
spécifique sur tout le territoire (tout comme Radio France et son
réseau France Bleu).
Echanger, s'inspirer des pratiques externes et comparer
ses performances :
- Utiliser les données du Benchmark Immobilier
comme étalon de mesure de l'amélioration future des performances
liées à une meilleure prise en compte du développement
durable.
- Mettre en place des relations d'échanges
collaboratifs avec d'autres acteurs publics ou entreprises privées non
concurrentes. S'inspirer des bonnes pratiques externes.
- Analyser au travers des retours d'expérience
d'entreprises extérieures les avantages de certaines pratiques comme par
exemple le recours à la certification.
- Les échanges et la mise en commun des
connaissances, des outils et processus semblent être d'une manière
générale un levier important pour le développement des
achats responsables et qui reste pour l'instant trop peu
développé.
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