PARTIE 2 - LIMITES A LA GESTION DE L'ENTREPRISE
FAMILIALE PAR
LA HOLDING
La holding comme instrument de gestion trouve ses limites au
regard du droit des sociétés et du droit fiscal. En effet,
l'impact de la mise en oeuvre d'une holding dans la gestion de l'entreprise
familiale peut léser les droits des minoritaires soit par un abus de
voix, de pouvoir qui pourront être caractériser, ou encore
léser les intérêts de la société, ce qui
pourra caractériser un abus de biens sociaux. Enfin, l'administration
fiscale sera en droit de requalifier un acte ou une opération au regard
de la théorie de l'abus de droit ou de l'acte anormal de gestion.
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CHAPITRE 1 - LA PROTECTION DES ASSOCIES MINORITAIRES
Outre l'intérêt en termes de contrôle et de
pouvoir, l'utilisation de la holding peut s'avérer risquer à des
fins de prises de contrôle lorsque ces stratégies viennent
à léser les droits des minoritaires, soit par des abus de
majorité, ou à l'inverse, si un groupe minoritaire dispose d'une
minorité de blocage, par des abus de minorité. L'infraction
d'abus de biens sociaux pourra être reprochée aux dirigeants si
une opération est contraire à l'intérêt de
l'entreprise familiale, notamment en cas de fusion qui n'aurait que pour
objectif de rembourser les intérêts de l'emprunt d'acquisition.
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SECTION 1 - ABUS DE MAJORITE, ABUS DE POUVOIR ET DE
VOIX
Il est nécessaire que la holding n'empêche pas
les actionnaires minoritaires des filiales de participer à la vie
sociale de celles-ci dans la proportion des capitaux dont ils disposent. Sur le
terrain de la responsabilité civile, l'action sociale ut singuli
prévue à l'article 245 de la loi de 1966 sur les
sociétés commerciales en cas de dommage subi par la
société n'est ouverte qu'aux actionnaires de la
société lésée.
L'abus de majorité suppose en droit français,
qu'une décision de la majorité des actionnaires ait
été prise « contrairement à l'intérêt de
la société et dans l'unique dessein de favoriser les membres de
la majorité au détriment de la minorité ».
32
Si les prélèvements du holding sur la filiale
deviennent excessifs et mettent en danger l'équilibre financier de la
filiale, les actionnaires minoritaires de la cible peuvent également
invoquer l'abus de majorité. De même la fusion
prématurée entre le holding et la filiale qui constitue
l'aboutissement de l'opération de transmission peut tomber sous le coup
de l'abus de majorité si elle alourdie la charge financière qui
pèse sur la société cible. Pour être
sanctionnée, la fusion doit revêtir une décision contraire
à l'intérêt général de la
société, et elle doit être préjudiciable aux
minoritaires et procéder de l'intention des majoritaires de s'avantager
directement ou indirectement
33
D'un autre coté, peut être invoqué l'abus
de minorité. En effet, en acquérant des droits qui leur permet
d'exercer un droit de véto et donc un pouvoir de blocage sur les
décisions stratégiques de l'entreprise, les actionnaires
encourent un abus de minorité. La société holding peut
aboutir à porter atteinte à la liberté de vote dans les
assemblées générales des filiales et la
société pourrait apparaître de pure
façade.34 La jurisprudence avait annulé l'existence
d'une société qui avait en réalité pour objet et
effet de porter atteinte au libre exercice du droit de vote dans les
assemblées générales des sociétés dont elle
détenait les titres35Il est nécessaire de prouver non
seulement
32 Cass com 18 avril 1961
33 cass crim 6 juin 1990
34 MEMENTO PRATIQUE, « Juridique, fiscal, patrimonial,
financier, social », Editions Francis Lefebvre, Paris, Collection
Mémentos pratiques Francis Lefebvre, 2013
MEMENTO PRATIQUE, « Transmission d'entreprise »,
Editions Francis Lefebvre, Paris, Collection Mémentos pratiques Francis
Lefebvre, 2001, p.463
MEMENTO PRATIQUE, « Groupe de société »,
Editions Francis Lefebvre, Paris , Collection Mémentos pratiques Francis
Lefebvre, 2011-2012
MEMENTO PRATIQUE, « Fiscal », Editions Francis
Lefebvre, Paris, Collection Mémentos pratiques Francis Lefebvre, 2014
MEMENTO PRATIQUE, « Patrimoine », Editions Francis Lefebvre, Paris,
Collection Mémentos pratiques Francis Lefebvre , 20132014
35 Cour d'Appel Paris 21 novembre 1951
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l'intérêt personnel du majoritaire ou du minoritaire
mais aussi l'atteinte à l'intérêt social36
Dans un cas où le capital d'une SA était
détenu par deux groupes d'actionnaires familiaux dont l'un était
majoritaire à hauteur de 51%, une résolution prévoyant la
nomination des deux fils du président comme administrateurs avait
été adoptée. 37Il a été
jugé qu'elle était constitutive d'un abus de majorité
dès lors que « les nominations envisagées ont manifestement
tendu à peser sur le vote du groupe minoritaire relatif à la
modification des statuts et n'ont donc pas répondu à
l'intérêt social » 38
L'abus de pouvoir et de voix est prévu à
l'article L.242-6 alinéa 4 du Code de commerce qui dispose « qu'est
puni d'un emprisonnement de 5 ans et d'une amende de 375 000 € le fait
pour le président, les administrateurs ou les directeurs
généraux d'une SA de faire, de mauvaise foi, des pouvoirs qu'ils
possèdent ou des voix dont ils disposent en cette qualité, un
usage qu'ils savent contraire aux intérêts de la
société, à des fins personnelles ou pour favoriser une
autre société ou entreprise dans laquelle ils sont
intéressés directement ou indirectement ».
Dans la continuité de l'arrêt Rozenblum, a
été juger illicite les opérations succédant un
rachat en LBO. Le holding dans cette affaire, avait en effet organisé la
remontée de trésorerie à partir de la cible laissant
s'accumuler un passif colossal avant de mettre en place une fusion-absorption
avec la société rachetée.39 L'incrimination
d'abus de pouvoir a ainsi pu être utilisée à l'encontre de
ses dirigeants qui avaient organisé cette fusion dans le seul but
d'effacer, par confusion, les avances de la cible à la
société holding, fusion jugée par les juges du droit
« extrêmement déséquilibrée, lésionnaire
et dépourvue de tout intérêt économique ».
40
36 cass 3eme civ 18 juin 1997
37 BLIN- FRANCHOMME M-P, « Essai sur la notion de
contrôle en droit des affaires », 1998, Toulouse, Ecole doctorale
Sciences Juridiques et Politiques
BOUILLET - CORDONNIER, « Pactes d'actionnaires et
privilèges statutaires, le cas particulier des sociétés
cotées », 1992, EFE édition Litec, 1992, vol 1
DAIGRE SENTILLES-DUPONT, « Pactes d'actionnaires », GLN
Joly, 1995, vol 1
GAUDECHON Stéphane, « La holding comme instrument de
gestion fiscale du patrimoine », 1995, Aix-Marseille
38 Cour d'Appel Paris 22 juin 1988 et cass com 24 avril 1990
39 COZIAN Maurice, DEBOISSY Florence, « Précis de
fiscalité des entreprises », Editions Lexis Nexis, Collection
Précis Fiscal, 36e édition 2012
DOSSIERS PRATIQUES, « Les Holdings, guide juridique et
fiscale », Editions Francis Lefebvre, Collection Mémentos pratiques
Francis Lefebvre , 3eédition 2002
LE CANNU Paul, DONDERO Bruno, « Droit des
sociétés », Editions Montchrestien, Collection Domat Droit
privé, 1e édition 2002 40Cass. crim., 10 juillet 1995, n°
3367 PF : JCP E 1996, II, 780, note J. Paillusseau. 45 Cass. crim., 5 mai 1997,
n° A 96-81.482 :
Juris-Data n° 1997-003021; JCP E 1997, pan. 1049; RJDA
12/1997, n° 1493. 46 Article 437-4 de la loi du 24 juillet 1966. 47 Voir
note 44 supra. 48 Voir note 43 supra.
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