A - La séparation de corps, une trace de la
tradition catholique
Malgré la laïcité du droit français, ce
dernier garde toujours des traces du catholicisme. Ceci ne peut pas être
compris comme un inconvénient; au contraire, puisque la loi, même
si elle est laïque, s'applique parfois à des époux qui, eux
sont de religion catholique. Le droit français maintient toujours la
séparation de corps.
La séparation de corps est le relâchement du
lien conjugal prononcé par le juge. Sans dissoudre le mariage, elle
supprime la communauté d'existence entre les
époux85. La séparation de corps a pour origine le
droit canonique, elle est en effet compatible avec les positions de
l'Église catholique sur l'indissolubilité du mariage puisqu'elle
laisse subsister le lien matrimonial. La question qui s'est posée en
1975 est de savoir s'il convient de supprimer l'institution de la
séparation de corps pour ne laisser subsister que le divorce avec la
pluralité de ses cas. Certains l'avaient pensé à
l'époque, par exemple
84 P. MALAURIE et H. FULCHIRON, La famille, op.
cit., P. 240
85 H., L. et J. MAZEAUD, F. CHABAS, Leçons
de droit civil, TOME I, 3e volume, la famille, Montchrestien,
7e édition par L. LEVENEUR, P. 802
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le projet CHAUMIÉ86 avait supprimé la
séparation de corps. En revanche, le projet de loi du gouvernement a
maintenu la séparation de corps et l'éventualité de sa
suppression n'a même pas été évoquée au
Parlement. L'argument essentiel que l'on peut faire valoir en faveur du
maintien de la séparation de corps est que beaucoup de Français
souhaitent, en raison de leurs convictions religieuses, que la
séparation de corps soit conservée. J. MASSIP dit qu'il n'y a
aucune raison de priver les époux de cette faculté à
laquelle ils veulent recourir : « Une loi qui se veut libérale
doit respecter le pluralisme de
l'opinion »87. La séparation de
corps est une trace très importante du catholicisme en droit
français, mais elle a légèrement perdu son appartenance
religieuse par son intégration dans un droit laïc. Ceci signifie
que la séparation de corps n'est pas limitée aux Catholiques,
mais, même les non-catholiques peuvent choisir ce type de désunion
s'ils trouvent que ce système leur est favorable.
En effet, CARBONNIER trouve que la séparation de corps
« ... est offerte aux Catholiques, parce qu'elle est compatible avec
leurs convictions, comme un succédané du divorce, mais purement
facultatif, et d'ailleurs ouvert aussi bien aux non-catholiques ce qui rend
superflue toute recherche d'appartenance »
religieuse88.
Si on examine les chiffres, on trouve d'une part que les zones de
plus grande fréquence se rencontrent dans l'Ouest, le Massif central, en
corrélation avec la pratique religieuse89. D'autre part, on
trouve qu'en 1974, 3300 séparations de corps ont été
prononcées ; 2964 en 1978 ; 3920 en 1982 ; 4570 en 1986 ; 4840 en 1988 ;
et 3926 en 1990. En 1996, il y a eu 9296 demandes pour séparation de
corps ; et en 2000, 7808 demandes.
Comme ces chiffres le montrent, l'importance pratique de la
séparation de corps ne peut pas être négligeable.
Toutefois, au regard des chiffres relatifs au divorce, la séparation de
corps est relativement faible et va même en diminuant : pour 100
nouvelles désunions ( soit par divorce, soit par séparation de
corps ), on trouve 20 séparations de corps face à 80
désunions par divorce sur la période 1890 à 1904 ; sur la
période 1962 à
86 Le projet de l'Association nationale des Avocats
87 J. MASSIP, La réforme du divorce, op.
cit. P.267, s
88 CARBONNIER, Droit civil, op. cit. P.
634
89 ibid., P. 633
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1968, on trouve 12 séparations de corps face à 88
désunions pour divorce ; et actuellement, 4 séparations de corps
face à 96 désunions par divorce90.
Cette grande différence qui se trouve entre la proportion
entre le nombre des divorces et le nombre des séparations de corps est
due à la possibilité de convertir la séparation de corps
en divorce. En effet, la loi du 11/7/1975 prévoyait qu'il faut et il
suffit qu'un délai de trois ans se soit écoulé depuis le
prononcé de la séparation de corps pour que la conversion puisse
être demandée. La conversion est de plein droit,
c'est-à-dire, qu'elle est obligatoire pour le juge91. Il ne
faut pas oublier que le délai de trois ans a été
réduit à deux ans par la nouvelle loi de 200492.
Comme on a vu pour la séparation de corps, il existe
même des cas de divorce qui ont une tendance à se rapprocher
à ceux qui existent en droit égyptien et notamment, la
répudiation.
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