IV-2-2 : IMPACTS HUMAINS DES REFUGIES A BUDUBURAM
c) Conflits fonciers entre autorités locales
à Buduburam
L'expansion du camp a également fait rejouer le
conflit foncier déjà existant entre les chefs traditionnels N. K.
Koranteng III et son rival Nana Kojo Essel II dans le village de Buduburam. En
effet, le camp manager comme le président du comité se
sont adressés à ces deux autorités pour répondre
à l'afflux des réfugiés et des rapatriés
ghanéens. Ils ont ainsi relancé la rivalité
foncière entre les deux hommes qui estiment être tous deux les
détenteurs de l'autorité clanique sur les terres du
stool préemptées pour la création du camp. La
restitution des terres acquises de façon provisoire par la puissance
publique fait augurer la réémergence de ce contentieux entre les
deux chefs. A l'instar du camp, le village de Buduburam dans la banlieue de
Kasao, a lui aussi connu une importante croissance démographique et
spatiale. D'après le recensement de 1984, il ne comptait que 463
habitants alors qu'il y en avait 18 713 lors du recensement de 2000
(BOAMAH-GYAU K, 2000). Ce chiffre fait de Buduburam une ville du point de vue
administratif et la plus importante ville du district auquel elle est
rattachée depuis 2008, Gomoa East.
d) Les impacts socio-politiques des
réfugiés à Accra
En Août 2000, Nana Kojo Essel II réclamait de
nouveau une compensation financière pour l'expansion du camp sur ces
terres, à défaut de leur restitution, se plaignait de promesses
de compensation non tenues de la part des gouvernements successifs. Il faut
néanmoins ajouter ici que les conflits à propos de ces stool
lands sont récurrents aux alentours d'Accra, pour définir
les détenteurs de ce patrimoine foncier ou pour faire valoir des droits
d'usage et de cession (GOUGH K, YANKSON P, 2000). Par ailleurs, si la
présence de réfugiés a pu être
instrumentalisée à l'échelle locale dans ce jeu coutumier,
elle l'a été tout autant à l'échelle nationale, au
moment d'élections législatives ou présidentielles, par
exemple quand l'aide aux réfugiés libériens entrait dans
les visées clientélistes de candidats politiques (ESSUMAN-
IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DES REFUGIES AUTOUR DES ZONES
CONFLICTUELLES EN AFRIQUE DE L'OUEST
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JOHNSON A, 1992). Les réfugiés
représentaient en effet une augmentation du nombre d'électeurs
potentiels dans un pays où il est courant que les étrangers
résidents participent aux élections locales et
présidentielles. En 2008, le HCR affichait dans le camp une mise en
garde (réfère photo) pour que les réfugiés restent
à l'écart des élections nationales.
Photo 6 : affiche du HCR mettant en garde les
réfugiés libériens à Accra de ne pas prendre part
aux élections.
![](Impacts-environnementaux-des-refugies-autour-des-zones-conflictuelles-en-Afrique-de-l-ouest26.png)
Source : Thèse de H SIMONE-LORIERE, 2013
A partir de 2001-2002, la conjonction du conflit en Côte
d'Ivoire et l'intensification de la guerre au Libéria provoqua une
augmentation du nombre de libériens réfugiés au Ghana et
de certains fléaux. La croissance du camp et les activités
criminelles qui s'y étaient développées (problèmes
de vols, trafics de drogue et prostitution) ont emmené une nouvelle
remise en question de son existence et une reprise en main par l'Etat.
e) Insécurité au camp de
Buduburam
Les nombreuses structures scolaires et de formation à
Buduburam sont localisées à l'intérieur du camp, mais il
arrive que les jeunes gens qui y habitent soient souvent
désoeuvrés et impliqués dans des activités
illicites (BORTU T.K, 2009). L'accès à l'éducation dans le
camp reste couteux et certaines familles, mais aussi des jeunes isolés
n'ont pas les moyens de payer les frais de scolarité demandés aux
élèves et aux étudiants. Les anciens soldats, et surtout
les anciens enfants soldats, ont du mal à trouver une place,
géographique et
IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DES REFUGIES AUTOUR DES ZONES
CONFLICTUELLES EN AFRIQUE DE L'OUEST
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psychologique parmi cette société
libérienne en exil. La plupart survivent en volant, en vendant de la
drogue (marijuana) ou en jouant à des jeux de hasard ou d'argent. Ils
sont regroupés en une association, la Veteran Child Soldiers of
Liberia (VESCOL) et sont installés pour une grande part d'entre eux
dans la zone 9 du camp (au Nord-est), dans une zone baptisée le
gap (WOOWARD L et GALVIN P, 2009).
Ces jeunes anciens combattants se sentent isolés et
ostracisés par les autres réfugiés. Ils souffrent de
traumatismes de guerre et de dépendance à l'alcool et à la
drogue. Pour mener leurs trafics, ils fréquentent le gap, mais
aussi le Gulf ou la forêt située à l'Est du camp
rebaptisée divil's forest. Ce sont également des lieux
de prostitution, auxquels il faut ajouter le 18+18 qui concentre la plupart des
restaurants et des bars du camp. La vie nocturne y est très dense et les
réfugiés l'ont baptisé 18+18 à cause de la
nécessité présupposée d'être majeur pour
profiter des plaisirs des bars : boissons, danse et rencontres amoureuses,
parfois tarifiées (BORTU T.K, 2009). Dans le camp, les grossesses des
jeunes filles sont liées à la prostitution ou à des
rapports sexuels précoces et sont également une des causes de
leur déscolarisation. Plusieurs recherches (TETE S, 2005 ; BOAMAH-GYAU
K, 2008 et OMATA N, 2011) le mentionnent pour évoquer les
problèmes d'insécurité que la fréquentation du
lieu, souvent nocturne, entraine : il entre en effet en concurrence avec
d'autres activités religieuses ou illicites, et les agressions et viols
y sont récurrents.
![](Impacts-environnementaux-des-refugies-autour-des-zones-conflictuelles-en-Afrique-de-l-ouest27.png)
En juin 2003, le gouvernement de KUFUOR. J a
décidé de recenser les libériens à Buduburam dont
le nombre était estimé à 30 000 (Ghanaian Times
22/06/2002). En Septembre, la police et l'armée ont été
envoyées pour faire une recherche d'armes dans le camp. Selon
ESSUMAN-JOHNSON A (2011), le gouvernement soupçonnait le camp
d'être devenu un lieu d'entrainement pour des mercenaires ensuite
envoyés en Côte d'Ivoire. Il était en tout cas un
réservoir pour leur recrutement. La presse ghanéenne qui
rapportait régulièrement les affaires criminelles, de
l'escroquerie au vol à mains armées, dans lesquelles
étaient impliqués les libériens, avaient alors
demandé la fermeture définitive du camp (Ghanaian Times,
Editorial du 20/09/2002, throw them out). Cependant l'escalade de la
seconde guerre civile au Libéria avait empêché toute
fermeture du site d'accueil et le gouvernement ghanéen encourageait les
libériens à s'organiser en tant que communauté pour
combattre la criminalité grandissante.
IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DES REFUGIES AUTOUR DES ZONES
CONFLICTUELLES EN AFRIQUE DE L'OUEST
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En résumé aux analyses menées, nous
pouvons souligner que les effectifs de réfugiés n'ont pas
été les mêmes dans les deux pays d'accueil (Guinée
et Ghana) et que les façons d'y répondre ont également
été différentes. Mais dans les deux cas les
réfugiés ont bénéficié d'une importante
liberté de mouvements si l'on compare avec la situation d'autres
réfugiés dans d'autres pays d'asile en Afrique notamment. Suite
à la description des impacts environnementaux des réfugiés
de conflits dans ces deux pays côtiers, nous proposons de montrer
maintenant le risque environnemental représenté par
l'arrivée de réfugiés de conflits dans un pays
sahélien comme le Burkina Faso.
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