A. La légalité des interventions et la
rigueur de la répression: force reste à la loi
L'idée est qu'il vaut mieux étendre la
légalité à des pratiques incommodes que de permettre des
actions en marge de la loi, fussent-elles motivées par
l'intérêt général. Par ailleurs, le maintien de la
répression est une nécessité à la sauvegarde des
valeurs sociales.
1. La légalité des
interventions
L'une des grandes difficultés des missions de
patrouille et d'intervention réside dans le fait que l'agent de
sécurité doit faire face à des brigands « sans foi,
ni loi » guidés uniquement par la recherche effrénée
du butin. Les délinquants en effet agissent hors de tout cadre
légal et c'est à cet effet que leur responsabilité
pénale est recherchée. La délinquance est un comportement
qui
60 Conférence de presse du Ministre de
l'Administration Territoriale, de la Décentralisation et de la
Sécurité, BARRY Auguste Denise, le 16 Avril 2015.
61 En 2003, la lutte contre le grand banditisme au
Burkina Faso, avait conduit à mener une opération dite «
coups de poings » et avait conduit à des exécutions
sommaires, donc des violations flagrantes des droits de l'Homme.
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s'inscrit en marge de la norme sociale, qu'elle soit morale,
légale ou religieuse. Il est donc ridicule de s'attendre à ce que
le délinquant soit diligent, moins violent et respectueux des lois dans
ses opérations. Toute la difficulté de la répression
apparaît quand il faut venir à bout de personnes pour lesquelles
tout est permis avec des moyens conventionnels. Alors, le recours à des
comportements, à des actes illégaux est tentant. Cette situation
conduit à des GAV au-delà des délais légaux,
à des exécutions extra judiciaires62, etc.
Mais ce défi est relevé par les organes de
répression du grand banditisme. En effet, toutes interventions,
fussent-elles violentes s'inscrivent dans la légalité. La loi
portant répression du grand banditisme serait adoptée en vue de
couvrir des pratiques qui en la légalité ordinaire serait
illégaux63 (les GAV se prolongeant au-delà des
délais légaux). Depuis 2009, grâce à l'extension de
la légalité et au professionnalisme des acteurs de la
sécurité, très peu de bavures lors des interventions
contre les grands bandits ont été signalées.
L'intérêt réside dans l'affermissement de
l'Etat de droit. Le souci constant de prioriser la légalité,
mène à l'érection d'une société où
l'arbitraire est proscrit et où le droit a le dernier mot.
Par ailleurs, cette obligation pour les acteurs d'inscrire
leurs actions dans la légalité qui peut être le
résultat de l'interprétation des textes internationaux (le
principe de légalité, et d'autre part les principes de
nécessité, proportionnalité et précaution en
matière d'usage de la force et des armes à feu) a un fondement
moral. En effet, le droit reste le fondement de la société. Les
artisans d'une telle société doivent donner l'exemple en
matière de légalité, quelles que soient les circonstances.
C'est la seule manière de fortifier l'Etat.
2. La rigueur de la répression
La sanction pénale est le seul moyen dans un Etat de
droit pour corriger les erreurs et les égarements des citoyens. Elle
permet d'assurer l'ordre et de faire régner la discipline par la force
légitime. Paul Valery disait que quand l'Etat est faible, nous
périssons de désordre. La sanction pénale n'est pas en
elle-même condamnable. C'est le mécanisme procédural par
lequel elle est infligée au citoyen qui peut pécher
contre les principes de l'Etat de droit. Un peu partout dans le monde, des
crimes dits crapuleux ont toujours été sanctionnés avec
sévérité, même dans les pays qui se prennent pour
l'achèvement de la civilisation humaine. En France, la
perpétuité
62 Cf. opération coup-de-poing des
années 2003.
63 Témoignages recueillis des acteurs
judiciaires lors des enquêtes qualitatives, ministère de la
justice, janvier 2015.
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incompressible64 a été
instituée contre les crimes particulièrement graves. Cette peine
est applicable aux deux crimes suivants :
1. meurtre avec viol, tortures ou acte de barbarie d'un mineur
de moins de quinze ans ;
2. meurtre en bande organisée ou assassinat d'une
personne dépositaire de l'autorité publique (policier, magistrat,
etc.) à l'occasion ou en raison de ses fonctions.
Les Etats-Unis appliquent encore la peine capitale et la Chine
l'inflige même pour des crimes jugés ailleurs mineurs comme
l'évasion fiscale. En dépit du fait que la dernière
sentence au Burkina Faso remonte à 2011, la peine de mort a
été prononcée contre 2 700 délinquants dans le
monde en 2014, avec une croissance de 28% par rapport à
201365. Le Burkina Faso ne se met donc pas en marge de la
civilisation humaine en infligeant l'emprisonnement à vie à des
délinquants qui volent avec violences et qui surpassent le seuil de
l'intolérable en crevant le plafond de l'inacceptable. C'est la
procédure par laquelle de telles peines sont infligées, et leur
gestion qui peuvent poser problème.
La sévérité de la peine contre les actes
de grand banditisme est utile en ce sens qu'elle satisfait les populations,
décourage les adeptes du crime et satisfait la victime. Nul n'ignore que
la peine par son caractère vindicatif guérit la victime. Mais ce
but n'est atteint que quand le système pénal atteint les vrais
coupables et épargne les innocents.
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