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Les cas du divorce en droit comparé

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par Mina ADEL ZAHER
Université Jean Moulin Lyon 3 - Droit international privé et comparé  0000
  

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Section II : Une loi française unique avec une pluralité des cas de divorce

Le droit français a évité tous les problèmes déjà cités pour le droit égyptien. La plupart de ces problèmes avaient pour origine la pluralité des législations confessionnelles qui régissent le statut personnel en Égypte. Or, le droit français a codifié les cas de divorce dans le Code civil, ce qui fait que le droit français est un droit unique applicable à tout le monde. Il a même dépassé le voeu des Égyptiens, puisque la doctrine égyptienne souhaite avoir un droit unique en Égypte, mais qui contient des dispositions spécifiques pour chaque religion lorsqu'il y a des différences entre les religions.

Quant au droit français qui est considéré comme un droit laïc ne tient compte d'aucune religion. De même le droit français ne contient aucune disposition spécifique à une religion quelconque. Tous les cas de divorce prévus par le droit français concernent tout le monde. Le système français est donc un système libéral : il tend à assurer le respect des convictions religieuses sans se lier à un étroit confessionnalisme. Sa faiblesse est qu'il n'assure qu'imparfaitement ce respect, parce qu'à l'état pur, la notion du divorce catholique impliquerait que l'indissolubilité du mariage fût ( selon CARBONNIER ) indéfiniment préservée68.

Par rapport au système égyptien, le système français pourrait dans son ensemble nous donner une meilleure solution, mais parfois choquante. La doctrine égyptienne considère qu'en France, la loi unique qui régit le statut personnel pour tous les citoyens, même si elle est intégrée dans le Code civil pour la donner un caractère laïc, cette loi est influencée par la religion de la population69. Par conséquent, le Code civil français s'applique à tous les Français même s'ils sont musulmans. Ceci signifie que l'époux musulman sera soumis à des règles qui sont largement influencées par le christianisme70. Mais, en revanche, cette influence diminue de plus en plus. On pourrait déduire de cela que le droit français voudrait établir une sorte d'égalité absolue entre tous les individus quelle que soit leur appartenance religieuse. De même, le législateur français voudrait libérer le droit de la famille de toute influence religieuse, ce qui rendra le contenu du droit de la famille plus cohérent avec la laïcité de l'État.

68 CARBONNIER, Droit civil, 2/ la famille, l'enfant et le couple, PUF, 20e édition, P. 634

69 C. BONTEMS,(dir), Mariage - Mariages, op. cit., P. 599

70 H. ELEHWANY, L'explication des principes de statut personnel des égyptiens chrétiens, op. cit., P.80

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§1- La pluralité des cas de divorce, un choix bien voulu

Pour revenir sur la notion d'unité ou de pluralité. Il est vrai que le droit français est un droit unique dans le sens où il existe une seule loi ( c'est celle qui figure dans le Code civil ) qui s'applique aux époux quelle que soit leur religion71 ( c'est-à-dire qu'il n'y a pas de conflits de lois internes ).

En revanche, la notion de diversité ou de pluralité peut être vue sous un autre angle. On peut aussi examiner la diversité non pas des législations qui régissent les cas de divorce, mais, la pluralité des cas de divorce qui figurent tous dans une loi unique. Il est tout à fait possible de trouver plusieurs cas de divorce dans une seule législation qui ont pour but respecter la pluralité des pensées ( religieuses ou non ) qui se trouvent en France. On a un droit unique certes, mais un droit qui respecte la diversité des individus. En effet, la loi propose plusieurs types de divorce, elle laisse une large marge d'initiative aux époux qui ont décidé de se séparer72. Par conséquent, les époux ne seront pas gênés par l'existence d'un droit unique puisque ce dernier renferme une pluralité des cas de divorce. Les époux ( ou l'un d'eux ) peuvent donc choisir le cas de divorce qui ( lui ou ) leur convient.

La pluralité des cas de divorce qui existe en droit français n'est pas évidente. En effet, une proposition ancienne a été faite pour avoir un cas de divorce unique. La question s'est posée avant la réforme de 1975.

Avant la réforme de 1975, l'Association nationale des avocats a élaboré un projet de loi sur la question ( appelé projet CHAUMIÉ ) par lequel elle consacrait un seul cas de divorce, c'est le divorce constat d'échec73. En d'autres termes, pour Monsieur CHAUMIÉ, il n'existe qu'un seul cas de divorce c'est « l'état de désunion irrémédiable des époux » : le juge devra chercher si les époux peuvent être considérés comme définitivement désunis, sans devoir déterminer l'imputabilité de cette désunion. Ce projet rejetait l'idée d'un divorce pour consentement mutuel. Lorsqu'il s'agit d'une

71 Par opposition au droit égyptien qui contient plusieurs législations et une seule sera applicable.

72 H. FERKH, L'unicité de la notion de famille en droit musulman et sa pluralité en droit français, Lyon 1994, P. 158

73 J. MASSIP, La réforme du divorce, Répertoire du notariat Defrénois, 1976, P. 26, s

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requête conjointe, les époux doivent énoncer les faits sur lesquels ils se fondent pour demander le divorce et le juge, à son tour, doit vérifier si la désunion des époux est bien irrémédiable. De même, la simple faute ou la responsabilité d'un époux n'est pas suffisante pour divorcer. L'échec du mariage est la seule condition dans laquelle le divorce peut être prononcé. C'est un cas objectif de divorce.

Mais ce cas unique de divorce a été contesté par la doctrine. Par exemple CARBONNIER dit : « Les faits d'adultère, d'excès, des sévices, d'injures, de condamnation, ne sont bien souvent que des symptômes, les signes de la désunion n'est elle-même que l'effet d'une cause première qui demeure cachée : la fin de l'amour conjugal, la lassitude, l'incompatibilité d'humeur. Ce qui donne l'illusion de la cause objective, c'est que les causes réelles du divorce ne sont pas apparents et s'avèrent difficiles à démêler. Il est cependant des cas où ce sont bien les manquements aux devoirs conjugaux qui sont la cause de désunion et où la rupture du mariage se pose clairement en termes de responsabilité. »74. En outre, Monsieur J. MASSIP trouve que « le concept de désunion irrémédiable est nécessairement vague et laisse, en conséquence, au juge un très large pouvoir d'appréciation, qui pourrait donner naissance à une jurisprudence très diversifiée, selon les convictions personnelles du juge. »75

De même, Monsieur MASSIP trouve que le simple divorce faillite ouvrirait trop largement les portes du divorce puisque le juge serait tenu de le prononcer sans aucune condition quant à la durée de la désunion, dès qu'il constaterait que le caractère profond de celle-ci76.

À cause de ces contestations, ces critiques et ces inconvénients relatifs à un seul cas de divorce, le législateur en 1975 a retenu la pluralité des cas de divorce.

En effet, la loi du 11/7/1975 a prévu trois cas de divorce différents, ce sont :

1- Le divorce pour consentement mutuel qui se subdivise à son tour en deux cas : - Le divorce sur demande conjointe des époux

- Le divorce demandé par l'un des époux et accepté par l `autre

74 CARBONNIER, « La question du divorce, mémoire à consulter », D.1975, chr. XX, P. 117

75 J. MASSIP, La réforme du divorce, op. cit., P. 36

76 ibid. P.37, s

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Le divorce pour rupture de la vie commune

3- Le divorce pour faute77

Quant à la réforme de 2004, le législateur n'a pas voulu revenir sur le principe du pluralisme des cas de divorce. Cette réforme a maintenu le divorce pour faute, mais elle a transformé le divorce sur demande acceptée en divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage, en outre, elle a profondément modifié le divorce pour rupture de la vie commune et elle l'a transformé en divorce pour altération définitive du lien conjugal78.

§2- Un doute sur l'influence de la religion sur la désunion en droit français

Pour savoir s'il existe toujours une influence de la tradition catholique ou pas. Il faut retourner vers le mariage lui-même et la manière avec laquelle la société française conçoit l'idée du mariage.

En réalité, le mariage en droit français est jusqu'à présent considéré comme un lien indissoluble malgré la pluralité des cas de divorce qui existent en droit français. Mais l'idée est que la tradition catholique influe sur le droit français par la conclusion du mariage, et plus précisément, sur l'objectif voulu par le mariage. Il est vrai qu'en France, le mariage est toujours considéré comme un lien indissoluble.79 C'est pour cette raison que le divorce ( contrairement à la séparation de corps ) n'était admis ni par l'Église ni par le droit canon. Normalement, lors du mariage, les époux ne pensent pas qu'un jour ils souhaiteront être divorcés puisque l'idée de l'indissolubilité est toujours associée au mariage. Mais actuellement, cette influence est en baisse, surtout avec un divorce par consentement mutuel où les époux sont d'accord, non pas sur le principe de divorce, mais sur toutes les conséquences et les effets du divorce. Mais est-ce que ceci signifie qu'on favorise l'idée selon laquelle le divorce est devenu un outil non négligeable en droit français de la famille ?

77 ibid. P. 40

78 P. MALAURIE et H. FULCHIRON, la famille, op. cit., P.239

79 P. MALAURIE et H. FULCHIRON, la famille, op. cit., P.64

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La réponse à cette question dépend de plusieurs données philosophiques, sociologiques et idéologiques, de l'importance qu'on rattache aux valeurs individuelles ou collectives ou, plus essentiellement, de la signification que l'on donne au mariage ( contrat ou institution ).

Ici, la doctrine se divise en deux :

La première partie considère que le mariage est un lien perpétuel, et condamne le divorce au nom de la défense de l'institution familiale. À l'intérieur du même courant de pensée, existe toujours l'idée selon laquelle l'étendue du consentement conjugal change de degré et de nature selon que le mariage est un lien indissoluble ou que le divorce est un remède exceptionnel à une situation particulière qu'on peut appeler « un mal nécessaire »80

Toujours dans la même logique, des auteurs81 trouvent que la possibilité du divorce doit dépendre de l'appartenance confessionnelle des époux. Selon cette logique, le couple aurait le soin de choisir, lors de la célébration du mariage entre un mariage dissoluble ou indissoluble82. Mais il ne faut pas oublier que cette dernière idée n'est plus possible actuellement à cause de la laïcisation de l'État et des lois. L'objection tirée de la religion contre le divorce est affaiblie d'une manière très importante.

En revanche, la seconde partie de la doctrine trouve que, surtout après l'affaiblissement de la non admission du divorce pour des raisons religieuses, le divorce doit être plus libéral et plus large et il ne doit pas se limiter à un divorce constat d'échec, mais, en ouvrant la porte à de nouveaux cas de divorce pour permettre aux époux de choisir librement le cas qui leur est favorable.83

80 ibid. P.240

81 L. MAZEAUD, « Solution au problème du divorce », D. 1945, P.11

82 H. FERKH, L'unicité de la notion de famille en droit musulman et sa pluralité en droit français, op. cit. P.157, s

83 ibid. P. 160

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Mais l'idée qui demeure essentielle est, et comme le dit Monsieur le Doyen H. FULCHIRON : « Les définitions du mariage et du divorce ont d'étroites relations : celle du mariage commande celle du divorce... »84 et inversement.

Le droit français se caractérise d'avoir une pluralité des cas de divorce, mais bien définis, ce qui fait que les cas de divorce sont prévus à l'avance dans la loi. Il est vrai que les époux ne peuvent savoir quel est le cas de divorce qui sera la cause de leur divorce ( surtout qu'au moment du mariage, l'idée est qu'il est conclu comme un lien indissoluble ) mais ils savent malgré cela que si le droit français est applicable au lien quelles seront les causes de divorces possibles.

Malgré la pluralité des cas de divorce qui se trouvent actuellement en droit français, la question se pose toujours pour l'influence de la tradition catholique sur le droit français de la famille surtout pour la séparation de corps ( A ). En revanche cette pluralité a tendance à rapprocher le droit français du droit égyptien ce qui facilite la comparaison entre les deux droits ( B ).

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard