l'adoption d'une politique criminelle
renforcée
La politique criminelle est la traduction sous forme de
programme de la vision des gouvernants sur la lutte contre la
criminalité. Au Burkina Faso, la question de la sécurité
étant désormais une préoccupation de premier plan, il est
plus que jamais nécessaire de se doter d'une politique criminelle
achevée (A) incluant les nouvelles stratégies de
prévention du grand banditisme (B).
A. Notion et place de la politique criminelle dans la
lutte contre le grand banditisme Avant de relever l'importance de la
politique criminelle dans les questions de sécurité, il convient
d'éclaircir la notion.
1. Notion de politique criminelle
Initiée par le Pr allemand Feuerbach en 1803, la
politique criminelle se définit à l'origine comme l'ensemble des
procédés répressifs par lesquels, l'Etat réagit
contre le crime. Mais cette définition basique et limitée
à la répression va évoluer progressivement pour inclure
la
101 Voir Principes directeurs des Nations Unies pour la
prévention de la délinquance juvénile, adoptés
et proclamés par l'Assemblée générale dans sa
résolution 45/112 du 14 décembre 1990.
102 Denis Szabo, Criminologie et politique
criminelle, Les presses de l'université de Montréal,
Québec, 1978, p.248 cité par KABRE Olivier, op.cit.
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prévention. Pour le professeur LAZERGES, la politique
criminelle est « une réflexion épistémologique sur le
phénomène criminel, un décryptage du
phénomène criminel et des moyens mis en oeuvre pour lutter contre
le comportement de déviance ou de délinquance ; elle est
également une stratégie juridique et sociale, fondée sur
des choix idéologiques pour répondre avec pragmatisme aux
problèmes par la prévention et la répression du
phénomène criminel entendu largement »103.
Entendue dans ce sens, la politique criminelle comprend
l'ensemble des procédés par lesquels le corps social organise les
réponses au phénomène criminel, soit par la
prévention, soit par la répression. Appliquée au contexte
burkinabè, la politique criminelle apparaît comme l'ensemble des
règles et institutions mises en place pour lutter contre la
criminalité. Il s'agit entre autres de la législation
pénale, des institutions sécuritaires et judiciaires. Mais
jusqu'à une époque récente, la politique criminelle
burkinabè est restée embryonnaire et non formelle, malgré
les avantages que présente un tel programme social.
2. Les avantages de la politique
criminelle
Comme le faisait remarquer M. YARGA Larba, ancien ministre de
la justice du Burkina Faso, « ... tant que notre pays n'aura pas
défini une politique criminelle claire, précise et efficace, et
mis en place les organes vitaux fonctionnels de cette politique criminelle,
redéfini une organisation judiciaire conséquente, la protection
de l'enfance et de la famille, la lutte contre la criminalité et le
grand banditisme resteront le cauchemar de notre peuple »104.
La politique criminelle est en effet une exigence de l'Etat de droit et une
passerelle incontournable dans la quête de sécurité
sociale.
Une planification scientifique du développement de la
législation criminelle et de la politique criminelle en
général rend nécessaire de prévoir, ne serait-ce
que dans leurs grandes lignes, les changements majeurs éventuels en
matière de délinquance : son niveau général et la
fréquence des divers délits ; la dangerosité sociale
objective, la motivation et la finalité de ces délits ; la
personnalité des délinquants et leurs caractéristiques
individuelles ; la proportionnalité des délinquants primaires et
des récidivistes, des délits individuels et des délits
collectifs, etc. En même temps, il faut prendre en considération
des facteurs tels que la conscience juridique de la population, son attitude
subjective (intolérance effective) vis-à-vis des délits et
des délinquants,
103 Cité par OUEDRAOGO Edouard dans Politique
criminelle du Burkina Faso, Université Montpellier I 'octobre 1998,
p.16.
104 Cité par NATAMA Djibril dans L'évolution
de la politique criminelle au Burkina Faso, mémoire de fin de
cycle, université de Ouagadougou, 1992, p.39.
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le niveau des intentions répressives (attitude à
l'égard des différentes sanctions criminelles) et les autres
formes d'action anti délictueuses.105
Son existence est un critère de l'Etat de droit et un
gage de sécurité juridique du citoyen, une
nécessité politique des sociétés modernes où
le crime coopère avec le droit.
Elle permet en effet à la société
d'anticiper sur la réaction qu'elle opposera au crime. Et à cet
effet, elle laisse très peu de possibilité au passage à
l'acte. Parce qu'elle est un référentiel juridique de la
prévention et de la répression, elle est un gage de la protection
des libertés individuelles qui sont à l'abri de l'arbitraire. Par
ailleurs, parce qu'elle traduit la réaction du groupe social face au
phénomène criminel, elle est un étalon de mesure du niveau
de civilisation.
Axée sur des approches nouvelles de la
criminalité, la politique criminelle peut s'avérer utile pour
conjurer le phénomène du grand banditisme.
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