A. L'imprécision des textes de base portant
répression du grand banditisme
En rappel, le texte de base qui organise la répression
des actes de grand banditisme reste la loi 017/AN du 05 mai 2009 portant
répression du grand banditisme. Ce texte qui est le
référentiel de principe (des fois, le parquet peut poursuivre sur
la base du vol aggravé) comporte des lacunes qui méritent
d'être comblées. Au titre de ces imprécisions, on
relève les circonstances autorisant le recours à l'arme par l'OPJ
et la mesure de la peine.
1. Le droit de recours à l'arme par
l'OPJ
L'article 9 de la loi n°017 dispose qu'« en cas
d'absolue nécessité, les officiers et les agents de police
judiciaire peuvent faire usage de leurs armes pour se défendre ou pour
neutraliser un délinquant ».
Certes, la loi ne précise pas la nature des armes dont
il est ici question ; ce qui laisse aux agents de sécurité la
latitude d'utiliser toute arme à leur disposition, y compris les armes
à feu. L'utilisation des armes à feu pose le problème de
la force létale et partant, celui de la protection du droit à la
vie. Notons que la force létale ou meurtrière s'entend non
seulement de la force ayant donné lieu à une perte en vie
humaine, mais aussi de toute force potentiellement meurtrière,
c'est-à-dire susceptible de tuer, même si finalement, la mort n'en
est pas résulté68. Eu égard au fait que l'usage
des armes à feu est susceptible de porter atteinte au droit à la
vie, le Droit International des Droits de l'Homme (DIDH) le soumet à un
régime juridique rigoureux qui conditionne la régularité
de l'autorisation d'usage des armes à feu.
En outre, le recours à l'arme à feu était
autorisé dans les cas d'« absolue nécessité »;
c'est-à-dire dans le cadre strict de la légitime défense.
Mais cet article ayant étendu le champ
68 CrEDH, Affaire Makaratzis c. Grèce,
requête n°46221/99, arrêt du 20 décembre 2004,
§49, où la Cour a estimé que l'article 2 CEDH trouvait
à s'appliquer à l'usage d'armes dans le but d'obliger Makaratzis
à immobiliser sa voiture même si en définitive, il n'en est
résulté que des blessures.
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d'application au besoin de neutralisation du
délinquant, la « notion d'absolue » mérite une nouvelle
définition au risque d'être une porte ouverte à
l'arbitraire.
2. La difficile détermination de la
peine
L'article 18 de la loi dispose que « le tribunal qui
prononce une peine d'emprisonnement ferme doit l'assortir d'une peine de
sûreté au moins égale à la moitié de la peine
prononcée.
La peine de sûreté détermine une
période de détention maximale incompressible. » La
période de sûreté est, en droit
pénal français, une durée minimale assortie à une
peine de réclusion ou d'emprisonnement durant laquelle, le
condamné ne peut bénéficier d'aucun aménagement de
peine (tel qu'un placement en semi-liberté ou une libération
conditionnelle). Cette période de sûreté peut aller
jusqu'à deux tiers de la durée de la peine pour une peine
à temps, en France jusqu'à 22 ans dans le cas d'un emprisonnement
à perpétuité, et peut être illimitée dans le
cas des deux crimes passibles de la perpétuité
incompressible69
Or, le même texte de loi donne la possibilité au
juge de prononcer une peine d'emprisonnement à vie contre les auteurs,
coauteurs ou complices d'actes de grand banditisme. La question qui se pose est
alors celle de savoir comment déterminer la peine de sûreté
en cas de condamnation à l'emprisonnement à vie, manoeuvre
obligatoire pour le juge. Comment déterminer en effet, la moitié
du restant des années d'un homme encore en vie ? Cette situation
conduirait le juge à prononcer de très longue peine dans l'espoir
que la peine de sûreté corresponde au restant de la vie du
délinquant, ce qui n'est pas de nature à assurer une protection
suffisante des droits humains.
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