III-1-3 : MODES DE VIE DES REFUGIES EN GUINEE
En 1995, World Refugee Survey (WRS) estimait le nombre de
réfugiés en guinée à 640 000. Les villages
jumelés dans les campagnes étaient le résultat des seuls
inters actions entre réfugiés et communautés locales.
Cette situation fut possible car il n'y avait pas de
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véritables urgences, l'afflux de réfugiés
ayant eu lieu progressivement et sans un trop grand nombre à la fois.
En générale, un grand nombre de
réfugiés en Guinée et leurs hôtes partagent les
mêmes langues, coutumes et cultures. Un niveau élevé
d'intégration sociale et de cohabitation pacifique caractérise la
présence des réfugiés en Guinée, aussi bien dans
les camps officiels de réfugiés que ceux installés parmi
la population locale (HCR, 2000). Toutefois, les anciens et les nouveaux
réfugiés avaient droit à des quantités de
nourritures différentes selon les humanitaires, les anciens
réfugiés étant censés être autosuffisants
depuis 1993 contrairement aux nouveaux. Cette distinction fut maintenue
malgré les études qui montraient que, l'insécurité
alimentaire n'était pas liée à la date d'arrivée
mais à la zone d'installation (Davis, 1996). L'aide alimentaire qui se
limitait à l'huile, le riz et rarement des lentilles et des haricots
était en grande partie détournée par les autorités
locales ainsi que les commerçants (OULARE A et KEITA F, 1992).
a) La vie des réfugiés vivant au sein
des populations locales
Avec l'installation des réfugiés en
Guinée, une surveillance nutritionnelle et épidémiologique
fut mise en place dans les postes de santé par le Ministère de la
Santé Publique (MSP) et Médecins sans Frontières (MSF)
pour protéger les sources d'eau potable, creuser des latrines, assurer
les frais curatifs de base et la vaccination contre la rougeole (VAN HAUWAERT
W, 1992).
Grâce à leur liberté d'installation; les
réfugiés s'organisaient au mieux pour tirer parti de toutes les
opportunités économiques. Les réfugiés
intégrés au milieu des populations autochtones, jouissaient d'un
degré plus élevé d'autonomie, leurs moyens d'existence et
ceux de la communauté d'accueil étant étroitement
liés. La cohabitation pacifique de réfugiés issus de
villages jumelés ou de nouveaux villages leur permettait
également avec le temps, d'atteindre un niveau satisfaisant
d'autonomie.
Les réfugiés retournaient dans leurs
régions d'origine lorsque la situation le permettait, craignant qu'une
trop longue absence menace leurs droits fonciers et autres possessions. Les
hommes partaient souvent les premiers, laissant femmes et enfants en
Guinée ou ils étaient en sécurité et
bénéficiaient de l'aide de la part des populations locales. Ils
partaient au début de la période culturale pour mettre en valeur
leurs terres (DIALLO M.A, 1991). Quand les conditions de sécurité
s'améliorent, le mouvement se fit principalement en direction du pays
d'origine. Quand l'insécurité augmenta, il se fit dans le sens
contraire.
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Dans les villes comme Conakry, le HCR avait formalisé
un partenariat avec la Croix Rouge Guinéenne (CRG) pour qu'elle assure,
après enquête, des aides ponctuelles en hébergement,
nourriture et soin, à certains réfugiés reconnus et
enregistrés. Ce partenariat était une mesure exceptionnelle vue
que la région forestière devrait abriter l'essentiel de l'aide
(horoya, 05/07/1992).
b) Modes de vie des réfugiés à
l'intérieur des camps
La situation de ceux qui vivaient à l'écart,
dans des camps était beaucoup plus difficile. Les réfugiés
libériens et sierra léonais qui étaient des agriculteurs
devinrent des paysans sans terres en Guinée. Face à la faiblesse
de l'aide, ils quittaient les camps pour chercher à mieux
s'intégrer à la population et à l'économie rurale.
Certains réfugiés étaient employés par les
Guinéens comme journaliers agricoles et d'autres avaient accès
à des terres laissées en jachères pour une année.
Dans certains cas, le travail des réfugiés a été
utilisé pour éclaircir une forêt secondaire plus ancienne
pour la culture pendant les premières années, après quoi
la terre a été utilisée par les guinéens pour des
cultures plus rentables, principalement le café (HCR, 2000).
Les réfugiés officiellement enregistrés
par le HCR comme résidents des camps et qui vivaient parmi les
guinéens retournaient au site d'accueil que lors de la distribution des
vivres. Ce phénomène était particulièrement
important à la saison des pluies, quand l'agriculture nécessitait
beaucoup de main d'oeuvre. Les camps étaient alors
désertés, quelques personnes seulement y restaient, les autres
s'étant installés de manière semi-permanente dans les
villages à l'extérieur des camps. Beaucoup de cases étant
fermées ou s'effondrant et la végétation revenant à
l'état sauvage, on appelait ces camps « camps fantômes
». Les réfugiés devaient avoir l'autorisation des
guinéens pour l'accès à la terre et l'utilisation des
ressources communautaires pour la production du charbon de bois, du bois de
chauffe, de l'argent comptant et des matériaux de construction (palmier
raphia).
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Tableau 6 : programme d'assistance aux réfugiés
libériens et sierra léonais en Guinée
|
Premiers arrivants
Quatre importantes vagues (1990- 1991)
|
Derniers arrivants
Succession de petites vagues (1992-1995)
|
Assistance médicale
|
Ensemble de mesures minimales.
Au début, soins curatifs de base,
vaccinations contre la rougeole,
surveillance épidémiologique et contrôle
nutritionnel sont considérées être des activités
suffisantes.
|
Ensemble de mesures plus complètes.
Centres nutritionnels,
programme d'alimentation
supplémentaire et animateurs
de santé s'ajoutent aux activités
précédentes.
|
Aide alimentaire
|
Les réfugiés vivent plusieurs
semaines, voire plusieurs mois, sans aide alimentaire, sans
conséquences graves pour leur santé.
|
Les réfugiés reçoivent des rations d'aide
alimentaire dès
les premiers jours ou les premières semaines.
|
Alimentation en eau
|
L'amélioration des installations
sanitaires villageoises (par exemple la protection des puits
peu profonds
existants) est d'abord tentée. Des nouveaux puits et
des forages avec des pompes à main sont installés quelques mois
plus tard
|
Dans les camps, des
nouveaux puits et des forages sont très tôt
creusés
|
Habitat
|
Au départ, aucune aide n'est donnée pour la
construction des cases. Après plusieurs mois, quelques bâches en
plastiques sont distribuées.
|
Une aide pour la mise en
place des camps et la
construction d'abris est donnée dès le
début
|
Source : Wim Van Damme, 1990-1995
Les réfugiés arrivèrent par vagues
successives en Guinée entre 1990 et 1995 et la plupart
s'installèrent librement au niveau de la population locale. Leur mode
d'installation fut très divers allant de l'intégration spatiale
à la ségrégation spatiale. Les éléments les
plus importants qui déterminèrent leur mode d'installation furent
: l'origine, urbaine ou rurale ; les liens ethniques ; l'accès aux
ressources agricoles disponibles et les effectifs. Les modes
d'installation déterminèrent dans une grande
mesure, le degré d'autonomie auquel les réfugiés pouvaient
parvenir et leur impact possible sur l'environnement. L'efficacité des
techniques d'auto prise en charge des réfugiés en Guinée
et du soutien de la population d'accueil diminua au cours des années.
Par contre, l'aide humanitaire extérieur augmenta (Simon & Schuster
; Van Damme W, 1995).
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