Les problèmes juridiques posés par la poursuite des parlementaires en RDC.( Télécharger le fichier original )par Ithiel BATUMIKE MIHIGO Université Catholique de Bukavu - Licence en Droit 2013 |
Section2. Les irrégularités dans la poursuite des parlementaires et quelques pistes de solutionSi les irrégularités relevées dans la première section étaient l'oeuvre partagée entre les chambres parlementaires et les autorités judiciaires, celles qui font l'objet de cette partie sont attribuées uniquement à ces dernières moyennant les influences politiques qu'elles subissent dans l'interprétation et l'application de la règle de droit. Ce qui nous conduira également à apporter notre modeste contribution quant à quelques reformes envisageables en droit parlementaire congolais. §1. Les poursuites non avalisées par les chambres parlementairesElles se font en se basant soit sur le souci de respecter les engagements internationaux (A), soit sur des interprétations influencées (B). A. Les violations du droit interne face au mandat de la CPI contre Fidèle BABALADéputé national de son état, Fidèle BABALA a été arrêté dans la nuit du 23 novembre 2013, vers 2 heures du matin par trente policiers à son domicile en exécution du mandat de la CPI délivré le 20 novembre 2013 à son encontre pour subornation des témoins, fait prévu et puni par l'article 70.1 du statut et l'article 166 du règlement de procédure et de preuve de la CPI. Il a été transféré à la CPI sans que l'A.N. n'ait reçu un quelconque écho de la part des autorités judiciaires ainsi que le veut le droit congolais en matière des poursuites contre les parlementaires. La procédure ainsi menée n'est pas conforme à l'article 88 du statut.Les justifications avancées par le gouvernement congolais tendent d'une part à consacrer la suprématie du traité par rapport à la constitution sans ignorer que ce traité lui-même a été violé à côté d'autres règles du droit interne en matière d'arrestation. I. La consécration de la suprématie du droit international par rapport à la constitution.Bénéficiant des immunités directement consacrées par la constitution et en dehors de toute flagrance, la procédure de levée des immunités devait être entreprise à charge de BABALA. Cependant, comme mentionné supra, le statut de Rome à son article 27 écarte les immunités. La jurisprudence internationale est unanime que ces dernières doivent céder devant les exigences de la justice internationale (Affaires Pinochet et Blaskic) surtout en matière des crimes internationaux. Cette opinion est partagée parla doctrine congolaise131(*). Mais une partie de celle-ci comporte une contradiction en reconnaissanten même temps la supériorité de la constitution congolaise par rapport au traité en vertu de son article 216132(*). Car, si la constitution est supérieure, les règles qu'elle consacre ne sauraientsouffrird'aucune violation aux motifs du respect des engagements internationaux.D'ailleurs l'affaire LAGRAND a permis à la Cour Internationale de Justice de nuancer l'idée de primauté du droit international par rapport au droit interne. En soulignant à l'occasion de cette affaire, l'obligation du gouvernement des Etats-unis à transmettre son ordonnance au gouverneur de l'Arizona, la CIJ a eu le mérite de montrer qu'elle n'ignore pas l'entière autonomie dont bénéficie cet Etat dans le droit interne des Etats-Unis et qu'il appartiendra plutôt à l'Etat fédéré en cause de respecter l'ordonnance133(*). Mais curieusement, expliquant à la représentation nationale le transfèrement de Fidèle BABALA à la CPI, la ministre congolaise de la Justice, Wivine MUMBA, avait évoqué l'obligation d'un État signataire du statut de Rome d'exécuter les mandats de la CPI en ces termes : « Nous avons des engagements internationaux que nous avons signés, qui sont passés par ce parlement, parmi eux le statut de Rome que nous avons ratifié et que nous devons respecter. Et que comme vous le savez, selon la Constitution, les conventions internationales ont préséance sur les lois internes. C'est donc normal que nous coopérions. Qui que ce soit qui est soumis aux juridictions internationales, nous avons l'obligation de l'accompagner ». Cette déclaration du ministre ne fait pas de distinction entre la constitution et les autres lois de la République. D'ailleurs, le statut lui-même ne prescrit pas l'ignorance du droit interne. Il lutte contre l'impunité mais exige que l'arrestation soit conforme aux procédures de droit interne. La lettre de l'article 87.3 selon laquelle « l'Etat requis respecte le caractère confidentiel de demandes de coopération et des pièces justificatives y afférentes, sauf dans la mesure où leur divulgation est nécessaire pour donner une suite à la demande », laisse entendre que certaines procédures devront être respectées conformément au droit interne. Tel est le cas de la procédure de la levée des immunités parlementaires. Ce qui nous pousse à soutenir que le caractère confidentiel ne devrait pas primer face aux immunités. Même dans l'hypothèse invraisemblable de la suprématie du statut de Rome par rapport à la constitution congolaise, l'on ne doit pas ignorer le fait que la subornation des témoins, simple atteinte à l'administration de la justice,ne constitue pas en elle-même un crime international pour justifier la violation d'une disposition d'importance fondamentale du droit interne comme la constitution. Il faut en outre constater que les modalités de la coopération internationale avec la cour dans la mise en oeuvre des dispositions de l'article 70 sont régies par la législation nationale de l'Etat requis. * 131 NYABIRUNGU mwene SONGA, Op.cit., p.242. * 132 E. BOSHAB et MATADI NENGA, Op. cit., pp. 152-153. * 133 O. CORTEN et P. KLEIN, Les conventions de Genève sur le droit des traités. Commentaire article par article, II, Bruxelles, Bruylant, 2006, p.1127. |
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