1.2 Les Obligations du client
Le client prend traditionnellement avantage dans le rapport de
force, notamment de deux manières. La première c'est de
réaliser un appel d'offre, de cette façon les prestataires en
concours seront prêts à accepter l'impossible pour le remporter.
La deuxième, qui accompagne souvent la première, c'est de
proposer un projet de contrat comme base de négociations. La partie qui
prend cette initiative prend automatiquement avantage sur l'autre car il y aura
pour cette dernière beaucoup plus de points à discuter
puisqu'elle n'a pas rédigé elle-même la proposition.
Lorsqu'elle obtiendra une concession de la part de la partie rédactrice,
ce sera au prix d'une autre de sa part. On peut ainsi dire que la partie qui
n'a pas rédigé la proposition de contrat démarre la
négociation avec une dette.
L'obligation principale pesant sur le client est celle du
paiement du prix. Cette obligation correspond à la contrepartie du
travail du prestataire tel que nous l'avons défini
précédemment. Le périmètre fonctionnel étant
de nature changeante, on peut conclure un contrat dans lequel les parties
décident dès le départ d'un prix définitif et
où le nombre de livrables dépend alors de la quantité de
travail à fournir. Cependant le client ne sera pas sûr de parvenir
à l'issue du projet pour le prix initial. Ce modèle consiste en
réalité en ce que l'on appelle une régie plafonnée,
c'est alors davantage le prestataire qui y trouve son
18
compte puisque peu importe la charge de travail, son
engagement se limite au prix convenu. En pratique on va essayer de
rééquilibrer le risque par des clauses d'indexation du prix des
fonctionnalités en fonction de leur complexité ou valeur
métier, variables déterminées et mesurées d'un
commun accord.
L'obligation de livrer incombant au prestataire correspond
à l'obligation du client de prendre livraison. Puisque la chose
livrée est incorporelle on peut alors confondre cette obligation avec
celle de réception, aussi appelée recette. En effet, pour que
prix d'une livraison soit exigible par le prestataire, il faut que le client
ait accepté ce qui lui est livré - le plus souvent après
une phase de test. La recette est donc la manifestation de la volonté du
client d'accepter la livraison. En pratique la recette peut être
définitive, provisoire ou faite sous réserves. Le contrat devra
de toute façon en préciser les modalités.
L'obligation de collaboration est habituellement
considérée comme la contrepartie de l'obligation d'information et
de conseil du prestataire dans les contrats de service. Le devoir de
collaboration commun à tous les contrats d'entreprise se déduit
de l'obligation de bonne foi posée à l'article 1134 al.3 du code
civil. Il est néanmoins limité puisqu'on l'y conçoit
d'abord de manière négative : le devoir de non-immixtion du
maître de l'ouvrage dans les travaux de l'entrepreneur. Ainsi, ce dernier
peut s'exonérer de sa responsabilité si les faits invoqués
résultent d'une intervention du maître de l'ouvrage. Une
ingérence du maître de l'ouvrage peut également
entraîner la responsabilité pénale de l'entrepreneur pour
prêt de main d'oeuvre illicite (II, 1.1).
Ce devoir de non-immixtion est toutefois à
tempérer car, dans le contexte d'une méthode agile, la notion de
collaboration est beaucoup plus exacerbée que pour une méthode
classique. Deux des quatre valeurs fondamentales du manifeste agile impliquent
cela :
« Les individus et leurs interactions plus que les
processus et les outils f...] La collaboration avec les clients plus que la
négociation contractuelle ».
19
Quant aux principes concernés, il y en a plusieurs,
mais le plus évocateur est le suivant :
« Les utilisateurs ou leurs représentants et
les développeurs doivent travailler ensemble quotidiennement tout au
long du projet. »
On voit bien que l'agilité éloigne le contrat du
cadre du louage d'ouvrage eu égard à la question
d'indépendance. Dans le contrat fourni en annexe on trouve d'autres
obligations qui se rattachent à la collaboration :
maintenir la disponibilité de personnel
qualifié, notamment le chef de projet client, pour aider le prestataire
à effectuer ses prestations ;
mettre à disposition du prestataire tous les moyens
nécessaires notamment précisés dans le plan de
qualité de service, lui garantir l'accès aux locaux,
matériels, selon un planning décidé en commun ;
traiter les demandes du prestataire, par exemple en cas
d'obstacle, pour ne pas ralentir le travail ;
L'obligation de collaboration issue d'un contrat agile apporte
ainsi une dimension nouvelle, à tel point qu'il est permis d'envisager
l'incapacité du contrat d'entreprise à encadrer un projet agile.
Il s'agit alors de rechercher quel cadre juridique pourrait correspondre
(2).
On rencontre aussi très souvent une obligation de
sécurité relative au système informatique utilisé
à l'occasion des développements, cette obligation se doit
d'être réciproque, les membres des équipes auront à
accepter une charte en la matière. En outre, lorsque des données
personnelles sont traitées grâce au logiciel objet du contrat, il
est courant de trouver des clauses qui laissent à la charge du client la
détermination de la façon de respecter la loi informatique et
libertés. En effet les SSII préfèrent bien souvent
20
ne pas engager leur responsabilité sur des questions
qu'ils ne maîtrisent pas forcément. Cette gestion s'avère
souvent être un casse-tête technique et juridique, sans compter que
les dispositions applicables sont parfois difficiles à
interpréter dans un contexte international. Ce genre de
difficultés se rencontre généralement davantage dans les
contrats d'intégration que dans les contrats portant exclusivement sur
des logiciels.
|