2- La pratique habituelle
La décision du tribunal a pris comme faisceau d'indices la
pratique habituelle du joueur.
Cette prise en compte de la pratique habituelle des jeux pour
fonder l'imposition est discutable car elle remet en cause la jurisprudence
mais aussi la jurisprudence précédente.
En effet, s'agissant de la doctrine administrative, une
instruction publiée en 2000 précise : « La pratique,
même habituelle, de jeux de hasard tels que loteries, tombolas ou jeux
divers, ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de profits
devant donner lieu à imposition au nom des personnes participant
à ces jeux. »200
Cette doctrine a été confirmée en
matière des jeux de course : « Sauf circonstances
exceptionnelles, la pratique, même habituelle, de paris sur les courses
de chevaux ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de revenus
au sens de l'article 92 du CGI.»201
S'agissant de la jurisprudence, plusieurs arrêts relatifs
au jeu de hasard ont confirmé que la pratique même habituelle des
jeux de hasard ne conduisait pas à la qualification des gains en revenu
imposable. C'est notamment le cas des gains de jeu de course.202
Un autre faisceau d'indices est le caractère professionnel
des activités de jeu.
B- Le caractère professionnel des activités
de jeu
Pour imposer les revenus du joueur, le juge administratif avait
estimé « qu'il avait participé à deux tournois au
cours de l'année 2005 ; qu'en outre, et compte tenu du type
l'activité que constitue la pratique professionnelle du jeu de poker,
que ce soit en ligne ou dans le cadre de la participation à des
tournois»
Les revenus perçus étaient en qualité de
professionnel fondait l'imposition des revenus du joueur.
Cette solution reprend la solution prise en matière de jeu
de Bridge203 confirmé par un arrêt de 1969 dans lequel le Conseil
d'Etat estimait, s'agissant des revenus d'un joueur de Bridge: «Que
les
199 Conseil d'Etat, 7 Mai 1980, n° 18035
200 Doc. Adm. DGI 5 G-116 n° 8 61 et 119
201 BOI-BNC-CHAMP-10-30-40, § 20, 12 sept. 2012.
202 Conseil d'État, 8 / 7 SSR, du 21 mars 1980, 11235.
203 CE, 27 décembre 1937, req. n° 44 644
44
gains qu'il a réalisés en qualité
d'amateur ne peuvent, dans l'exercice de ce jeu être regardes comme
constituant la rémunération d'une activité
déployée en vue de réaliser un profit, ni comme ayant leur
source dans une "occupation" ou "exploitation lucrative. «204
La doctrine adopte la même solution en estimant que les
gains de jeux de Bridge obtenus en qualité de joueur professionnel sont
des gains imposables.205
La question peut se poser si le Bridge est vraiment un jeu de
hasard dans la mesure où l'adresse est prépondérante au
hasard.206
S'agissant du poker, le Conseil d'Etat a pris en compte la
qualité de joueur professionnel d'un joueur qui avait des
activités illicites, des revenus indéterminés et qui
était directeur d'une maison de jeu de hasard illicite.207
Ces solutions sont spécifiques au bridge et aux
activités illicites.208
La prise en compte, par le tribunal, du caractère
professionnel du joueur pour justifier l'imposition des revenus est discutable
dans la mesure où, s'agissant de certains jeux de hasard tels que les
paris sur les chevaux, les parieurs, même ayant la qualité de
professionnel, sont exemptés d'impôt sur le revenu sur le montant
des gains perçus lors de ces jeux.209
Mais cette décision est discutable dans la mesure
où s'agissant des parieurs de jeux de course, qui est un jeu de hasard,
les joueurs, même professionnels sont exemptés d'imposition sur
leurs gains.210
C- L'importance des gains
La prise en compte de l'importance de gains pour fonder
l'imposition est discutable dans la mesure où les gains de jeux de
hasard, si importants soient-ils, ne sont pas des gains constituant des revenus
imposables.211
Dans une affaire concernant les paris hippiques dont le joueur
avait des gains réguliers et important, le Conseil d'Etat avait
estimé que : « Ensuite, c'est le cas des paris sur les chevaux. La
Cour estime que : « Sauf circonstances exceptionnelles, la pratique,
même habituelle des jeux de hasard, de paris sur les courses de chevaux
ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de profits (au sens de
l'article 92 du CGI), alors même que le montant des gains provenant de
ces paris au cours d'une année serait supérieur au montant des
bénéfices ou revenus déclarés par
l'intéressé au titre de ladite année ou que les chances de
gagner seraient, comme en l'espèce, plus grandes grâce aux
connaissances acquises par l'intéressé comme éditeur d'une
note d'informations hippiques.»
Cette solution a été confirmée par un
arrêt de 1980 dans une affaire concernant un joueur de
204CE, 12 juillet 1969 op.cit.
205 BOI-BNC-CHAMP-10-30-40, § 20, 12 sept. 2012).
206 B. CAROBENE, « Jeux de cartes pour tous »,
op. cit.
207 CE, 7e et 8e sous-sections, 4 décembre 1985, req. n.
43.383
208 F. DOUET, « Le traitement fiscal des gains
procurés par les jeux de hasard et des prix académiques,
artistiques, littéraires et sportifs », Gazette du Palais, 17
février 2001 n° 48, P. 31
209 Idem.
210 BOI-BNC-CHAMP-10-30-40, § 20, 12 sept. 2012).
211 F. DOUET, « Le traitement fiscal des gains
procurés par les jeux de hasard et des prix académiques,
artistiques, littéraires et sportifs », op. cit
45
« Tiercé ».212
Les décisions des juges judiciaires et administratifs ont
des conséquences sur les gains des joueurs de poker.
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