IV-3 : LE RISQUE ENVIRONNEMENTAL REPRESENTE PAR L'ARRIVEE
DES REFUGIES MALIENS EN 2012 AU BURKINA FASO
La dégradation de la situation sociopolitique au Mali
en 2012 a entraîné un afflux massif de 145 000
réfugiés dans les zones déshéritées du
Niger, de la Mauritanie et du Burkina Faso. Ces réfugiés en 2013
étaient estimés à 48 731 individus sur le sol
burkinabé. Ils sont pour la plupart des pasteurs qui ont trouvé
asile avec leurs troupeaux (54 488 têtes) dans le Sahel, région
frontalière du Mali (VSF, 2012). Cette arrivée continue de
réfugiés suscite quelques inquiétudes car l'état de
l'environnement « naturel » de la région sahélienne du
Burkina est également complexe car influencé, depuis ces
dernières années par des changements climatiques et
végétaux et un impact humain qui n'est pas lié à la
présence de réfugiés. Les périodes de
sécheresse successives qui touchèrent, surtout dans les
années 70 et au début des années 80, le domaine
sahélien, n'épargnèrent pas, le Sahel burkinabé et
sont considérées aujourd'hui comme faisant partie d'un processus
de « désertification » dans une zone écologique
déjà fragilisée (TOUSSAINT R et al., 1994).
IV-3-1 : LES IMPACTS BIOPHYSIQUES DES REFUGIES MALIENS
DANS LA REGION DU SAHEL AU BURKINA FASO
Au regard de la fragilité des écosystèmes
sahéliens, les impacts environnementaux majeurs liés à la
présence de réfugiés pourraient se traduire par la
dégradation des ressources naturelles dont la végétation,
les sols, les eaux et la pollution. Cette dégradation concerne à
priori les formations végétales qui vont subir les assauts des
troupeaux et des prélèvements divers (pâture, bois
d'énergie, bois d'oeuvre). En tenant compte de la capacité de
mobilité du troupeau, une aire d'emprise a été
circonscrite autour des principaux points de cantonnement du bétail des
réfugiés. Cela permet de délimiter des zones dont les
ressources environnementales sont assujetties à une menace de
dégradation.
IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DES REFUGIES AUTOUR DES ZONES
CONFLICTUELLES EN AFRIQUE DE L'OUEST
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a) Impacts des réfugiés sur les ressources
végétales et foncières
Les besoins en énergie domestique dans les sites
d'accueil des réfugiés augmentent les prélèvements
des ressources végétales des forêts classées de
Nassoumbou dans le Soum et le Séno, Mango dans l'Oudalan qui demeurent
les principales sources d'approvisionnement. En outre, la pâture du
bétail dans ces réserves peut porter un préjudice à
la vitalité, voire la survie des espèces floristiques
appétées (acacia) par le troupeau.
Tableau 10 : lieux d'approvisionnement en énergie des
populations dans la région du Sahel
Source : données d'enquête UNHCR/FAO, 2013
Que ce soit les réfugiés ou les autochtones, le
lieu d'approvisionnement en énergie est dominé par la brousse
suivi des marchés. Les autres sources sont constituées par le gaz
naturel, le biogaz et le charbon de bois.
L'augmentation des effectifs du cheptel dans la zone
sahélienne a créé un accroissement en besoin alimentaire
(fourrage, sous-produits agricoles et agro-industriels) et en eau
d'abreuvement. Les producteurs autochtones expliquent que la situation s'est
davantage dégradée cette année (2013) à cause de
l'arrivée d'un cheptel trois fois plus nombreux que les leurs et de
l'impossibilité de faire la transhumance vers le Mali due à la
situation d'insécurité qui y prévaut. Et sachant que les
ressources alimentaires n'ont pas évoluées, la présence
d'un plus grand nombre d'animaux joue négativement sur les ressources
naturelles. En effet, on enregistre un colmatage du sol par piétinement
sur les meilleures zones de pâturage et les points d'abreuvement. Les
bergers réfugiés connaissent très peu la zone et les
craintes de se perdre ou de subir des vols les poussent à occuper
durablement leurs zones de pâture avant de passer à un autre site.
Cette situation provoque localement un grand dommage au sol et à la
végétation car elle conduit à l'imperméabilisation
du sol et au non recharge des nappes par infiltration. Et sur un tel sol
dépourvu de végétation, le ruissellement appose son
emprise avec ses corollaires de la dynamique érosive (décapage,
ravinement, perte de fertilité) (FAO, 2012).
IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DES REFUGIES AUTOUR DES ZONES
CONFLICTUELLES EN AFRIQUE DE L'OUEST
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Photo 7 : colmatage du sol autour de la mare d'Oursi
Source : données d'enquête UNHCR/FAO, 2013
Le colmatage du sol autour de la mare d'Oursi est dû au
séjour prolongé de quantités
importantes d'animaux autour du point d'eau.
b) Impacts des réfugiés sur les ressources
hydriques et fauniques
Selon certaines sources du HCR, des pénuries d'eau ne
manquent pas, particulièrement à Dibissi, Déou et
Gountouré-Gnégné. Cela se constate sur le terrain avec le
tarissement précoce des mares (Damba et de celle de Férerio). De
même, l'état défectueux des deux forages à
Déou amène les populations locales et les réfugiés
à s'approvisionner à un château d'eau à Ayagoro
situé à 5 km du village. Les points d'eau naturels comme les
mares (Oursi) connaissent également une pression (hommes et cheptel) qui
réduit le temps de disponibilité en eau, augmente les risques
d'envasement et de dégradation des terres en bordure de ces points
d'eau. Par ailleurs, l'avènement des troupeaux de réfugiés
a occasionné un certain brassage avec ceux du Sahel et a fortement
joué sur la situation épidémiologique. Il ressort des cas
de pasteurellose et de charbon symptomatique dans certains sites qui sont
liés à l'utilisation de produits vétérinaires
prohibés et l'automédication. Ces pratiques sont courantes au
Mali et ont été apportées sur les sites (VSF, 2012).
c) Mauvaise assainissement et planning autour des camps
de réfugiés
La pollution environnementale, par les déchets
plastiques, omniprésente dans toutes les contrées du Burkina
Faso, risque d'être exacerbée dans les sites d'accueil des
réfugiés par
les habitudes qui s'installent peu à peu autour des
camps. On n'y constate effectivement que tous les emballages des divers
produits alimentaires et autres mis à la disposition des familles sont
systématiquement rejetés dans la nature en dépit de la
présence de certains dispositifs de collecte. Il est à craindre
qu'avec les fortes averses dans la localité, toutes ces immondices
soient drainées dans les cours et retenues d'eau, ce qui pourrait
précipiter leur comblement. Aussi, le système d'organisation des
camps ne tient pas compte des méthodes d'élevage des
réfugiés, grande consommatrice d'espace. Le fait de regrouper ces
derniers dans des camps tels que Goudébo et Mentao est très
dommageable aux éleveurs et particulièrement les grands
propriétaires de bétail. Ces zones sont peu fournies en
pâturages (UNHCR, 2013). En outre dans cette région du Sahel,
l'augmentation des effectifs du cheptel a entrainé une modification du
circuit de pâturage. Face à la pression et à
l'incapacité de faire la transhumance vers le Nord Mali, certains
éleveurs envisagent se rediriger vers les pâturages du Sud en zone
soudanienne.
Photo 8 : déchets plastiques jetés dans un drain
autour du camp de Mentao
L
Source : données d'enquête UNHCR/FAO, 2013
IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DES REFUGIES AUTOUR DES ZONES
CONFLICTUELLES EN AFRIQUE DE L'OUEST
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Les déchets plastiques au niveau des camps sont
accumulés près des tentes et jetés ensuite dans la brousse
ou dans des drains autour des camps comme c'est le cas de Mentao. Les
déchets s'y accumulent et gênent le passage de l'eau en
hivernage.
IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DES REFUGIES AUTOUR DES ZONES
CONFLICTUELLES EN AFRIQUE DE L'OUEST
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IV-3-2 : IMPACTS HUMAINS DES REFUGIES DANS LE SAHEL
BURKINABE
d) Mésententes entre populations locales et
réfugiés
Des actions urgentes doivent être entreprises à
travers la multiplication des points d'eau (puits, forages, micro-barrages). Si
rien n'est fait, des mésententes pourraient naître tel que ce fut
le cas dans le village de Bouro entre éleveurs réfugiés et
autochtones pour l'utilisation d'une mare (UNHCR, 2012). L'ouverture du forage
de Christine pourrait, à court terme, résorber un peu la
pression autour des points d'eau et des pâturages. Il y aussi le risque
de conflits fonciers avec les paysans locaux qui veulent semer leurs champs,
qui sont dans la famine alors qu'on distribue la nourriture aux
étrangers, et qui aussi, bloqué dans le pays avec leurs troupeaux
peuvent les conduire à côté des champs cultivés.
e) Insécurité et forte spéculation
dans la région du sahel
Selon le Haut-Commissaire de la province du Soum, on ne peut
exclure la présence d'islamistes sur le territoire mais dit s'occuper de
la sécurité des réfugiés et des habitants. Cette
révélation demeure une menace pour la sécurité
nationale pour peu que ces réfugiés constitués à
majorité de jeunes en âges de combattre se mettent à faire
des revendications envers l'Etat burkinabé. De même, selon une
jeune institutrice à Djibo, l'arrivée des réfugiés
a entrainé une explosion des loyers, des prix des denrées de
première nécessité et une baisse tarifaire du cheptel, des
produits animaux et artisanaux que beaucoup de réfugiés mettent
sur le marché.
Par ailleurs, l'offre éducative n'est pas suffisante
dans les camps de réfugiés. Et pour cela, l'agent humanitaire
Thierry Agagliate de l'ONG Terres des Hommes disait : « l'éducation
n'est pas une priorité dans les interventions d'urgence auprès
des réfugiés maliens et il faut agir maintenant afin de
prévenir la création d'un bataillon d'enfants soldats ». Des
conditions de vie difficiles et la perte de l'identité culturelle
diminuent la stabilité sociale. On note également des
problèmes religieux et sécuritaires à l'intérieur
des grands camps avec les différentes tendances islamiques et la
présence de coupeurs de route et de présumé
djihadistes.
Dans l'exploitation des ressources pastorales, il a cependant
été noté jusque-là (2013) une cohabitation
pacifique entre les réfugiés maliens et les populations des sites
d'accueil.
IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DES REFUGIES AUTOUR DES ZONES
CONFLICTUELLES EN AFRIQUE DE L'OUEST
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Très peu de conflits entre réfugiés et
autochtones en lien avec l'exploitation des ressources fourragères ou
hydriques ont été enregistrés dans les zones
administrées par le HCR. Certains partenaires du HCR ont perçu
les enjeux importants et prennent en compte les populations hôtes dans
les actions humanitaires. En effet, les organisations telles que
Vétérinaires Sans Frontières et l'ONG Help (à
travers le financement de l'UNHCR) mènent des plaidoyers pour une
cohabitation pacifique entre réfugiés et populations hôtes
dans le partage des ressources.
IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DES REFUGIES AUTOUR DES ZONES
CONFLICTUELLES EN AFRIQUE DE L'OUEST
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