Seconde partie: L'exceptionnelle imposition des
gains de jeux hasard
Deux décisions juridictionnelles sont venues remettre en
cause le principe de la non-imposition des jeux de hasard en
général et en particulier celui du poker.
La première est celle rendue par le tribunal
administrative de Clermont-Ferrand en 2010.195
Dans cette affaire, des parents ont vu l'administration effectuer
des rehaussements d'impôts sur les gains des jeux issus des
activités de jeu de hasard de leur fils, notamment ceux du poker.
192 CE, 22 mai 1992, req. n° 69903 et 69904
193 L'article 155 du Code général des impôts
dispose : « I.-1. Lorsqu'une entreprise industrielle ou commerciale
étend son activité à des opérations dont les
résultats entrent dans la catégorie des bénéfices
de l'exploitation agricole ou dans celle des bénéfices des
professions non commerciales, il est tenu compte de ces résultats pour
la détermination des bénéfices industriels et commerciaux
à comprendre dans les bases de l'impôt sur le revenu.
2. Lorsqu'un titulaire de bénéfices non
commerciaux étend son activité à des opérations
dont les résultats entrent dans la catégorie des
bénéfices de l'exploitation agricole ou dans celle des
bénéfices industriels et commerciaux, il est tenu compte de ces
résultats pour la détermination des bénéfices non
commerciaux à comprendre dans les bases de l'impôt sur le revenu.
»
194 C. BERGERES, « Une arme silencieuse du fisc : la
disqualification des bénéfices non commerciaux ou des
bénéfices agricoles en bénéfices industriels ou
commerciaux», La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 3,
15 Janvier 1987, 14842
195Tribunal Administratif de Clermont-Ferrand, 1re
ch., 21 oct. 2010, n° 090640, M. et Mme Petit, RJF 6/2011, n° 702.
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Ils ont contesté cette décision devant le tribunal
car ils estimaient que selon la jurisprudence établie, les gains de jeux
de hasard ne constituaient pas des revenus imposables.
Le tribunal administratif a considéré que :
«La pratique habituelle du jeu de poker, y compris en ligne, dans des
conditions assimilables à une activité professionnelle, est
susceptible de constituer une occupation lucrative ou une source de profits
générant un revenu imposable dans la catégorie des
bénéfices non commerciaux en vertu des dispositions de l' article
92 du code général des impôts»
La seconde affaire concerne des joueurs qui organisaient des
parties de poker. Ils sont été poursuivis sur le fondement du
délit de participation à la tenue d'une maison de jeux de hasard
prévu à l'article 1er de la loi de 1983 relative aux jeux de
hasard.196
Les prévenus ont été relaxés par une
décision du tribunal correctionnelle de Toulouse qui a
considéré que le délit n'est pas constitué dans la
mesure où le caractère de jeu de hasard, en sa version Hold'em
Poker, n'était pas établi.197
Cette décision du tribunal correctionnel a
été confirmée, en appel, par la Cour d'Appel de
Toulouse.198
Les juges judiciaires ont considéré que le
caractère de jeu de hasard du poker n'était pas
avéré. Si le poker n'est plus un jeu de hasard, il est donc un
jeu d'adresse dont les gains constituent des revenus imposables.
Le juge administratif de Clermont-Ferrand a
considéré que des revenus de poker pouvaient constituer, sous
certaines conditions, des revenus imposables.
L'interprétation des critères d'imposition retenus
par les juge est contestable (Section 1) car elle remet en cause le
caractère aléatoire des jeux, ce qui est discutable (section
2).
Section 1: Une interprétation contestable
Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, pour fonder
l'imposition des gains du poker a estimé que: «que dès
lors, la pratique habituelle du jeu de poker, y compris en ligne, dans des
conditions assimilables à une activité professionnelle, est
susceptible de constituer une occupation lucrative ou une source de profits
générant un revenu imposable dans la catégorie des
bénéfices non commerciaux en vertu des dispositions
précitées de l'article 92 du CGI ; qu'en deuxième lieu, il
résulte de l'instruction que le fils des requérants a
perçu, durant l'année 2005, et alors qu'il n'exerçait,
ainsi que l'indique l'administration fiscale en défense sans être
utilement contredite sur ce point, aucune autre activité professionnelle
effective susceptible de lui procurer des revenus, des gains récurrents
importants, matérialisés par de nombreux crédits sur ses
comptes bancaires personnels, provenant de sites internet offrant notamment des
services de jeu de poker en ligne ;
196 L'article 1er de la loi de 12 juillet 1983 dispose : «
Le fait de participer, y compris en tant que banquier, à la tenue
d'une maison de jeux de hasard où le public est librement admis,
même lorsque cette admission est subordonnée à la
présentation d'un affilié, est puni de trois ans d'emprisonnement
et de 90 000 euros d'amende.
197 Tribunal Correctionnel Toulouse, 20 juillet 2011, n° 06
000 061 278.
198 Cour d'appel Toulouse, 17 Janvier 2013, N° 11/00947,
JurisData : 2013-003024.
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que l'administration fiscale fait également valoir en
défense que le nom du fils des intéressés apparaissait de
plus sur des sites internet consacrés à la pratique à un
niveau élevé du jeu de poker, les requérants ayant
d'ailleurs admis, au cours des opérations de contrôle, que les
nombreux crédits portés sur les comptes bancaires de leur fils
provenaient de la pratique de ce jeu, et dans leurs écritures, qu'il
avait participé à deux tournois au cours de l'année 2005 ;
qu'en outre, et compte tenu du type l'activité que constitue la pratique
professionnelle du jeu de poker, que ce soit en ligne ou dans le cadre de la
participation à des tournois, l'absence de mise en oeuvre de moyens
importants par le fils des requérants, soit la seule utilisation d'une
ligne internet, d'un ordinateur, d'un ou plusieurs comptes bancaires avec une
ou plusieurs cartes de crédits et d'une voiture, ne saurait être
de nature à enlever à la pratique habituelle de ce jeu en dehors
de toute autre activité professionnelle concrète, le
caractère d'une occupation lucrative générant des revenus
imposables ; que par suite et dans ces conditions, l'administration fiscale
doit être regardée comme établissant que le fils des
requérants exerçait, en pratiquant le jeu de poker durant
l'année 2005, une activité professionnelle taxable dans la
catégorie des bénéfices non commerciaux en vertu des
dispositions susvisées de l'article 92 du CGI»
Il convient de voir les conditions d'imposition (Paragraphe 1) et
les conséquences (Paragraphe 2).
Paragraphe 1: Les conditions d'imposition
Le juge administratif, retient faisceaux d'indices pour fonder
l'imposition: les circonstances de jeux (A), le caractère professionnel
(B), l'importance des gains (C).
A- Les circonstances de jeux
Le tribunal mentionne les moyens mis en oeuvre (1) mais aussi la
pratique habituelle (2).
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