CHAPITRE 2 - LE RISQUE DE REQUALIFICATION PAR
L'ADMINISTRATION FISCALE
L'administration fiscale se heurte au principe de non
immixtion dans la gestion de l'entreprise familiale. Néanmoins, elle
pourra remettre en cause des actes qui ne sont pas dans l'intérêt
de l'entreprise, sur la base du critère de normalité et de
faisceaux d'indices. Le risque s'analyse notamment au regard des
opérations de fusion rapide entre la holding et l'entreprise familiale.
Ces actes pourront être requalifiés et c'est également le
cas d'opérations qui constitueraient un abus de droit au sens de
l'article L 64 du livre de procédures fiscales.44
44 BOSCHIN Nicolas , « Le guide pratique du LBO : Racheter
une entreprise grâce à l'effet de levier », Editions
d'organisation, 2009
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SECTION 1 - L'ACTE ANORMAL DE GESTION
Le principe de non immixtion interdit à
l'administration fiscale de s'immiscer dans la gestion de l'entreprise.
Autrement dit, des choix opérationnels peuvent être
décidés par les dirigeants sans que l'administration ne puisse
les contredire. Cependant, ce principe connaît une limite qui est
incarnée l'acte anormal de gestion. Elle consiste en la remise en cause
d'un acte de gestion qui conduit à appauvrir l'entreprise, alors que les
conséquences néfastes pour l'entreprise étaient connues
par le dirigeant qui a passé l'acte.45
1- La fusion rapide entre la holding et l'entreprise
familiale
Tout d'abord, la fusion présente fiscalement
l'intérêt d'opérer une consolidation automatique des
résultats fiscaux de la holding et de la cible et conduit à une
absence de réintégration de la quote part de frais et charge en
cas de distribution de dividendes de la société cible. Un
arrêt de la CAA de Lyon en date du 26 mai 1992 a pu décider que la
fusion rapide ne pouvait être qualifiée de fictive par
l'administration tant qu'elle n'établissait pas l'abus de droit. Mais
une instruction en date du 03 aout 2000 dispose que la fusion pouvait avoir un
but exclusivement fiscal en imputant les frais d'acquisition sur les
bénéfices de la société acquise et qu'il pouvait
s'agir, d'une opération déséquilibrée, sans contre
partie suffisante pour la cible, justifiant dans l'un et l'autre cas une
sanction. Dès lors, une fusion rapide peut conduire à refuser la
déductibilité des frais financiers ainsi que la mise en cause de
la responsabilité des dirigeants de la holding. 46
Lorsque l'administration fiscale remet en cause un acte
passé au sein de la holding, la contrepartie financière de ces
actes n'est alors pas déductible fiscalement notamment pour les actes
constitutifs d'abus de biens sociaux. Par exemple, l'acquisition d'une
société suivie d'une fusion avec sa holding peut être un
acte anormal de gestion si la fusion est effectuée trop rapidement et si
le niveau de capitalisation de la holding est faible et son endettement
élevé.
L'administration considère que les fusions
anticipées peuvent avoir pour objectif unique d'imputer les frais
d'acquisition sur les bénéfices de la société
cible.
45 CJUE, 6 avril 1995, BLP group plc et 8 juin 2000, Midland Bank
Plc. 84 CJUE, 27 sept. 2001, Affaire Cibo
46 BERTREL J.-P., « Acquisition de contrôle et
vampirisme financier », Droit et Patrimoine 1993 n°1 p.52
BERTREL J.-P, « Ingénierie juridique : comment
dissocier le pouvoir et la détention du capital », Droit et
patrimoine 2001 n°96 p 34
2- Remise en cause de l'opération contraire
aux intérêts de l'entreprise familiale : critère de
normalité
L'acte s'analyse au regard du critère de la «
normalité », qui est l'intérêt de
l'entreprise47. La qualification fiscale de l'opération
s'établit selon un faisceau d'indices, notamment « le délai
séparant l'acquisition de la fusion, le niveau de capitalisation du
holding, l'importance des dettes d'acquisition subsistant au moment de la
fusion par rapport au financement initial, l'exercice ou non par le holding
avant la fusion d'une activité autre que la détention des titres
de la société cible ».48
Pour le cas d'une fusion entre le holding et la
société cible, l'administration devra pour remettre en cause
l'opération prouver que cette décision est contraire aux
intérêts de la société cible.
L'administration va alors se baser sur un faisceau d'indices
pour juger du caractère normal ou anormal de la fusion. Elle pourra
notamment prendre en compte le fait que la fusion interviennent dans un
délai court après l'acquisition, l'importance de la dette
subsistante au moment de la fusion, le niveau faible de capitalisation du
holding, ou encore l'absence d'exercice d'une activité autre que la
simple détention des titres de la cible.
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47 Conseil d'Etat du 3 novembre 1989.
48 Instruction du 3 août 2000, B0I 4-I-2-00 ; Dr. fisc.
2000, n° 37, Instr. 12504
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