CONCLUSION
Le grand banditisme revient au rang des grandes obsessions de
notre société. Durant des années, le
phénomène a tiré profit d'un relâchement dans la
répression pour se développer et devenir une hydre qui
répand sa hantise sur toute une nation. Les autorités ont pris
conscience et ont entrepris une multitude d'actions hautement
répressives dont la première et la plus célèbre
fût « l'opération coup-de-poing » des années
2003. Plusieurs exécutions sommaires ont eu lieu et nul ne peut
contester l'impact que cette opération a produit dans le domaine de la
sécurité. Même si elle a été relativement
brève, la paix et la quiétude ont eu encore le droit de
régner dans les cités. Mais, peut-on établir la
sécurité à n'importe quel prix ? S'il faut autoriser
l'atteinte aux droits de l'Homme au nom de l'intérêt
général, jusqu'où peut-on aller dans cette «
illégalité » ? Aujourd'hui, les droits de l'Homme sont aussi
importants que la constitution et leur violation aussi
répréhensible que l'instauration d'un régime
dictatorial.
Le Burkina Faso a réajusté ses pendules pour
être au rendez-vous dans le concert des nations les plus
civilisées en adoptant en 2009 une loi censée encadrer
l'action des acteurs de la sécurité, tout en autorisant quelques
coups aux sacro-saints principes des droits humains. Une lutte jamais
engagée dans l'histoire de la sécurité du pays avec des
moyens démocratiques a été lancée contre le
phénomène du grand banditisme. Désormais sous une
qualification propre « d'actes de grand banditisme », et suivant une
procédure policière et judiciaire hautement
allégée, mais avec des peines fondamentalement criminelles, les
grands bandits ont été traqués. Mais au bout de cinq ans,
le constat est presqu'alarmant. Les prisons refusent des délinquants au
point qu'un établissement pénitentiaire de haute
sécurité fût construit. Mais les populations continuent de
vivre quotidiennement sous la terreur de l'imminence des actes de grand
banditisme. Des zones comme l'Est, la Boucle du Mouhoun, les Cascades sont
classées « zones rouges ». Les délinquants semblent se
moquer des actions politiques, ils perpètrent leurs forfaits en pleine
ville en plein jour.
Cela est un signal fort pour nous inviter à repenser le
système de la répression. Loin de faiblir dans la
répression au sens strict du terme, il faut réorienter l'action
vers la prévention qui semble produire mieux un impact positif.
Pour cela, il faut améliorer le système actuel et
apporter du nouveau dans la répression.
Dans le sens du renforcement du système actuel, il
convient d'entreprendre les actions suivantes :
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> Renforcer la prévention en émaillant tout le
territoire national de services de sécurité ; > Moderniser les
services de sécurité en les dotant de moyens techniques,
matériels, humains et financiers pour la bonne exécution de leurs
missions ;
> Renforcer la participation communautaire en misant sur la
police de proximité ; > Maintenir la répression qui satisfait
l'opinion et soulage la victime ;
> Corriger les atteintes aux droits de l'Homme en
appliquant aux suspects une véritable procédure criminelle ou en
leur garantissant un procès équitable;
> Renforcer la coopération internationale et
régionale en rapprochant les incriminations et en favorisant la
prévention.
En vue d'une innovation, il convient de mettre en place une
politique criminelle suffisamment élaborée et clairement
définie.
Beaucoup d'écrits, de commentaires, de communications,
beaucoup de remarques et de critiques, seront réalisés en rapport
avec la loi 017 sur le grand banditisme. Mais les meilleurs qui retiendront
l'attention de l'Histoire seront sans doute ceux qui permettront de faire des
avancées significatives sur les questions de sécurité
publique durable, de quiétude de nos populations avec une meilleure
protection des droits fondamentaux de l'individu. Ces droits sont
inaliénables et reconnus à chaque homme du simple fait de son
appartenance à la race humaine. Ce sont également ceux qui
permettront aux sociétés modernes de concilier au mieux les
nécessités de la répression avec les exigences des droits
humains. Les droits de l'Homme doivent être protégés en
dehors de toutes confessions religieuses et politiques. Ils doivent en tout
temps et en tout lieu être élevés au-dessus de tout autre
intérêt car c'est la dignité humaine qui est en jeu. Mais
il faut à tout prix éviter que ces sacro-saints principes propres
à la communauté humaine ne s'abâtardissent au contact
d'acteurs sans scrupules interprétant de façon excessive ces
droits et aboutissant à des conclusions qui mettent en péril
l'avenir de l'humain. L'homme n'est rien en dehors de la société
qui le façonne. Il en est le produit et lui doit tout. Elle le nourrit
aussi bien spirituellement que physiquement. L'homme est à la
société ce que la pierre est à la
cathédrale108. Elle participe de la gloire de la
cathédrale et hors d'elle, elle n'est qu'une simple pierre. En
conséquence, il faut protéger la cathédrale pour
sauvegarder la « réputation » de la pierre. Il faut
protéger la société pour sauver l'Homme. Il est souvent
préférable qu'un seul homme meurt pour tout le peuple
!
108 Antoine de Saint-Exupéry, Pilote de guerre, Edition
Gallimard, 1942, p.221.
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