2.2 L'exécution du contrat
Une fois formé, le contrat est la loi des parties, il doit
être exécuté de bonne foi et oblige « non
seulement à ce qui y est exprimé, mais aussi à toutes les
suites que l'équité,
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l'usage ou la loi donnent à l'obligation
d'après sa nature. »27 Les parties sont donc tenues
d'exécuter les obligations du contrat mais aussi celles que la loi, la
jurisprudence ou l'usage imposent dans le cas de telle ou telle relation
contractuelle. Une clause d'intégralité peut
éventuellement renforcer la portée des engagements souscrits en
prescrivant que ceux-ci ne sont pas détachables les uns des autres.
Il convient ici d'envisager les possibilités offertes
en cas d'inexécution par le débiteur de l'une ou plusieurs de ses
obligations contractuelles. L'expression « inexécution »
recouvre plusieurs réalités. Ce peut être une absence
d'exécution (totale ou partielle) ou bien une exécution
défectueuse. Le créancier de l'obligation est alors en droit
d'obtenir l'exécution forcée de la part du débiteur.
Cependant l'exécution forcée n'est pas toujours possible, dans ce
cas l'inexécution sera compensée par des dommages et
intérêts.
La pratique la plus courante est de prévoir les
questions de responsabilité dans le contrat. Cependant la loi peut
toujours suppléer la volonté des parties en cas de vide
contractuel. En revanche, le contrat ne devra pas contredire des dispositions
d'ordre public. Les règles qui s'appliqueront seront celles du contrat
d'entreprise (I, 2.1 ; II, 1.1), ou celles de la société en
participation (I, 2.2 ; II, 1.1). L'intérêt de la distinction
entre les obligations de moyens et de résultat prend ici tout son sens.
Néanmoins il faut garder à l'esprit que la clause limitative de
responsabilité qui contredit la portée de l'obligation
essentielle est réputée non écrite28.
Une autre alternative au créancier de l'obligation est
de se retrancher derrière l'exception d'inexécution,
c'est-à-dire qu'il pourra s'abstenir d'exécuter à son tour
la prestation qu'il aurait dû effectuer en contrepartie. Par exemple, on
peut retarder contractuellement la cession des droits de
propriété intellectuelle sur le code source d'une livraison
jusqu'au moment du paiement par le client. Notons au passage que le droit de
rétention n'est pas vraiment efficace en matière de logiciel
puisque celui-ci peut être facilement reproduit. Il pourrait en revanche
être exercé par le prestataire à qui le client,
27 Code civil, article 1135
28 Cour de cassation, 29 juin 2010, Sté.
Faurécia contre Sté. Oracle
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débiteur d'un ou plusieurs paiements, aurait remis du
matériel informatique pour qu'il y installe le logiciel et le
configure.
Le créancier de l'obligation inexécutée peut
également rompre le contrat. Il existe deux possibilités : la
résolution et la résiliation.
La résolution du contrat consiste à priver
rétroactivement le contrat de tous ses effets, les parties devront alors
chacune se restituer leurs prestations. C'est différent de l'annulation
(2.1) puisqu'en l'espèce le contrat a été valablement
formé. La résolution peut résulter d'une clause
résolutoire. Celle-ci prévoit que la convention sera
résolue de plein droit dans le cas d'inexécution totale ou
partielle de ses obligations par l'un des cocontractants. Si la partie à
qui est opposée la résolution la conteste et este en justice, le
jugement qui sera prononcé ne fera que constater que les conditions
prévues par la clause résolutoire ont bien été
réunies.
Néanmoins, « La condition résolutoire
est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas
où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
»29 La résolution devra alors être
demandée en justice. Il existe en revanche, dans certains cas
gravissimes, une possibilité de résolution unilatérale
consacrée par la jurisprudence.30
Quant à la résiliation, son effet est
l'anéantissement du contrat pour l'avenir, elle concerne essentiellement
les contrats à exécution successive. L'article 1794 du code
civil, en matière de contrat d'entreprise, le prévoit :
« Le maître peut résilier, par sa seule
volonté, le marché à forfait, quoique l'ouvrage soit
déjà commencé, en dédommageant l'entrepreneur de
toutes ses dépenses, de tous ses travaux, et de tout ce qu'il aurait pu
gagner dans cette entreprise. »
29 Code civil, article 1184 alinéa 1er
30 Civ. 1ere, 20 fevr. 2001, n° 99-15170, Bull. Civ. I,
n° 40 ; D. 2001.1568, note Ch. JAMIN
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La méthode agile étant une méthode
itérative (basée sur des cycles), elle implique des livraisons
successives. On préférera alors ce second mode de rupture
à moins qu'il s'agisse d'une inexécution grave, par exemple si le
prestataire n'exécutait aucune de ses obligations.
Pour régler plus facilement les questions de
responsabilité en cas d'inexécution, il peut parfois
paraître important de mettre en place une convention de preuve pour
déterminer contractuellement de la valeur probante de certains documents
qui pourraient être présentés en cas de différend,
à l'appui d'un compromis ou d'une action en responsabilité.
Les parties peuvent convenir contractuellement du tribunal qui
sera compétent en cas de litige. Cependant, conformément à
l'article 48 du code de procédure civile une telle clause ne sera
valable qu'entre « des personnes ayant toutes contracté en
qualité de commerçant » et lorsqu'elle aura «
été spécifiée de façon très
apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est
opposée. » Cette clause est le plus souvent accompagnée
d'une clause de conciliation amiable, voire même d'une clause
compromissoire fixant la compétence d'un tribunal
arbitral.31
Si les parties ont décidé de clauses de
garanties il conviendra de les appliquer. En l'absence de toute
précision, le juge considérerait, en matière de
prestations informatiques, que le fournisseur du programme est seulement
débiteur d'une obligation de moyens.32 Cependant l'article
1792 du code civil établit une responsabilité du constructeur de
l'ouvrage envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage pour les
dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou le rendent
impropre à sa destination, cette action se prescrit par dix ans. En
outre, l'article 1792-3 institue une garantie de bon fonctionnement de deux ans
pour les éléments d'équipement dissociables de
l'ouvrage.
31 Code civil, article 2059 et suivants
32 Com. 3 déc. 1985, n° 84-14.463, Bull. civ. IV,
n° 284 [sol. impl.] , RTD civ. 1986. 372, obs. Rémy, et 765, obs.
Huet.
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L'applicabilité de ces articles, inspirés par le
secteur de la construction, est contestable. Comme nous le rappelions en
introduction, le développement logiciel est une activité de
conception. Néanmoins, l'article 1792-1 assimile l'architecte au
constructeur de l'ouvrage. Le législateur de 197833 a ainsi
voulu appliquer le même régime de responsabilité à
toutes les personnes accomplissant « une mission assimilable à
celle d'un locateur d'ouvrage », y compris celles accomplissant une
prestation strictement intellectuelle. Et c'est dire tous les points communs
entre l'architecture et l'architecture logicielle, la seconde n'ayant cependant
pas encore acquis - en raison de son jeune age - la même maturité
que la première.
La garantie contre les vices cachés ne peut jouer
concernant un logiciel que dans l'hypothèse où le contrat porte
sur un système dans lequel un vice du logiciel induirait une
indisponibilité du service. La Cour de cassation ne semble pas
distinguer entre la garantie portant sur le logiciel lui-même et celle
portant sur le système complet dans lequel il est intégré,
ce qui pourrait être interprété favorablement à la
thèse de la garantie légale en matière de logiciel (y
compris, peut-être la nouvelle garantie de conformité introduite
par l'ordonnance du 17 février 2005)34. Cependant les
créations intellectuelles sont soumises à des régimes
particuliers. Dans ce cas pourquoi ne pas préférer la garantie
contre l'éviction ou garantie de jouissance paisible habituellement
appliquée en matière de droit d'auteur, bien qu'empruntant son
régime à la vente ? On préférera cependant les
garanties conventionnelles eu égard aux incertitudes de régime
quant à la garantie dans les contrats portant sur des logiciels.
En ce qui concerne le contentieux relatif à
l'exécution du contrat, l'adoption d'une méthode agile ne semble
pas avoir de grandes conséquences sinon de former la convention plus
rapidement (2.1) et donc de ramener les questions qui auraient fait l'objet
d'une responsabilité délictuelle vers le contentieux
contractuel.
33 Loi n°78-12 du 4 janvier 1978 - art. 1 JORF 5 janvier
1978 en vigueur le 1er janvier 1979
34 Warusfel B., Recours de l'acheteur face à la
défaillance logicielle d'un système, RLDI 2005/4, no 120, p.
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