A. La procédure classique et le rendement
judiciaire
La procédure de jugement applicable au crime est la
procédure criminelle. Or, le vol aggravé était un crime.
Donc la procédure des assises était applicable au vol
aggravé (1). Cependant, cette procédure a paru
trop lourde pour suivre l'évolution rapide de la criminalité du
grand banditisme (2).
1. La procédure pénale dans le crime de
vol aggravé
Au sens du droit pénal général, le crime
est l'infraction la plus grave dans l'ordre des sanctions. Elle se situe
au-dessus du délit et de la contravention qui sont moins graves. La
procédure pénale applicable au crime (elle a ceci de particulier)
est longue et fastidieuse ; une longueur due à la
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lourdeur de la procédure propre au système des
jurés31. Mais la quête d'une justice plus juste
commandait ce sacrifice.
La justice idéale, justice divine, permettrait de punir
sur le champ les coupables tout en épargnant les innocents. Cet
idéal reste un idéal. La dure réalité, vécue
au quotidien par les policiers et magistrats et par certains mis en cause, en
témoigne. Notre justice est humaine, trop humaine car elle demande
lenteur, patience et réflexion. La justice véritable est
l'ennemie de la précipitation. Deux raisons nous en convainquent. Non
seulement, il faut se prévenir de punir un innocent mais tout jugement
hâtif commandé par la vengeance, se risque à l'injustice.
Entre la constatation de l'infraction et le jugement du délinquant, un
délai impératif et incompressible s'impose.
La procédure pénale dans le crime se
présente comme suit :
- La phase d'enquête (préliminaire ou de
flagrance
- L'instruction préparatoire menée par un juge
d'instruction
- Le second degré d'instruction qui est l'oeuvre de la
chambre d'accusation de la cour d'appel
- Le jugement qui a lieu lors des assises criminelles qui sont
des sessions annuelles lors desquelles étaient jugées les
affaires criminelles en fin d'instruction. Le jugement des affaires criminelles
a cette particularité d'être marqué par la présence
d'un jury qui au su des débats décide de la culpabilité ou
non du mis en cause.
Cette procédure était applicable à tout
crime. Or, le vol aggravé était un crime. En effet, le vol,
infraction la plus courante et la plus répandue est la soustraction
frauduleuse de la chose d'autrui. Définie comme tel, cette infraction
reste sanctionnée comme un délit. Mais il arrive que certaines
circonstances entourant la commission du vol l'aggravent et lui donnent une
autre coloration. Il devient alors un crime et est jugé comme
tel32.Mais la lourdeur procédurale propre au procès
criminel soulève de nombreuses difficultés.
31 Les assises se caractérisent par le
système des jurés qui sont invités à se prononcer
sur la culpabilité de l'accusé.
32 Cf. article 452 du code pénal
burkinabè.
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2. Les difficultés procédurales
liées au grand banditisme
La procédure criminelle applicable au vol
aggravé soulève de nombreuses difficultés qui ne
facilitent pas la répression des actes de grand banditisme. En effet, il
y a une lenteur dans le traitement des dossiers sous le régime
procédural classique, et ce pour plusieurs raisons.
? D'abord, le caractère périodique des assises
criminelles. Les dossiers de vols aggravés étant des dossiers
criminels, ils étaient connus lors des assises criminelles. Or, les
assises criminelles se tenaient périodiquement, une fois par an. C'est
seulement en cette période que sont traités les dossiers en
état d'être jugés.
? Ensuite, l'insuffisance de structures judiciaires ainsi que
du personnel. En effet, en 2013, le Burkina Faso dispose de 24 TGI
fonctionnels, de deux cours d'appel (Ouagadougou et Bobo-Dioulasso)
animés par un corps magistral de 450 personnes pour une population
totale de 16 millions d'habitants33.
? Enfin, il y'a la lourdeur de la procédure criminelle
due à l'instruction et au double degré d'instruction. Le temps
moyen pour le traitement d'une affaire criminelle devient très long (05
ans34).
!.
La surcharge des maisons d'arrêt
: Le nombre de prévenus entrant est largement
supérieur à celui sortant, d'où une surpopulation dans ces
lieux de détention.
Cette surpopulation est à la base des libertés
provisoires fréquemment accordées aux demandeurs. Les exigences
du droit des prévenus jointes à la nécessité de
déconcentrer les maisons d'arrêt conduisaient à l'octroi
fréquent des libertés provisoires. Les détenus pour vol
simple subissaient parfaitement la peine tandis que les « grands bandits
» étaient en liberté35. Il apparaissait donc
presque préférable de poser des actes de grand banditisme que de
commettre des larcins, ce qui crée un sentiment d'impunité.
33 Ministère de la Justice-Tableau de Bord des
statistiques, 2013
34 Les cours d'appel connaissent entre 2004
à 2009 des affaires pénales nouvelles de l'ordre de 393 dont 253
affaires criminelles par an. Cependant, les décisions rendues
annuellement par les deux cours sont en moyenne de 193 durant 2007 à
2009 (avec la précision que les deux cours ont quadruplé leur
volume d'activité en 2009). Cependant, le phénomène des
vols aggravés prenait des proportions inquiétantes. Elles
s'élevaient à 1305 attaques en 2009. Il était donc naturel
que la procédure habituelle paraisse inadaptée à la
répression du phénomène de grand banditisme.
35 Témoignages recueillis des acteurs
judiciaires lors de nos enquêtes qualitatives.
23
Cette situation de dysfonctionnement général a
motivé la recherche d'une solution rapide et appropriée ayant
abouti à l'adoption de la loi. Pour les acteurs de lutte contre le grand
banditisme, l'adoption de la loi de 2009 sonne comme un instrument
salvateur.
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