3- Les effets directs et collatéraux de la
déstabilisation de la région
L'instabilité géopolitique des régions
sahélo-saharienne et ouest-africaine se caractérise par une
diversité de conséquences qui constituent des menaces aussi bien
pour les Etats de l'Afrique que pour ceux de l'Europe. La
déstabilisation de ces Etats provoque des effets directs et indirects au
sein de ces grands blocs régionaux. L'un des effets directs de cette
instabilité territoriale est la dissémination des groupes
rebelles et terroristes dans l'ensemble de cet espace géographique.
Cette répartition des groupes armés dont le Mali est devenu
« l'épicentre »46, est constituée
d'une dizaine de factions rebelles et terroristes dont les plus importantes et
les plus dangereuses sont AQMI, MOUJAO, Ansar-Eddine, Al Mourabitoun ; Ansar-
al-charia, et l'extension chebabs. Ces GAD organisent des enlèvements de
masse comme celui des trente-deux touristes organisé par AQMI (ancien
GSPC) en Algérie ou encore la séquestration des travailleurs
d'AREVA dans le site d'Uranium d'Arlit au Niger. Ils multiplient
également, au sein des territoires de ces pays, des attentats dans le
but de « créer un climat de peur et d'insécurité
»47 générale. En revanche, ces
opérations des GAD s'accompagnent de multiples actions dont les impacts
ne sont pas directement ressentis. De ce fait, les effets indirects de
l'insécurité de l'espace ouest-africain et sahélo-saharien
se rapportent à l'organisation des « économies
parallèles »48. En effet, les GAD participent
activement aux trafics de drogues, d'armes, et mettent en difficulté les
économies des Etats par le pillage des ressources stratégiques.
Ces différentes conséquences qui concernent apriori les Etats
africains des régions citées ci-dessus, engagent également
les Etats occidentaux. L'instabilité des régions ouest-africaine
et sahélo-saharienne devient un phénomène
géopolitique transfrontalier en ce sens que ces groupes qui
prônent un islamisme radical, «mènent une guerre sainte
dans le monde contre les intérêts des sociétés
occidentales »49. Dès lors,
l'insécurité et les effets néfastes de
déstabilisation de ces régions africaines préoccupent les
acteurs européens, au rang desquels la France. Cette dernière
ayant mis une « attention particulière sur cette région
depuis les années 2000 »50 et connaissant
parfaitement la précarité géopolitique qui prévaut
dans cette partie du continent et les impacts
46M. Galy, op. cit., p.41.
47P. Boulanger, Géographie militaire et
géostratégie, enjeux et crises du monde contemporain, Armand
colin,
2011, p.190.
48S. Loungou, « Economies parallèles
et pérennisation des conflits armés en Afrique subsaharienne
», Stratégies
africaines, n°80, ISC, p89-109.
49P. Boulanger, op. cit., p.192.
50 Rapport de l'assemblée nationale
française n° 1288, 18 juillet 2013, p.16.
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qu'elle pourrait occasionner dans son voisinage proche et
lointain, s'est sans doute appuyée sur cette réalité de
déstabilisation pour projeter son intervention militaire au Mali. Ainsi,
du fait du déséquilibre sécuritaire de ces Etats de la
région sahélo-saharienne et ouest-africaine (carte 1), le
déploiement de l'armée française au Mali avait donc une
approche globale qui tient compte non seulement du Mali, mais également
de l'ensemble des pays environnants.
Carte 1 : La situation sécuritaire des Etats de la
région sahélo-saharienne
Cette carte illustre l'instabilité géopolitique
qui prévaut dans la région sahélo-saharienne. Elle
évoque, en effet, la territorialité des groupes armés
rebelles et terroristes dans la région et présente les circuits
de circulation et de trafics d'armes que la présence de ces groupes
djihadistes entraine à l'intérieur des différents
Etats.
Ce climat d'instabilité géopolitique aux seins
de ces Etats de la région sahélo-saharienne et ouest-africaine a
eu un double effet. Il a non seulement constitué l'une des motivations
de l'intervention militaire française au Mali, mais son extension au
Mali a entrainé le basculement de cet Etat dans une instabilité
grandissante.
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