Chapitre II : Le choix entre l'unité et le
pluralisme
C'est un choix très difficile à faire. Le droit
égyptien a fait le choix de la pluralité de législations
( Section I ). Tandis que le droit français a
consacré l'idée selon laquelle on a une loi unique avec une
pluralité des cas de divorce ( Section II ).
Section I : Plusieurs législations de statut
personnel en droit égyptien
Le fait que le droit musulman garantisse aux d'himmis
l'application de leur droits religieux en matière de statut
personnel peut subir quelques exceptions. En d'autres termes, ce principe n'est
pas absolu. Le principe selon lequel il faut appliquer aux non-musulmans leur
propre loi, ne constitue pas une règle interprétative.
Ceci peut paraître assez délicat, surtout pour des
questions concernant les cas de divorce comme la répudiation ou le
khul'. De même, il ne faut surtout pas oublier que le divorce
est un effet direct de la façon avec laquelle le mariage est
conçu. Pour les Coptes orthodoxes, par exemple, le mariage est purement
religieux. La cérémonie religieuse organisée par un
prêtre est une condition de validité du mariage. En effet,
l'article 15 de la collection de 1938 régissant les questions du statut
personnel pour les coptes orthodoxes énonce que « le mariage
est un sacrement, prouvé par un contrat qui lie un homme et une femme
par un lien solennel, conformément aux rites de l'Église copte
orthodoxe, et ayant pour objectif la formation d'une nouvelle famille ».
Cette définition
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du mariage a pour conséquence l'existence des cas de
divorce qui se dirigeront dans cette voie. En d'autres termes, étant
donné que le mariage est considéré comme un lien
sacré, l'un ou les époux ne peut ( ou peuvent ) mettre fin au
mariage soit par accord mutuel, soit par la volonté unilatérale
d'un seul époux.
On peut donc comprendre que dans une situation où les
époux sont unis en communauté et en confession ( par exemple,
chacun des époux est grec orthodoxe ), la législation religieuse
s'applique en principe. C'est une application du principe selon lequel le juge
va juger « en fonction de ce qu'ils croient »20.
Le principe est que cette législation ne sera pas choquante pour
les époux, pour la simple raison qu'elle est normalement fondée
sur les principes de leur propre religion. Un respect général de
la religion est mis en place en matière de statut personnel.
Pourtant, la question n'est pas si idéale que l'on peut
imaginer. Ce système de multitude de législation a quand
même des inconvénients en droit égyptien qui empêche
parfois d'atteindre l'objectif voulu par le droit musulman.
Malgré tous les avantages qu'apporte le système
multiconfessionnel égyptien. Il contient quand même quelques
inconvénients. On pourrait dire que ce système ne fonctionne pas
en Égypte avec toute sa pertinence. Pourrait être
considéré comme très bonne solution, le fait qu'on
applique aux époux le droit relatif à leur religion en ce qui
concerne les cas de divorce. En revanche, et contrairement au droit
français, il n'y a pas de droit dont le contenu est libéré
de toute influence religieuse.
On pourrait dire que le droit français est un droit «
neutre ». En droit égyptien, il n' y a pas de droit neutre pour
qu'il forme « le droit commun » qui sera applicable si les conditions
requises pour l'application de la législation confessionnelle ne sont
pas remplies.
Par conséquent, il fallait trouver un droit religieux qui
sera le droit commun pour les cas de divorce, et puisque la religion de
l'État est l'islam et les principes du droit
20 Principe affirmé par le droit musulman.
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musulman sont une source principale de législation, alors
le droit musulman sera considéré comme le droit commun pour les
cas de divorce.
On peut très bien imaginer une situation dans laquelle les
cas de divorce prévus dans le droit musulman s'appliquent aux
époux lorsque l'un des époux est copte orthodoxe et l'autre
époux est grec orthodoxe. On voit ici très clairement une
difficulté qui apparaît : c'est que le droit musulman s'applique
à deux chrétiens orthodoxes, en effet, ils ont la même
communauté, mais ils n'ont pas la même confession. Ceci est
évident, puisque la loi égyptienne exige pour l'application de la
législation confessionnelle que les époux aient la même
communauté et la même confession, ces deux conditions sont
cumulatives.
On comprend donc maintenant pourquoi ce système
multiconfessionnel peut parfois être en face de quelques
difficultés, comme l'application du droit musulman au non-musulmans, la
conformité de la législation confessionnelle au droit religieux (
de l'institution religieuse ), et enfin une question: l'unification de ces
législations résoudra-t-elle ces problèmes ?
§ 1- L'application du droit musulman aux
non-musulmans
Le fait d'appliquer le droit musulman aux non-musulmans n'est pas
nouvelle. En effet, le droit musulman s'applique aux non-musulmans dans
plusieurs domaines autres que les cas de divorce. L'article deux de la
constitution égyptienne dispose que les principes du droit musulman sont
une source principale de législation. Mais il ne faut pas comprendre que
le fait d'appliquer le droit musulman au non-musulmans est
considéré comme un non-respect des non-musulmans, au contraire,
puisque c'est le droit musulman lui-même qui garantit aux non-musulmans
l'application de leur propre législation, en fonction de ce qu'ils
croient.
Quant aux cas de divorce, l'intervention du droit musulman pour
s'appliquer au non-musulmans peut avoir lieu dans trois situations :
A-
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La législation confessionnelle ne contient aucune
disposition religieuse concernant certaines matières.
B- La non-conformité des législations
confessionnelles à l'ordre public.
C- Si les époux non-musulmans ne sont pas unis en
communauté et en confession.
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