2- Les garanties procédurales
Avant la réforme de 2000, le juge, d'une part,
n'intervenait pas dans la procédure qui se découlait devant le
ma'zoun189 ; et d'autre part, l'accord du mari était
toujours requis. Si le mari accepte de répudier son épouse
moyennant contrepartie financière, tous deux se rendent chez le
ma'zoun pour enregistrer le divorce. Le Doyen ELEHWANY explique en
détail comment la réforme égyptienne de 2000 a offert
beaucoup de garanties procédurales : « Le juge ne peut
prononcer le divorce qu'après l'échec des bons offices par les
médiateurs des deux parties, dans le délai maximum de trois mois.
La répudiation moyennant compensation est toujours irrévocable.
»190.
Pour expliquer son point de vue sur la question, le doyen H.
ELEHWANY a fait une comparaison entre la répudiation prononcée
par le mari et celle demandée par la femme, elle se résume dans
les points suivants :
187 N. BERNARD-MAUGIRON, « Quelques développements
récents dans le droit du statut personnel en Égypte »,
R.I.D.C. 2-2004, P. 354, s.
188 ibid., P. 361
189 Fonctionnaire préposé aux affaires de statut
personnel nommé par l'État. Un arrêté du ministre de
la Justice de janvier 1955 réglemente le statut du ma'zoun et
organise sa protection.
190 H. ELEHWANY, Les nouvelles tendances en droit
égyptien vers la parité entre les époux, op. cit.,
P.6
92
- Le contrôle judiciaire de la répudiation
prononcée par le mari se réalise à posteriori alors que
celui demandée par la femme se réalise a priori, mais le juge n'a
aucun pouvoir d'appréciation.
- La réparation du dommage subi par la femme en cas de
répudiation prononcée par l'homme est soumise aux règles
de l'abus du droit. Le pouvoir d'appréciation appartient au juge. La
compensation en cas du Khol' est décidée d'avance car il
s'agit d'une condition requise pour l'acceptation de la demande.
- Les droits de la femme en cas de répudiation abusive
sont : le don de consolation et le droit à la réparation du
dommage résultant de la répudiation abusive. Les droits du mari
en cas du Khol' se manifestent en la renonciation de la femme à
la dot et à la pension alimentaire : elle doit, de même, restituer
les dons offerts par son mari.
Le mari ne peut se défendre dans l'action de
répudiation moyennant compensation. En effet, la femme ne lui
reproche rien, c'est elle qui le déteste. Le mari ne peut
démentir cette haine en prouvant l'amour de sa femme à son
égard. Aucune voie de recours n'est admise, le jugement est
irrévocable. En effet, l'irrévocabilité de la
décision s'explique par deux considérations : d'une part, le
divorce a pour base la haine de la part de la femme. L'amour et la haine ne
doivent pas faire l'objet d'une discussion devant les tribunaux : « Le
coeur a ses raisons que la raison ne connaît point ». D'autre
part, la preuve de la haine ou de l'amour porte atteinte à
l'intimité de la vie privée des époux.
La présence de toutes ces garanties tente de rendre les
droits et les devoirs, entre les époux, équivalents. Mais on voit
bien qu'ils ne sont pas identiques. On ne peut pas nier l'importance de la
réforme égyptienne de 2000 qui est considérée comme
une réforme novatrice. En effet, on pourrait considérer que le
système égyptien a commencé à rétablir
l'égalité et la rendre plus efficace. La renonciation de la femme
à ses droits pécuniaires n'a pas empêché les femmes
de demander le divorce moyennant compensation. C'est le prix de la
séparation. Ces sommes pourront donc indemniser le mari qui n'a commis
aucune faute en cas du khol' abusif.
Sur le plan pratique, le nombre de requêtes
présentées aux tribunaux pour demander le divorce moyennant
compensation s'élève à une moyenne de 1200
requêtes
93
par an191. Ce chiffre montre bien qu'en pratique, les
femmes profitent bien de ce cas de divorce pour divorcer par leur simple
volonté unilatérale et sans le consentement du mari. On a vu donc
ici que, pour faciliter l'obtention ( par la femme ) de la rupture du lien
conjugal, le législateur égyptien a fait ainsi appel à la
notion du khol' que connaissait le droit musulman et qui
bénéficiait de la légitimité du droit musulman.
Ensuite, le législateur égyptien l'a aménagé pour
l'adapter aux besoins de la société égyptienne
contemporaine. Le législateur égyptien a eu l'occasion dans le
cas du khol' à faire avancer le droit à partir de
données traditionnelles192.
On voit donc que le divorce moyennant compensation a permis
à l'épouse de divorcer sachant qu'elle perdra ses droits
pécuniaires. La question qui se posera à ce stade est : la femme
pourrait-elle répudier exactement comme l'homme sans recourir au juge ?
En effet, on trouve en droit égyptien, comme en droit marocain, la femme
peut répudier par volonté unilatérale. En droit marocain,
il s'agit d'une répudiation résultant du droit d'option
laissée à la femme ( el tamlik ).
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