Chapitre 2 - UNE INDEPENDANCE ET UNE IMPARTIALITE
PARFOIS MENACEES
150. Même si l'indépendance et
l'impartialité sont des exigences garanties en arbitrage international
et si le non-respect de ces exigences peut apporter de facto à
l'application de sanctions, parfois ces concepts seront menacés dans
leur mise en application. C'est pourquoi il convient de s'intéresser aux
menaces qui pèsent sur l'indépendance et l'impartialité.
Nous pouvons souligner que l'obligation de révélation peut dans
certaines circonstances conduire à un dilemme, quant à la
question de divulguer ou non un courant d'affaires (Section I). En outre, si
l'on s'intéresse à l'application dans les faits, il apparait que
la possibilité de remettre en cause l'arbitre est parfois
utilisée à des fins dilatoires (Section II). Enfin, le
problème considérable de la corruption dans l'arbitrage
international devra être abordé (Section III).
Section I - LE DILEMME QUANT A LA DIVULGATION D'UN
COURANT D'AFFAIRES EXISTANT
151. Comme indiqué précédemment, les
arbitres internationaux doivent révéler tous les faits
significatifs susceptibles de soulever un doute sur leur indépendance et
impartialité. Cependant, ce principe, garantie pour les parties, peut
entrer en contradiction avec d'autres principes que l'arbitre doit respecter
dans une relation qu'il va devoir révéler. Cela concerne
notamment le possible « courant d'affaires » de l'arbitre.
Dans la plupart des règles et lois d'arbitrage, l'obligation de
révélation est étendue à toute relation actuelle ou
passée que l'arbitre peut avoir eu avec les parties ou leurs
conseils.
152. Cependant, la plupart des arbitres sont aussi des
professionnels, et peuvent être choisis pour leur expertise dans un
domaine précisément. Ainsi, une partie qui aurait de nombreux
litiges à régler et qui fait confiance aux compétences de
l'arbitre pourrait recourir à ses services une nouvelle fois pour le
différend suivant. De plus, la confiance des parties dans leur arbitre
peut être d'une grande aide pour économiser du temps et de
l'argent, ainsi que pour la sécurité juridique de la
procédure. Finalement, les arbitres internationaux qui sont la plupart
du temps aussi avocats de profession, connaissent déjà les
conseils, qui peuvent même être un support dans leur
désignation. Néanmoins, cela serait inévitablement
considéré comme un danger réel de parti pris.
153. Par ailleurs, l'application aux barristers*
anglais peut être délicate. Organisés par chambre,
les barristers anglais partagent des bâtiments et des
collaborateurs tels que des secrétaires et des clercs. Cependant, ils
gardent leurs dossiers confidentiels et ne partagent pas les fax et les autres
ressources de ce genre.
154. Dans le cas de deux barrister d'une même
chambre, où l'un était le président du tribunal arbitral
et le second un conseil pour l'une des parties, la Cour d'Appel
française a estimé qu'une telle relation d'affaires n'affectait
pas l'indépendance et l'impartialité de l'arbitre.
J. BOYELDIEU Page 44
L'indépendance et l'impartialité des arbitres
internationaux
155. Cependant, il est parfois suggéré que
même s'ils sont légalement indépendants, les
barrister profitent d'une relation fonctionnelle, incluant de se
consulter mutuellement en cas d'affaire difficile.100 A cet
égard, les Lignes Directrices de l'IBA imposent l'obligation au
barristers anglais de révéler les conflits en relation
avec les autre barristers de la même chambre.101
156. Le dilemme quant à révéler un
courant d'affaire peut être piégeur concernant la question de la
confidentialité. En effet, pour certains auteurs, l'obligation de
divulguer des relations passées peut entrer en contradiction avec
l'obligation de confidentialité. L'arbitre peut être amené
à divulguer des désignations précédentes en tant
qu'arbitre par exemple et pour cela de révéler l'identité
des parties à l'arbitrage, alors que la plupart des procédures
arbitrales sont confidentielles.102
157. Finalement, le seul moyen pour l'arbitre de respecter
son obligation d'indépendance et son devoir de confidentialité
serait de décliner l'arbitrage, puisqu'il ne peut pas
révéler les faits significatifs. Le dilemme peut conduire
l'arbitre à se récuser, même si l'arbitre ne croit pas que
le conflit soit avéré, dans le but d'éviter la remise en
cause par la suite, incluant la possibilité d'être dessaisi ou que
sa responsabilité soit mise en jeu.103 De plus, les arbitres
peuvent craindre une atteinte à leur réputation.104
158. En conclusion, nous pouvons mentionner que l'arbitrage
est de plus en plus influencé par des tendances très restrictives
et que ces règles excessivement strictes peuvent limiter la
disponibilité des arbitres qualifiés.105
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