L'intervention militaire française au Mali. Essai d'analyse géopolitique.( Télécharger le fichier original )par SATUTNIN NDONG NDONG Université Omar Bongo - MASTER GEOSCIENCES POLITIQUES 2015 |
Section2 : Le déploiement de l'armée françaiseTrois éléments permettent d'analyser le déploiement de l'armée française au Mali : la mobilisation d'un contingent conséquent et le financement de l'opération (1), l'intervention des pays alliés(2), et l'utilisation des territoires africains comme base arrière de l'intervention militaire française(3). La carte ci-dessous présente ce déploiement militaire français. 61 131 Charte des Nations-Unies 132 H. Condurier, Les secrets d'une intervention, Afrique magazine, n°329, 2013, p.51. 62 Carte 4: Déploiement de l'armée française au Mali La carte ci-contre illustre le déploiement des troupes françaises sur les régions maliennes transformées en fiefs des groupes armés djihadistes qui s'apprêtaient à poursuivre 63 leurs actions vers le Sud. Elle évoque également le coup d'arrêt que l'action française a apporté sur la campagne militaire des différents GAD qui avaient déjà colonisé le Nord. 1- La mobilisation d'un contingent conséquent et le financement de l'opération L'intervention militaire française au Mali a porté le nom de code de Serval. Il s'est agi d'un important dispositif militaire comprenant plusieurs unités de défense et de sécurité. La France l'a subdivisé par ses propres moyens. Les missions l'opération de Serval qui consistaient, à arrêter l'offensive islamique vers le Sud, chasser les groupes djihadistes de toutes les villes du Mali et désorganiser en profondeur leur structure de commandement et leur logistique, ont conduit la France à opposer face aux groupes rebelles et terroristes en présence, un « rapport des armes »133, dont les actions de l'infanterie et l'artillerie français devaient facilement fragiliser leur campagne armée. ? Les effectifs et les matériels militaires de Serval En ce qui concerne l'infanterie, le dispositif de l'opération Serval comptait les éléments à terre des forces de défense française. La France a mobilisé des forces spéciales, responsables du commandement des opérations spéciales (COS), l'armée de terre issue du deuxième régiment d'infanterie de la marine française, l'armée de l'air, la marine nationale, les groupes de commandos parachutistes et de groupes de commandos des montagnes. Ces différentes unités de défense provenaient à la fois de la France et des forces de pré-positionnement des pays africains, notamment des bases opérationnelles avancées et des pôles opérationnels de coopération à vocation régionale134. Cet ensemble de soldats engendra un dispositif militaire conséquent. Si l'on se réfère aux statistiques de l'Assemblée nationale française135, le dispositif de l'opération Serval a enregistré, 370 soldats de la marine nationale dont 120 marins en moyenne avaient été mobilisés au combat à terre ; 250 autres travaillaient dans le ravitaillement de la logistique en mer ; 80 personnes composaient l'effectif de l'armée de l'air136 ; 5170 soldats composait le dispositif de l'armée de terre, parmi lesquels 12% provenaient des forces de pré-positionnement française en Afrique. Le diagramme ci-dessous montre le dispositif de l'armée de terre engagé dans l'opération Serval (Diagramme 2). 133C-V. Clausewitz, op.cit., 1984, p.311. '34Rapport Assemblée nationale française n°2114, 09 juin 2014, p16. '35Rapport Assemblée nationale française n°1288,18 juillet 2013, p40. '36J-C. Notin, op.cit., p.253. 64 Diagrammes 2: Effectif de l'armée de terre française à l'opération serval Les forces de défense de terre en provenance de la France : Guépard et Génération force de France Les forces de pré positionnement de l'opération Serval : Source : Rapport Assemblée nationale française n°1288_18juillet 2013, p.40 / Etat-major de l'armée de terre Ce diagramme présente la provenance des éléments de l'armée de terre française impliquée dans l'opération Serval et l'importance des bases de pré-positionnement africaines dans le renforcement du dispositif de l'armée de terre. Ces différentes forces disposaient d'une importante logistique militaire. En outre, l'artillerie déployée sur le théâtre, les troupes françaises comptaient un important matériel qui visait non seulement à supplanter la logistique des GAD, mais également à imposer le rapport de force et des actions robustes137, qui anéantissent les groupes terroristes. En effet, la logistique militaire mise à disposition par la France se composait d'un armement militaire puissant et sophistiqué 138 et des appareils déterminants pour le traitement de l'information. L'opération serval disposait des véhicules et des camions blindés d'infanterie, des engins blindés, des véhicules logistiques pour le traitement de l'information, des pièces d'artillerie, des engins du génie, des aéronefs et des drones. Cet arsenal militaire mis à disposition par l'hexagone dans ce théâtre d'opération où les affrontements étaient d'une extrême violence, constituaient une base de protection pour l'Etat malien dont l'armée présentait véritablement des traits d'impuissance face aux groupes djihadistes. Ainsi, près de 1400 appareils en rotation constituaient la base logistique de l'opération Serval face aux insurgés djihadistes préparés au combat et bien armé, affirme 137 Le monde, Comment la France est entrée en guerre, n°37, février 2013, p.24-29. 138Rapport Assemblée nationale française, n°2114, op. cit., 65 Afrique Magasine139. Les détails de ce dispositif militaire sont ainsi présentés dans le tableau ci-dessous. Tableau 3: Matériels majeurs déployés dans le cadre de l'opération serval
Source : Rapport Assemblée nationale française n°1288_18juillet 2013, p.40/Etat-major Armée de l'air de terre Ce tableau synoptique présente l'important dispositif militaire qui avait été déployé dans l'opération Serval au Mali. Il s'agit d'une logistique moderne de combat terrestre et aérien fort de 1356 appareils militaires auxquels s'ajoutent 58.000 munitions utilisées pendant les affrontements terrestres. 139R. Michel, Afrique magazine, interview Jean Yves Ledrian, n°329, 2013, p.48-50. 66 ? Le financement de l'opération Serval Au-delà du dispositif de combat, la France a également engagé des ressources financières colossales dans ce conflit. L'opération Serval a amené la France à consentir d'importantes dépenses à hauteur de plusieurs millions d'euros. Cet investissement qui permettait de supporter « les efforts de l'arrière et du front »140, a augmenté les dépenses militaires des opérations extérieures de la France. En effet, selon J. Sotinel141, la dépense militaire de l'opération Serval entre janvier 2013 et janvier 2014, a été de l'ordre 646 millions d'euros sur les 1,25milliard d'euros de dépense militaire extérieure de la France en 2013. Ce financement de l'opération était destiné aux indemnités du personnel, notamment les soldats ; aux frais de fonctionnement courant (alimentation, télécommunications, soutien au stationnement) ; aux coûts liés aux acheminements stratégiques ; au transport ; et l'achat du carburant opérationnel, et à l'achat des munitions. Cet investissement français traduit ce que P-S. Tibault142 appelle la perversion de la substitution de la politique militaire française en Afrique. Car, la sécurité des Etats africains comme le démontre le cas malien, reste l'apanage des colonisateurs occidentaux au rang desquels la France. Cette dernière démontre jusqu'alors qu'elle représente un « parapluie militaire»143 qui garantisse la sécurité des Etats qu'elle a colonisée. Pour autant, elle s'appuie sur ses alliés. Ces derniers ont apporté un soutien à la France aussi bien financièrement que logistiquement. 2- L'intervention des pays alliés à la FranceL'intervention militaire française au Mali a entrainé la mobilisation de nombreux pays alliés à la France et membre de l'ONU. En effet, après avoir informé le CS de son action militaire, et mis ses partenaires devant le fait accompli144, la France a bénéficié d'un important soutien militaire et diplomatique de ses alliés. Plusieurs Etats européens et américains, au départ retissants à cette intervention militaire voire à l'idée d'un déploiement des troupes au sol, se sont engagés aux côtés de la France et lui y ont apporté un important soutien logistique et financier qui lui a permis de renforcer son outil militaire, puis d'alléger son investissement militaire. L'opération Serval a reçu l'appui des Etats-Unis, du Canada, de 140J. Lévi, Les sept traités de la Guerre traduit du Chinois, Paris, Hachette littératures, 2008, p.94. 141J. Sotinel, 1,25 milliard d'euros de dépenses militaires extérieures en 2013, http://bfmbusiness.bfmtv.com/france/1-25-milliard-deuros-depenses-militaires-exterieures-2013-640996.html, consulté le 13/05/2015 142P-S. Tibault., Les évolutions récentes de la coopération militaire française en Afrique, Paris, publibook, 2007, p.52. 143J-F. Owaye, Dynamique irénique et convergence et convergence stratégique ou de l'essai d'une cybernétique des défenses africaines, l'exemple de l'Afrique subsaharienne post indépendantiste, in Revue de l'IRSH, vol.7, 2001 144Association Survie, (Janvier 2013), Les zones d'ombre de l'intervention militaire française au Mali, élément de contexte et d'explication », p.17. 67 l'Allemagne ; de Belgique ; de la Grande-Bretagne ; de l'Espagne ; du Danemark ; de la Russie et des Emirats arabes unis. Ce dernier allié ne figure pas dans les sources françaises du ministère de la défense. Ce déploiement de la communauté internationale derrière l'opération Serval justifie de l'importance des enjeux de cette intervention militaire française. Ainsi, profitant de cette action française, les Etats occidentaux alliés, particulièrement les Etats Unis et la Grande-Bretagne, se sont mobilisés pour des raisons de lutte contre le terrorisme international et sans doute pour préserver leurs intérêts dans l'ensemble de la sous-région. Les Etats-Unis, « partenaire qui a depuis longtemps laissé le soin à la France de restaurer l'ordre occidental en Afrique »145, a particulièrement fournis les données satellitaires et les renseignements146en plus des avions, des drones et d'une subvention de l'ordre de 50 millions de dollars. Le tableau ci-dessous indique le soutien des pays alliés à la France. Tableau 4: Apport logistique des pays alliés à la France
145N. Ténèse, les opérations françaises au Sahel (2012-2013) : une mutualisation américaine sous drapeau français, p.12. 146 Ibidem 68 Belgique
Source : Assemblée nationale n°1288, 18juillet 2013(Ministère de la défense française) Ce tableau décrit le déploiement l'arsenal militaire étranger et témoigne de la contribution de plusieurs acteurs occidentaux dans l'opération militaire menée au Mali par la France. Cette implication matérielle et financière des pays alliés a favorisé le renforcement logistique de l'intervention militaire française au Mali. En revanche, de nombreux autres pays, notamment le Japon et le Maroc et les institutions internationales dont l'Union européenne ; l'OTAN ; les Nations-Unies, l'UA etc., à défaut de financer ou d'apporter de la logistique à la France, ont usé de la voie diplomatique pour la soutenir et l'encourager au combat contre les djihadistes et les terroristes. Bien qu'en ayant pas combattu sur le front de guerre, les apports logistiques financiers et diplomatiques des alliés à l'opération Serval ont permis une intensification de l'action militaire française au sol et ont aidé la France à mener une opération efficace. Au-delà de l'implication des alliés internationaux, la France a également impliqué les Etats africains dans sa stratégie d'affrontement contre les rebelles et les groupes terroristes au Mali : les pays africains ont servi d'appui aux actions menées sur le sol malien et dans les airs par l'armée française. Les territoires africains constituaient des bases-arrière à l'opération Serval. 69 |
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