2- Les problèmes sécuritaires de la
Mauritanie, du Niger et de l'Algérie
La multiplication des conflits armés et les
déséquilibres sécuritaires de la sous-région
Sahélo-saharienne d'une manière générale et des
trois Etats frontaliers du Mali que sont la Mauritanie, l'Algérie et le
Niger ont de notre point de vue, également amené la France
à engager une action militaire au Mali afin de réduire non
seulement la dissémination des armes et des combattants rebelles et
terroristes de ces territoires dans l'ensemble du Sahel, mais
34 Rapport association Survie, les zones
d'ombre de l'intervention militaire française au Mali,
élément de contexte et d'explication, 2013, p.6.
35 Rapport Gorée Institute,
Systèmes de conflits et enjeux sécuritaires en Afrique de
l'Ouest, 2002, p.128.
36 Idem.
37 L. Simon, A. Mattelaer, & A. Adfield, Une
stratégie cohérente de l'UE pour le Sahel, Parlement
européen, 2012, p.20.
38P. Hugon, Géopolitique de l'Afrique,
Paris, éditions SEDES, 2009, p.144.
39Idem, p.244.
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aussi d'empêcher une atteinte totale à la
sécurité de la sous-région d'une manière
générale. En effet, depuis plusieurs années, ces trois
Etats connaissent de multiples instabilités politiques qui
débouchent par des affrontements armés et quelques peu par des
guerres civiles ; des rebellions et du terrorisme. Ces différents
mouvements d'insurrections armées, s'étendent
régulièrement vers d'autres Etats de la région
sahélo-saharienne et provoquent un déséquilibre
sécuritaire.
En ce qui concerne la Mauritanie, plusieurs actions politiques
ont entrainé des insurrections, qui ont déstabilisé aussi
bien cet Etat que les territoires frontaliers tels que celui du Mali. En effet,
la situation sociopolitique qui avait entrainé le déplacement des
Negro-mauritaniens40 vers le Mali au cours des années 1990 a
favorisé la montée de la rébellion et la multiplication
des affrontements armés au sein de cet Etat. De ce fait, partant du
Fruidem (Front de résistance pour l'unité, l'indépendance
et la démocratie en Mauritanie), jusqu'au Fulam (Front unique de
libération armée Mauritanien), un rapport de force a
été instauré entre ces groupes et l'Etat mauritanien et a
provoqué une instabilité sécuritaire41 qui s'en
était étendue vers le Mali. Cette extension qui dénote de
« l'incapacité de l'Etat à exercer ses fonctions
régaliennes sur l'ensemble du territoire »42, a
entrainé la recrudescence d'une rébellion bi-étatique
composée de Maures sahraouis mauritaniens43 et maliens. Ce
groupe insurrectionnel armé qui déstabilise autant la Mauritanie
que le Mali, est une scission d'AQMI. Il est ainsi apparu en début de la
crise malienne sous l'appellation du MUJAO. Ce groupe terroriste en provenance
de la Mauritanie, a trouvé refuge dans la partie septentrionale du Mali
et a provoqué l'instabilité des territoires du Sahel à
travers des combats armés, des enlèvements des expatriés
occidentaux et des décapitations des populations des territoires
mauritaniens et maliens.
Outre la Mauritanie, l'Algérie constitue l'un des Etats
de la région Sahélo-saharienne où
l'insécurité grandissante provoque plusieurs inquiétudes
de la France. En effet, la fin de la guerre civile des années 1990 dans
ce pays a vu apparaître la multiplication des groupes armés
radicaux44 dans cet espace. Ces différentes armées
développent une instabilité aussi bien interne que dans toute la
partie du Sahara et du Sahel. Echappant ainsi au contrôle de l'Etat
algérien, ces groupes menacent la stabilité d'un ensemble d'Etats
et particulièrement la partie septentrionale du Mali dont la
porosité frontalière ne fait l'objet d'aucune contestation.
40 J-C. Rufin, Monde rebelles, acteurs conflit et
violence politique, Paris, éditions Michalon, 1996, p.260.
41 J-C. Rufin, op.cit., p.261.
42M. Taje, Enjeux Ouest-africain :
vulnérabilité et facteurs d'insécurité au
Sahel, sahel and Ouest africa club, p.3.
43M. Galy, La guerre au Mali, comprendre la crise
au sahel et au Sahara, enjeux et zone d'ombres, Paris, la
Découverte, p.51.
44Idem, p.65.
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Cette menace sécuritaire qui débute en
Algérie et s'étend dans la majorité des pays sous
régionaux, évolue parallèlement au dynamisme des groupes
armés en présence qui ont changé d'échelle, allant
des simples rebellions au grands groupes terroristes. Le territoire
algérien se retrouve ainsi dans une évolution des bandes
armées, partant du GIA (Groupe Islamique Armé) au GSPC (Groupe
Salafiste pour la Prédication et le Combat) et du GSPC à AQMI.
C'est donc ce dernier qui aplatit les efforts sécuritaires de l'ensemble
des Etats sahélo-sahariens et, à travers son extension a
fragilisé davantage le Mali, provoquant ainsi son chaos
sécuritaire et géopolitique. Ce groupe qui opère dans
toutes les parties Ouest et Nord de l'Afrique, menace vigoureusement les
Occidentaux d'une manière générale et
particulièrement la France dont les populations et les
intérêts dans la région sont importants.
L'insécurité au Niger constitue aussi l'une des
questions géopolitiques les plus complexes de la région
sahélo-saharienne. La situation politique de cet Etat se résume
à ce que J-C. Rufin, qualifiait dans Monde rebelle de «
feu sous la cendre »45. En effet, le Niger, est l'un
des Etats qui a connu une vague de mouvements de déstabilisation , de
coups d'Etat et d'affrontements armés entre les factions rebelles et les
pouvoirs qui se sont succédés. Cet ensemble de mouvements
crée l'insécurité à l'intérieur de cet Etat.
De ce fait, plusieurs acteurs ont entretenu cette instabilité et ont
ainsi mis ce théâtre d'opération en ébullition. Il
s'agit des principaux mouvements touaregs anciennement regroupés autour
de l'ORA (Organisation de Résistance Armée) et du CRA
(Coordination de la Résistance Armée) qui communiquent avec des
groupes touaregs maliens et libyens. Ces groupes armés touaregs qui
déstabilisent parfois le Niger, ont projeté leurs actions dans la
crise malienne. L'insécurité du Niger est également
nourrie par des bandes terroristes et djihadistes qui opèrent dans les
frontières libyennes et algériennes, et qui ont aussi
contribué à la déstabilisation de l'Etat malien. La
déstabilisation du Niger provoque de réelles inquiétudes
pour les puissances étrangères de l'occident, notamment la France
dont la vitalité économique locale est sans conteste.
Dès lors, l'instabilité et
l'insécurité de ces différents Etats posent de
réelles inquiétudes au sein de l'UE et particulièrement en
France. En effet, craignant que toute la zone du Sahel ne bascule dans les
affrontements armés comme au Mali et que les dynamiques
géopolitiques qui caractérisent cette région ne
s'étendent aux frontières maritimes de l'UE (Espagne ; Italie ;
Portugal) de diverses façons qu'elles soient, il était
indispensable de mettre en place une action globale qui limiterait de
manière efficiente l'anarchie qui était sur le point de
s'enraciner dans toute cette partie de l'Afrique. De ce fait, l'intervention
militaire française
45J-C. Rufin, op.cit., p.239.
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au Mali caractérisait la résorption de cette
dynamique insécuritaire aux multiples effets directs et
collatéraux dans le territoire malien et dans l'ensemble de la
sous-région.
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