§3-Solution proposée: l'unification des
législations confessionnelles
Malgré la pluralité des problèmes qui sont
causées par le système égyptien actuel, une seule solution
a été proposée pour rendre le système
égyptien multiconfessionnel plus efficace.
55 N. L. BIBAWI, La non constitutionnalité
des lois de statut personnel applicables aux Égyptiens, Le Caire,
2004. p. 101-129 ( en arabe )
56 S. A. ALDEEB, Statut personnel en
Égypte, op. cit., P. 20
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La doctrine égyptienne n'est pas la seule à retenir
cette idée, mais aussi d'autres institutions, comme les institutions
religieuses ont commencé à réaliser d'une manière
concrète cette solution.
A - La doctrine encourage la démarche
Une très grande majorité de la doctrine
égyptienne trouve que la seule solution pour résoudre tous les
problèmes en matière de statut personnel en général
c'est d'unifier ou de codifier les règles relatives au statut personnel
pour tous les Égyptiens.
- Premièrement, le Doyen ELEHWANY insiste sur la
nécessité d'unification. Mais selon lui, cette unification doit
être une unification par étapes et non pas une unification
directe. On ne peut pas passer d'un système à un autre sans
passer par des étapes intermédiaires. En effet, le Doyen ELEHWANY
trouve que le système égyptien doit passer d'au moins deux
étapes pour arriver à l'unification : « Dans une
première étape, les efforts devront être
déployés pour promulguer une loi de famille unifiée pour
les non-musulmans. Plusieurs projets ont été
élaborés par le ministère de la justice, avec la
collaboration de l'Église copte, mais aucun n'a vu le jour...une fois
cette étape achevée, la deuxième doit être la
promulgation d'une loi unifiant le droit de famille pour tous les
Égyptiens : musulmans et non-musulmans, une loi unique, mais comportant
des dispositions distinctes selon qu'il s'agit de musulmans ou de non-musulmans
pour les questions à caractère religieux comme la polygamie.
»57. Il est très clair ici que le Doyen ELEHWANY a
suivi la position d'EL-SANHOURY qui a expliqué l'importance d'une loi
unique mais à dispositions distinctes selon qu'il s'agit de musulmans ou
de non-musulmans, pour les questions à caractère
religieux58.
- Par opposition à ce point de vue, un autre professeur,
Monsieur FARAG a dit, lors du Séminaire copte catholique organisé
au Caire : « Notre conviction personnelle est que, si l'on veut
réellement unifier les dispositions de statut personnel, on doit
entreprendre une unification générale. Il ne s'agit pas en effet
d'élaborer un code particulier aux non-musulmans, à
côté d'un autre code particulier aux musulmans. Tous les
Égyptiens devraient avoir le même code qui serait vraiment civil
c'est-à-dire, fondé non pas sur des dispositions
spécifiquement religieuses qu'elles soient musulmanes,
57 C. BONTEMS, dir, Mariage - Mariages, op. cit.,
P. 605
58 A. - H., ABDEL-HAMID: Le Droit international
privé, 2ème édition, Le Caire 1927, vol.
I, p. 141-142.
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chrétiennes ou judaïques, mais sur un ensemble de
valeurs familiales communes que la société égyptienne
contemporaine serait décidée à promouvoir dans un esprit
de large tolérance »59.
- Monsieur ALDEEB est du même point de vue que Monsieur
FARAG60. Mais l'unification pour lui n'est qu'un souhait qui ne
semble pas être réalisable.
- Quant à Nabil Louka BIBAWI, il voit le problème
de plus près puisqu'il est un juriste copte. Il est complètement
d'accord avec la position de l'Église. Il trouve donc que la solution la
plus adaptée sera d'unifier le droit de statut personnel des
Chrétiens61.
B - Les institutions tentent de concrétiser cette
idée d'unification 1 - Le Parlement
Le législateur égyptien avait à l'esprit
l'unification des législations de statut personnel. Après la
déclaration de l'union entre l'Égypte et la Syrie,
c'est-à-dire en février 1958, deux commissions ont
été crées pour établir deux projets de statut
personnel, le premier organisera le statut personnel pour les musulmans,
l'autre sera spécifique aux non-musulmans. Ce travail a
été repris comme base des deux projets actuellement aux archives
du Ministère de la Justice.
Le premier est intitulé Projet de droit de famille. La
commission de ce projet était composée uniquement de
musulmans.
Ce projet se compose de 476 articles et couvre les
matières suivantes:
- Partie I. Le mariage: conclusion du mariage, fin du mariage,
parenté;
- Partie II. La tutelle : tutelle sur la personne, tutelle sur
les biens;
59 T. FARAG, Les règles de statut personnel
des Égyptiens non-musulmans, Imprimerie universitaire, Alexandrie,
3e édition, 1969, P. 219
60 S. A. ALDEEB, L'impact de la religion sur
l'ordre juridique : cas de l'Egypte : non-musulmans en pays d'Islam,
Fribourg, Suisse, Éditions universitaires, 1979, P. 122
61 S. A. ALDEEB, Statut personnel en
Égypte, op. cit., P. 21
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- Partie III. Succession testamentaire;
- Partie IV. Succession ab intestat;
- Partie V. Dispositions générales.
Ce projet avait pour but de codifier les normes du droit
musulman en se basant sur des opinions de légistes appartenant à
différentes écoles, sunnites et non-sunnites. Malgré la
prétention de ses auteurs, ce projet est très en retard sur
l'esprit législatif moderne62.
Quant au deuxième projet est intitulé «
Dispositions régissant le mariage des non-musulmans ». Il se
compose de 70 articles et couvre les matières suivantes : Les
fiançailles ( chap. I ) ; conditions du mariage ( chap. II ) ;
empêchements au mariage (chap. III) ; nullité du mariage ( chap.
IV ) ; effets du mariage ( chap. V ) ; fin du mariage (chap. VI ) ;
séparation des époux ( chap. VII ) ; dispositions finales.
Sachant que le projet se limite aux matières susmentionnées.
Quant aux autres matières du droit de famille, les non-musulmans sont
soumis aux dispositions du premier projet qui est relatif aux règles du
statut personnel applicables aux musulmans. Il fallait savoir que la commission
du deuxième projet était composée à moitié
de membres chrétiens et à moitié de membres
musulmans63.
Quant à la promulgation de ces deux projets, l'ancien
président Sadate a dit aux professeurs de droit français qui ont
visité l'Égypte à cette époque que la loi de statut
personnel sera promulguée à la fin de l'année 1975. C'est
ce qu'a rapporté Al-Ahram le 15 janvier 1975. Malgré cela ces
deux projets n'ont pas encore vu le jour.
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