Introduction
On ne peut pas parler d'un divorce s'il n'y a pas eu un mariage
avant. L'idée du mariage a évolué selon les
siècles, mais elle garde toujours son contenu principal. «
À cause de cela, l'homme quittera son père et sa mère, il
s'attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu'un.
»2. L'idée du mariage est donc de lier deux
époux qui vivront ensemble le reste de leur vie.
Mais, pour des raisons personnelles, sociales ou
économiques, ce lien pourrait être menacé d'une rupture.
Cette menace de rupture provient d'un malentendu entre les époux. Il est
vrai que cette menace pourrait se réaliser. On parle ici donc d'une
dissolution du mariage, et plus clairement d'un divorce. On voit ici la
relation entre le mariage et le divorce. Effectivement, il existe des cas
où le divorce peut être demandé ou prononcé. Il est
évidemment impossible de répondre à la question des cas de
divorce sans répondre à la question de la nature du mariage.
Selon que l'on assigne le mariage une nature contractuelle ou institutionnelle,
la question du divorce se pose différemment. En outre, la nature
religieuse du mariage ( comme en droit égyptien ), même dans les
législations laïcisées ( comme en droit français ),
du fait du poids de l'histoire, fait du principe du divorce une question
politique3. La question revient à savoir si on veut
élargir ou restreindre le domaine du divorce. Chaque système
juridique a essayé de répondre à cette question d'une
manière différente de l'autre. En revanche, cette réponse
figure toujours dans les cas de divorce qui peuvent restreindre ou
élargir le domaine du divorce. Par exemple, selon certains
auteurs4, il existe « un droit au divorce », plus
concrètement, celui qui veut mettre fin au contrat de mariage aurait le
droit de rompre le lien conjugal, même s'il n'y a pas de faute à
reprocher à son conjoint et même si celui-ci s'y
oppose5. Il appartient donc au législateur de choisir les cas
de divorce qui lui paraissent convenables. Ce choix qui n'est pas neutre. Selon
que l'on est plus ou moins favorable à la liberté dans ce
domaine, on retiendra tel ou tel cas. Ce choix ne se limite ni à la
nature du divorce ( divorce remède, divorce sanction ou divorce constat
d'échec ) ni aux formalités suivies ( divorce administratif ou
judiciaire ). Mais ce choix s'étend à
2 Marc 10 : 7, 8.
3 J. HAUSER et Ph. D. SAINT-HILAIRE, Cas de divorce -
Généralités, JurisClasseur Civil Code, Art. 229, Fasc.
unique, P.4
4 ibid.
5 P. MALAURIE et H. FULCHIRON, La famille,
Defrénois, 2e éd., 2004, P. 213
7
déterminer les situations dans lesquelles le divorce
pourrait être demandé ou prononcé. Il s'agit de cas
ou des causes de divorce.
Certes, les deux termes n'ont pas la même signification. La
cause de divorce signifie que pour obtenir le divorce, il faut prouver un
élément susceptible de provoquer une réaction de cause
à effet. Cette cause peut être objective ou subjective,
c'est-à-dire elle peut être, soit une infraction aux obligations
du mariage, selon la définition classique de la faute, soit purement
objective6. L'expression de cas de divorce est plus
neutre. Elle évoque plutôt un simple classement procédural,
une sorte de nomenclature de cas d'ouverture7. Il s'agit d'un choix
entre deux termes qui n'ont pas la même signification, et chaque
système juridique fait son choix. Par exemple, le droit français
a remplacé les « causes de divorce » par des « cas de
divorce »8. En droit égyptien, chaque législation
confessionnelle a fait son choix séparément. Par exemple, la
législation des Coptes orthodoxes de 1938, qui a été
beaucoup influencé par le Code civil français à cette
époque, a mis en place des causes de divorce ( asbab al talak ).
La loi n° 100 de 1985, relative au statut personnel des musulmans,
n'a pas précisé son choix d'une manière expresse. En
revanche, une autre classification, qui est considérée plus
utile, a été mise en place. Cette classification fait la
distinction entre le divorce par répudiation (el talak ) et le
divorce judiciaire ( el tatlik ).
La question posée pour les causes et les cas pourrait
même être posée pour la notion de « divorce
». Effectivement, en droit français, le divorce est la
« rupture du lien conjugal prononcée par un jugement, soit sur
la requête conjointe des époux ( divorce par consentement mutuel
), soit en raison de l'absence de communauté de vie (
divorce-remède ), soit en raison de la faute commise par l'un des
conjoints ( divorce-
sanction) »9. En droit français,
il s'agit d'une dissolution du mariage prononcée par le juge. En
revanche, dans la législation musulmane de statut personnel en
Égypte, le divorce pourrait être prononcé par le mari ( en
cas de répudiation ) ou par le juge (comme en droit français). Le
droit égyptien admet donc le divorce judiciaire ( tatlik ), et
la répudiation ( talak ).
6 J. HAUSER et Ph. D. SAINT-HILAIRE, op. cit.,
P.9
7 ibid., P.10
8 Art. 229 Cciv.
9 S. GUINCHARD et G. MONTAGNIER (dir.), Lexique
des termes juridiques, 13e éd., 2001, Dalloz, P.210
8
Malgré la différence qui existe entre le droit
français et le droit musulman, la répudiation n'est pas loin du
divorce. Effectivement, le « Titre III » de la réforme
marocaine de 2004 parle du « Divorce sous contrôle
judiciaire ( talaq ) ». Le terme arabe a
été gardé, pourtant, le terme « répudiation
» a été remplacé par le terme
« divorce ». Pour mieux comprendre la position du droit
marocain, le « Titre IV » de la même réforme parle du
divorce judiciaire ( tatlik ) et le « Titre V » concerne le
divorce par consentement mutuel ou moyennant compensation ( khol' ).
Ainsi, la réforme marocaine a voulu faire du mot « divorce
» un terme général pour désigner la
répudiation et le khol'. À l'inverse, en
droit français, la séparation de corps ne peut pas être
considérée comme un « divorce ». Il s'agit d'un
« simple relâchement du lien conjugal, consistant
essentiellement dans la dispense du devoir de cohabitation ...
»10. Il ne s'agit pas d'une dissolution du
mariage11. En revanche, la séparation de corps pourrait
être convertie en divorce12.
On remarque ici que le droit français et le droit
égyptien ne sont pas identiques. En d'autres termes, ils n'ont pas fait
le même choix. Il y a plusieurs critères de comparaison qui
permettent de voir de prêt comment fonctionne chaque système. Le
système français consacre la pluralité de cas de divorce
avec une seule loi. Le système égyptien consacre la
pluralité des lois selon la religion commune des époux. En
réalité, cette dernière pluralité est à
l'origine de plusieurs problèmes en Égypte. C'est là que
le droit comparé intervient pour trouver d'autres solutions prises par
d'autres systèmes, notamment la solution française qui consacre
l'idée selon laquelle il n'existe qu'une seule loi de statut personnel
pour tous les individus quelle que soit la religion. L'existence de cette loi
unique en France oblige le mari musulman qui veut répudier sa femme de
retourner dans son pays d'origine et répudier sa femme en application de
la loi de son pays d'origine, puis il demande la reconnaissance en France de
l'acte ou du jugement de répudiation. Certes, la reconnaissance de la
répudiation en France pose un problème depuis quelques
années, surtout après les arrêts de la Cour de cassation de
2004 qui considèrent que la répudiation unilatérale n'est
pas conforme à la Convention européenne de sauvegarde des Droits
de l'Homme et des Libertés fondamentales et ses
10 ibid., P. 507
11 Art. 299 Cciv.
12 Art. 306 et 307 Cciv.
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protocoles. On voit que même en droit international
privé français, la question du droit comparé se pose pour
que le juge français étudie comment le droit étranger
conçoit les droits fondamentaux en l'intégrant dans son contexte
spécifique d'une part et en fonction des cas de l'espèce d'autre
part. Le juge français devra donc étudier ce contexte pour
découvrir ce que le droit étranger apporte comme garanties pour
respecter les droits fondamentaux.
Il s'agit donc de deux problèmes essentiels : le premier
problème est celui de la laïcité du droit français et
le caractère religieux du droit égyptien. Le second
problème est relatif aux droits fondamentaux. Chacun de ces deux
systèmes a une conception spécifique des droits fondamentaux. Ces
deux problèmes ont influence non négligeable sur las cas de
divorce en général. Premièrement, il s'agit de la question
du choix entre la religion, et la laïcité et l'influence de ce
choix sur les cas de divorce ( I ) ; ensuite, l'influence des
droits fondamentaux sur les cas de divorce ( II ).
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