Lutte contre le grand banditisme au Burkina Faso: bilan et perspectives.( Télécharger le fichier original )par Marcel KAFANDO Ecole Nationale de Police - Commissaire de police 2015 |
B. Les insuffisances dans la protection des droits humains.« Les principaux droits fondamentaux qui sont en jeu lorsque les forces de l'ordre cherchent à assurer le respect de la loi sont ceux touchant à la vie et à l'intégrité physique des suspects, ainsi que le droit au respect de la vie privée »70 A l'aune de cette déclaration, on peut apprécier le niveau de protection du droit à la vie, de celui relevant de l'intégrité physique et de la vie privée. 1. La répression du grand banditisme et le droit à la vie 69 http://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9riode_de_s%C3%BBret%C3%A9 (19 mars 2015). 70 International concil on human rights policy, Criminalité, ordre public et droits humains, Versoix, Genève, 2003, p. 5. Cité par KABRE Olivier, mémoire en droits humains, ENAM. 46 Le droit à la vie est un droit fondamental consacré par de nombreux instruments juridiques internationaux. Au plan universel, l'article 6 alinéa 1 du PIDCP dispose que: « Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie ». Cette consécration internationale du droit à la vie a été entérinée au niveau régional, puis à l'interne. Au plan régional, c'est l'article 4 de la CADHP qui, en des termes similaires, consacre le droit à la vie71. Au plan interne, ce droit est consacré par la constitution en son article 2 : « la protection de la vie, la sureté et l'intégrité physique sont garanties ». Droit insusceptible de dérogation72, le droit à la vie est celui sans lequel la jouissance des autres droits s'avère impossible. Or, l'article 9 de la loi sur le grand banditisme ouvre une porte à la violation du droit à la vie. En effet, si le critère « d'absolue nécessité » ressort dans les Principes de base sur le recours à la force et à l'usage des armes à feu par les responsables de l'application des lois73, il est employé pour désigner les situations où on a recours à l'arme soit pour se défendre ou pour défendre autrui. Mais en offrant la possibilité d'y recourir pour « neutraliser le délinquant », cet article met à rude épreuve la protection du droit à la vie. 2. Les autres droits menacés sous la répression du grand banditisme. Beaucoup de critiques faites à l'encontre de la nouvelle loi font état de nombreuses violations des droits de l'Homme74 qui ne sont pas de nature à assurer à notre pays l'image de l'Etat de droit aux yeux de la communauté internationale. Bon nombre d'entre eux découlent de l'article 9 de ladite loi. En effet, le non-respect du droit à la vie emporte avec lui beaucoup d'autres violations telles que la présomption d'innocence, le droit à un procès équitable, etc. Les droits de la défense sont mis à rude épreuve sous la loi 017. Le caractère expéditif de cette loi n'offre guère une bonne garantie à ces droits. En effet, le souci de célérité qui a conduit à alléger la procédure n'a pas manqué de fragiliser la défense. La procédure correctionnelle n'offrant pas l'assistance judiciaire systématique, les délinquants aux ressources limitées 71 Cet article stipule que « la personne humaine est inviolable. Tout être humain a droit au respect de sa vie et à l'intégrité physique et morale de sa personne : Nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit ». 72 Article 4, alinéa 2 du PIDCP qui énumère les dispositions insusceptibles de dérogations dont l'article 6 consacrant le droit à la vie. 73 AG-NU, Principes de base sur le recours à la force et à l'usage des armes à feu par les responsables de l'application des lois, adoptés par le huitième congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et du traitement des délinquants qui s'est tenu à la Havane (Cuba) du 27 août au 7 septembre 1990 . 74 Analyse de Mr KABRE Olivier, mémoire précité. 47 assurent seuls leur défense devant un ministère public qui les écrase de par son expérience professionnelle et sa culture juridique sans égale. Ce droit est d'autant plus affaibli que le double degré d'instruction et le système de jurés se trouvent écarter. On relève par ailleurs l'atteinte à la liberté d'aller et de venir et le secret de la vie privée. L'atteinte au premier résulte de l'allongement de la durée de la GAV. La tendance des délais de GAV dans le monde est à la réduction. En France, elle est passée de 72 à 24 heures. Au Burkina Faso, elle est passée de 72 à 360 heures, ce qui correspond à une peine. L'atteinte au second, c'est-à-dire au secret de correspondance résulte de l'étendue des pouvoirs des OPJ qui peuvent opérer à toute heure de la journée chez toute personne soupçonnée de détenir des informations relatives aux actes de grand banditisme75. A ces insuffisances juridiques s'ajoutent des faiblesses institutionnelles rendant inefficace le système. Paragraphe II : Les insuffisances institutionnelles de la luttecontre le grand banditisme. Au plan institutionnel, beaucoup de dysfonctionnements sont constamment relevés et de nature à entraver la quête de sécurité durable pour tous. Ce sont entre autres, la problématique des ressources disponibles et les difficultés de coopération entre les différents acteurs de la sécurité. |
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