IV-- REGLEMENTATION DES HEDGE FUNDS
Dans le passé, le besoin de réglementation et de
supervision des intermédiaires financiers traitant avec le public avait
rarement été contesté.
L'objectif de la réglementation était triple:
1. De protéger les investisseurs et les
déposants contre les abus et la négligence par le biais de
licences, d'enregistrement et de transparence accru;
2. De réduire les risques systémiques et de
s'assurer de la solidité et de l'intégrité du
système financier, en imposant des exigences en capitaux propres;
3. De s'assurer que les clients obtiennent un service de
qualité à des prix compétitifs;
La situation réglementaire des hedge funds,
comparée à celle des intermédiaires financiers
traditionnels comme les banques, les OPCVM, les primes brokers ou les
compagnies d'assurance, a toujours été équivoque.
D'un côté, les hedge funds opèrent sur des
marchés réglementés, ils utilisent l'infrastructure de
centres financiers réglementés et font des transactions avec des
institutions financières réglementées pour mettre en suvre
leurs stratégies d'investissement. Ils sont donc dans un sens
indirectement réglementés.
D'un autre côté, les hedge funds ont tendance
à se structurer de manière à éviter la supervision
réglementaire directe et d'échapper aux enregistrements
applicables aux restes des sociétés d'investissement (Ex. OPCVM)
.
Ils veulent fonctionner avec un maximum de flexibilité,
ce qui est précisément ce que les régulateurs ne veulent
pas des fonds traditionnels.
Dans cette partie du mémoire nous allons voir le cadre
réglementaire relatif aux sociétés d'investissements en
général et son application aux hedge funds en particulier aux
niveaux des Etas Unis et de l'Europe.
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A- Situation Aux Etats-Unis:
L'économie américaine est principalement
fondée sur le dogme de l'autorégulation des marchés. En
conséquence, le gouvernement ne devrait intervenir que comme
remède lorsque les forces du marché ne parviennent pas à
corriger certaines perturbations.
Toutefois, le krach boursier de 1929 et la dépression
qui s'ensuivait a également établi la ferme conviction que des
marchés financiers non réglementés pourraient conduire
à une spéculation rampante, d'éventuelles bulles, et la
ruine d'investisseurs non protégés.
La conséquence, a été le passage de
réglementations fédérales strictes, qui contrôlent
l'accès des investisseurs aux véhicules d'investissements, et
placent des limites contraignantes sur les institutions financières
quant aux types d'activités qu'elles sont autorisées à
exercer.
Aujourd'hui, trois agences fédérales supervisent
les institutions financières traitant avec le public. La Securities and
Exchange Commision (SEC) à pour rôle de contrôler tout ce
qui est relatif aux valeurs mobilières et appel public a
l'épargne. La Commodities futures trading commission (CFTC) surveille
les marchés à termes. Et, finalement la Réserve
Féderale, qui a pour mandat de surveiller les banques.
Les hedge funds basés et/ou opérant aux US,
seront plutôt concernés par la SEC et à moindre mesure la
CFTC.
La SEC et un organisme gouvernemental quasi judiciaire dont la
mission première est de protéger les investisseurs, maintenir
l'intégrité des marchés de valeurs mobilières et
garantir un accès égal aux informations financières.
4 La SEC tire ses pouvoirs de régulateur à
partir d'une série d'actes parmi lesquelles:
1. Le Securities Act (1933) qui règlemente l'appel
public à l'épargne et la dissémination d'informations
financières.
2. Le Securities Exchange Act (1934) qui réglemente
les firmes de courtage, agents de transfert et agences de compensation ainsi
que les organismes autorégulés, comme le NYSE.
3. Investment Company Act (1940), qui réglemente les
entreprises qui servent d'intermédiaires du public dans les placements
en valeurs mobilières.
4. Investment Advisers Act (1940), qui réglemente les
entreprises ou les praticiens individuels rémunérés en
tant que conseiller en placement.
Bien que toutes ces lois fixent des règles qui semblent
bien fonctionner pour les fonds d'investissement traditionnels, ils sont
incompatibles avec les stratégies des hedge funds comme par exemple, la
vente à découvert, les produits dérivés ou encore
les commissions de performance.
Les hedge funds américains doivent donc utiliser
certaines exceptions et lacunes propres aux lois sur les valeurs
mobilières pour opérer en dehors de leurs portées.
Jusqu'à présent, les hedge funds ont
réussi à contourner la réglementation, tout simplement
parce que leurs investisseurs sont, soit des
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particuliers fortunés, ou, des institutionnels avertis
-- et les lois fédérales des valeurs mobilières
présument que ces investisseurs sont capables de protéger leurs
propres intérêts sans intervention de la SEC.
5 The Securities Act (1993) :
L'article 5 du Securities Act exige la registration
auprès de la SEC de tous les titres proposés en appel public
à l'épargne. En pratique, la plupart des hedge funds évite
ce processus de registration, lent et coûteux, avec toute son exigence en
termes de divulgation d'information à travers la structuration de leur
offre en tant que «placement privé», ce qui la rend
automatiquement exempté de registration.
L'exemption d'un placement privé fédéral
découlant de l'article 4 (2) du Securities Act, permet à la SEC
d'exempter certaines offres de registration avec l'agence si elles n'impliquent
pas un appel public à l'épargne.
5 Regulation D :
La Regulation D sert de refuge pour les placements
privés. La règle 506 est d'un intérêt particulier
pour les hedge funds, elle spécifie les exigences que les offres doivent
satisfaire pour être exemptées.
En résumé, l'offre doit être restreinte aux
investisseurs accrédités.
Dans tous les cas, l'émetteur doit déposer un
formulaire D auprès de la SEC au plus tard 15 jours après la
première vente de part. Le formulaire D informe essentiellement la SEC
que le fond a utilisé la Regulation D et permet également de
fournir des informations basic sur le gestionnaire et son offre.
5 Regulation S :
Alternativement, les hedge funds américains ciblant des
investisseurs étrangers peuvent utiliser le règlement S pour
réclamer une exemption de registration.
5 National Securities Markets Improvement Act (1996) :
Le NSMIA est essentiellement une tentative de mettre à
jour et modifier les Securities Acts précédents ainsi que de
créer un code uniforme que les entreprises et les régulateurs
pourraient suivre. Il propose plusieurs amendements cruciaux aux lois
susmentionnées et libéralise un certain nombre de règles
concernant les sociétés d'investissement dispensées
d'enregistrement auprès de la SEC.
5 Dodd--Franck Law (2010) :
La loi dodd-- Frank oblige tous les hedge funds à
l'exception des family offices de s'enregistrer auprès du SEC et de se
soumettre à certaines exigences de transparence et de reporting
appliquées aux fonds traditionnels.
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B-- Situation en Europe:
L'un des principes fondamentaux du processus
d'intégration européenne a été la création
d'un marché interne intégré, dans lequel existe quatre
libertés fondamentales - la libre circulation des biens, des personnes,
des services et du capital.
En ce qui concerne le capital, la communauté
européenne a approuvé la directive 85/611/CEE sur «la
coordination des dispositions législatives, réglementaires et
administratives relatives aux Undertakings for Collective Investment in
Transferable Securities" connu sous l'acronyme UCITS, une
façon compliquée de dire «Fond ».
L'objectif principal de la directive UCITS a été
de créer un passeport unique pour la commercialisation et la
distribution des OPCVM à travers les pays membres de l'union.
Malgré ses intentions louables, la directive
UCITS a prouvé être un succès mitigé:
- La gamme des Fonds UCITS a été limitée
à ceux qui investissent dans des «valeurs mobilières»,
à savoir, essentiellement les actions et obligations. Cette restriction
a empêché la création de fond monétaire UCITS ou
encore de fond de fond conforme à la directive.
- En théorie, une fois qu'un fond UCITS a obtenu
l'approbation des régulateurs d'un état membre,
l'agréement de distribution devient une simple formalité parmi le
reste des états. En pratique, la directive UCITS a été
interprétée et appliquée différemment dans
différents états.
En conséquence, les fonds UCITS créés
dans un pays étaient principalement vendus aux particuliers de ce
pays.
UCITS II a été
élaboré avec comme objectif l'harmonisation des lois
européennes, ainsi de permettre la création de fond UCITS
(monétaire, fond de fond, dérivés et indiciels). UCITS II
a été abandonné comme étant trop ambitieux.
Finalement, la directive UCITS III a été adoptée par les
membres de l'union, permettant l'harmonisation des lois sur la distribution des
parts de fond dans les pays membres.
La situation des hedge funds en Europe a en un sens,
évolué de façon parallèle à celle des OPCVM.
Initialement, afin de protéger les investisseurs des excès de
risques, les régulateurs avaient imposés des restrictions sur la
distribution des produits alternatifs, la vente à découvert et
l'usage des instruments financiers volatiles.
En conséquence, la plupart des gestionnaires
européens s'étaient installés offshore, à
l'exception de ceux de deux pays, le Royaume-Uni et la Suisse, qui disposaient
de réglementations accommodantes.
Avec l'augmentation de la demande des produits de gestion
alternative, les régulateurs européens ont finalement
accepté les hedge funds comme un style de gestion viable. Ils ont
progressivement assoupli les lois sur les hedge funds et permis aux
investisseurs traditionnels d'investir dans ces fonds.
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Par conséquent l'industrie européenne des hedge
funds commence à émerger et les fonds qui se sont établies
offshore commencent à reconsidérer leurs domiciliations.
Cependant, la culture européenne reste un obstacle, les
investissements qui font usage de produits dérivés ou d'effet de
levier sont considérés avec beaucoup de suspicions. Les pertes
subites par des entreprises qui utilisent les mêmes instruments que les
hedge funds (Ex. Affaire Kerviel -- Société
Générale, Barings Bank, Metalgesselshaft) n'aident pas le cas des
hedge funds.
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