Section 2 : Les critères de la
non-imposition
Tous les revenus provenant des jeux ne sont pas exempts
d'imposition. Pour être exempts d'imposition, les revenus doivent
provenir des gains de jeux d'argent et de hasard.
Qu'entend-on par jeu d'argent et de hasard ? Le poker est-il un
jeu de hasard ?
Les jeux de hasard se distinguent des jeux
d'adresse.137 Le critère de distinction est le hasard, mais
cette distinction est souvent difficile à mettre en oeuvre car dans
certains jeux de hasard, il y a une
134 B. CASTADEGNE, op. cit, p. 13.
135 B. GOUTHIERE, « Les impôts dans les affaires
internationales », Francis Lefebvre, Paris, 9e ed., p.15.
136 Le protocole 11 de la Convention fiscale du 07/03/2007
entré en vigueur le 01/06/2010 dispose : « Les dispositions de
l'article 22 ne sont pas applicables aux gains provenant des
jeux.»
137 L'article 2 de la loi de 2010 dispose : « Est un
jeu de hasard un jeu payant où le hasard prédomine sur
l'habileté et les combinaisons de l'intelligence pour l'obtention du
gain.»
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part d'adresse.138
Il convient de voir les critères de distinction entre les
jeux d'adresse et de hasard (paragraphe 1) puis les conséquences
fiscales de cette distinction (paragraphe 2).
La distinction entre jeu d'adresse et jeu de hasard est
très importante dans la mesure où, tout d'abord, cette
distinction permet de qualifier si les revenus tirés de ces
activités de jeux sont des revenus imposables ou non.
Paragraphe 1 : La distinction jeu de hasard/ jeu d'adresse
« Le terme hasard est tiré du mot arabe, Al-zarh,
qui signifiait jeu de dé, il implique, par sa seule origine, la notion
de jeu, de gain, d'élément aléatoire mais qui rapporte ou
qui fait perdre. »139 A travers cette assertion, nous
constatons que le jeu est intiment lié au hasard.
Le Professeur Jean-Louis Mouralis, pour distinguer les jeux
d'adresse et de hasard estime que : « Les jeux d'adresse sont ceux
dont le résultat dépend principalement de l'adresse corporelle ou
intellectuelle de parties.» et « Les jeux d'adresses sont ceux dont
le résultat dépend essentiellement du
hasard.»140
Il y a donc parmi les jeux d'adresse : les jeux d'adresse
corporelle et les jeux d'adresse intellectuelle. Le code civil ne
réglemente que les jeux d'adresse corporelle.141
Parmi les jeux de hasard, Émile Borel et Jean Ville
distinguent deux catégories : « dans la première
figurent les jeux de pur hasard, où la personnalité du joueur
n'intervient pas... dans la deuxième classe : ce sont les jeux où
interviennent à la fois le hasard proprement dit et l'habileté
des joueurs. Cette classe comprend en particulier l'immense majorité des
de cartes.»142
Afin de mieux cerner les critères de la distinction entre
les jeux de hasard, il convient de voir les critères légaux (A)
qui ont été précisés par la jurisprudence (B) mais
dont les contours demeurent flous notamment. (C)
A- Les critères légaux de la
distinction
La loi ne définissant pas ce qu'est un jeu d'adresse, la
loi de 2010 relative aux jeux en ligne a défini le jeu de hasard par
opposition au jeu d'adresse. En effet, l'article 2 de la loi de 2010 relative
aux jeux en ligne dispose : « Est un jeu de hasard un jeu payant
où le hasard prédomine sur l'habileté et les combinaisons
de l'intelligence pour l'obtention du gain.»
138 J-L MOURALIS, « Jeu-pari »,
Répertoire de droit civil, Généralités, Janvier
2012.
139 N. PONS, « Les jeux de hasard et internet
», op.cit
140 J-L MOURALIS, « Jeu-pari »,
Répertoire de droit civil, op. cit.
141 L'article 1966 du code civil dispose : « Les jeux
propres à exercer au fait des armes, les courses à pied ou
à cheval, les courses de chariot, le jeu de paume et autres jeux de
même nature qui tiennent à l'adresse et à l'exercice du
corps, sont exceptés de la disposition précédente.
Néanmoins, le tribunal peut rejeter la demande quand la somme lui
paraît excessive. »
142 E. BOREL, J. VILLE, E. BOREL, J. VILLE, «
Applications de la théorie des probabilités aux jeux de
hasard », op.cit, p. 10
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Le critère est donc la prédominance du hasard sur
l'adresse. Comment est quantifiée cette prédominance ? Cette
prédominance doit-elle être partielle, totale ?
Avant la loi de 2010, il n'y avait aucune définition
légale du jeu de hasard. La loi du 12 juillet 1983 relative aux jeux de
hasard n'appréhendait le jeu de hasard que sous l'aspect pénal
sans pour autant définir ce qu'est un jeu de hasard.143 En
effet, la loi de 1983, en son article 1er condamnait la tenue de maison des de
hasard : « Le fait de participer, y compris en tant que banquier,
à la tenue d'une maison de jeux de hasard où le public est
librement admis, même lorsque cette admission est subordonnée
à la présentation d'un affilié, est puni de trois ans
d'emprisonnement et de 90 000 euros d'amende. Les peines sont portées
à sept ans d'emprisonnement et à 200 000 euros d'amende lorsque
l'infraction est commise en bande organisée. »
mais aussi l'importation des machines de jeux.144
S'agissant du poker, il est un jeu de hasard et non un jeu
d'adresse au sens de la loi. En effet, plusieurs dispositions classent le poker
dans la catégorie des jeux de hasard.
Tout d'abord, le Code civil, bien que ne régulant pas les
jeux d'adresse classe les contrats de jeu et de pari dans la catégorie
des contrats aléatoires.145 Le code civil distingue bien le
contrat de jeu et celui de pari mais la pratique légale et judiciaire ne
font pas cette distinction notamment en matière de jeu de hasard selon
le Professeur Mouralis.146
Ensuite, plusieurs décrets réglementant les jeux de
hasard, classent le poker dans la catégorie des jeux de
hasard.147
La jurisprudence est venue préciser la distinction entre
les jeux d'adresse et les jeux de hasard car le critère légal
n'est pas clairement défini. En effet, il n"existe pas de liste
clairement défini de jeux de hasard. La cour d'appel de Paris, dans une
affaire relative au poker en ligne, précisait : « Certes, il
est constant qu'il n'existe ni définition précise des jeux de
hasard ni de liste les énumérant. »148
143 A. De GUILLENCHMIDT - GUIGNOT, « Les contrats de
jeux d'argent et de hasard en ligne», in Jurisclasseur, fasc. 330,
p.5.
144 L'article 2 de la loi dispose : « L'importation ou
la fabrication de tout appareil dont le fonctionnement repose sur le hasard et
qui permet, éventuellement par l'apparition de signes, de procurer
moyennant enjeu un avantage direct ou indirect de quelque nature que ce soit,
même sous forme de parties gratuites, est punie de trois ans
d'emprisonnement et de 45000 Euros d'amende. Les peines sont portées
à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 Euros d'amende lorsque
l'infraction est commise en bande organisée. »
145 L'article 1964 du code civil dispose : « Le contrat
aléatoire est une convention réciproque dont les effets, quant
aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l'une ou
plusieurs d'entre elles, dépendent d'un événement
incertain. Tels sont : Le contrat d'assurance, Le jeu et le pari,Le contrat de
rente viagère. »
146 J-L MOURALIS, « Jeu-pari »,
Répertoire de droit civil, op. cit.
147 L'article 1er du Décret n° 2010-723 du 29 juin
2010 relatif aux catégories de jeux de cercle mentionnées au II
de l'article 14 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à
l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur
des jeux d'argent et de hasard en ligne ainsi que les principes
régissant leurs règles techniques dispose : « Tout
opérateur de jeux de cercle en ligne titulaire de l'agrément
mentionné à l'article 21 de la loi du 12 mai 2010
susvisée peut exploiter les différents types du jeu de cartes
dénommé « Poker » mentionnés à l'article
3 du présent décret. »
Arrêté du 14 mai 2007 relatif à la
réglementation des jeux dans les casinos, Loi du 15 juin 2007 relative
aux casinos.
148 CA Versailles, 9ème ch., 4 mars 2009, n° 07/01
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