§ 2. LES ELEMENTS-CLES CARACTERISANT
L'INDEPENDANCE ET
L'IMPARTIALITE DES ARBITRES
43. Puisqu'il faut définir l'indépendance et
l'impartialité, il est intéressant de
présenter quelques exemples concrets, afin d'avoir une vue plus
pratique de ces exigences. Pour cela, nous allons pouvoir souligner des
éléments clés qui nous permettront de caractériser
si un arbitre est indépendant et impartial. Pour cela, nous allons
utiliser quelques indicateurs, comme peuvent l'être le doute
légitime, le réel danger de parti pris ou encore la conception
d'une personne raisonnable.
A. Le doute légitime
44. Dans les règles d'arbitrage, il n'est pas rare de
trouver une référence au doute justifiable. Par exemple,
l'article 12 du règlement de la CNUDCI le mentionne directement : «
elle signale toutes circonstances de nature à soulever des doutes
légitimes sur son impartialité ou sur son
indépendance. » 26 Cependant, le doute légitime
n'est pas un concept universel. Selon les critères, une même
situation peut être considérée comme présentant un
doute légitime sur l'indépendance et l'impartialité de
l'arbitre et pas dans d'autres cas. De plus la perception de la «
légitimité » peut différer grandement d'un
système à un autre.
45. Par ailleurs, nous distinguons
régulièrement ce qui est légitime et ce qui
est raisonnable, même si très souvent ces deux mots
sont utilisés pour se définir mutuellement, comme c'est le cas
par exemple de cet article : « Un tel doute existe légitimement
lorsqu'un tiers raisonnable et averti *...+»27
46. Dès lors, il convient de chercher d'autres
éléments clé pour
caractériser l'indépendance et l'impartialité de
l'arbitre.
25 L. TRAKMAN, « The Impartiality and
Independence of Arbitrators reconsidered », UNSWLRS 25, 2007.
26 Article 12 du règlement d'arbitrage de la
CNUDCI
27 Règle générale (2) (c) des
Lignes Directrices de l'IBA sur les conflits d'intérêts dans
l'arbitrage international
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L'indépendance et l'impartialité des arbitres
internationaux
B. Le danger réel de parti pris
47. Dans le cas AT & Saudi Cable
Co28, la Cour d'Appel anglaise a rejeté les arguments
de l'appelant évoquant que Mr Fortier avait ou aurait eu en fait
inconsciemment un parti pris.29 Dans cette espèce,
plutôt que d'utiliser le critère du doute
légitime, la Cour s'est référée au danger
réel de parti pris.
48. Un danger réel de parti pris peut désigner
différentes situations. Dans l'affaire Toyota of
Berkley,30 un parti pris a été défini
comme un intérêt financier dans le résultat de l'arbitrage,
un lien familial avec les parties impliquées, le précédent
emploi de l'arbitre par l'une des parties et l'emploi dans un cabinet d'avocat
représentant l'une des parties. 31
49. En effet, le premier élément
mentionné par l'affaire Toyota of Berkley est
l'intérêt financier dans le résultat de l'arbitrage, car
c'est clairement un danger de parti pris. En fait, l'arbitre ne peut pas
être considéré comme indépendant et impartial si sa
décision peut avoir une influence sur sa situation financière
personnelle. Par exemple, si les arbitres empruntent de l'argent aux parties
pendant les procédures arbitrales, cela constituera un réel
danger de parti pris.32
50. Par ailleurs, un courant d'affaires direct, une relation
familiale ou personnelle peuvent aussi constituer une violation de
l'obligation d'indépendance de l'arbitre. Un tel lien n'est pas
acceptable si l'on veut éviter un arbitrage biaisé. Cependant,
certains cas ont mis en évidence que l'absence de doute légitime
a pour conséquence l'absence de parti pris. Par exemple, si l'arbitre a
un statut de haut placé dans un Etat relié à l'une des
parties, cela n'entraine pas nécessairement un parti pris.33
Mais pour les relations familiales, aucune exception n'est prise en compte,
puisque le lien du sang est considéré comme
privilégié dans la plupart des conceptions.
51. En outre, la communication avec les parties peut
être susceptible de constituer un parti pris. Même si ce n'est
pas en soi un danger réel de parti pris, c'est souvent
considéré comme malvenu. Ainsi, l'article 5 des Règles de
Conduite de l'IBA34 propose une vision assez complète des
communications qu'un arbitre peut avoir avec les parties. C'est un très
bon
28 AT&T Corporation v Saudi Cable CO, APP.L.R
05/15, 2000
29 AT&T Corporation v Saudi Cable CO, op. Cit.
No Erreur ! Signet non défini..
30 Berkley v. Automobile Salesman's Union Local
1905, 843 F.2d 751, 756 (9th Circ. 1987), cert, Denied, 486 U.S. 1043 (1988)
31 Z. EJAZ, « Independence and Impartiality of
arbitrators in international commercial arbitration from a theoretical and a
practical perspective ».
32 Middlesex Mutual Ins Co. V. Levine 675 F.2d 1197
(11th Cir. 1982) and In re Friedman, 213 N.Y.S 369 (App. Div. 1925),
cité par Z. EJAZ, « Independence and Impartiality of arbitrators in
international commercial arbitration from a theoretical and a practical
perspective »
33 Logy Enterprises Ltd v. Haikou City Bonded Area
Wansen Products Trading Co. XXIII Y.B. Comm. Arb. 660 (1998), cité par
Z. EJAZ, « Independence and Impartiality of arbitrators in international
commercial arbitration from a theoretical and a practical perspective »
34 Article 5, Règles d'éthique
applicables aux arbitres internationaux de l'IBA.
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internationaux
moyen de donner à l'arbitre des indications claires
pour déterminer quel type de communication avec les parties est
approprié.
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