CONCLUSION
C'est un parcours bien mouvementé que suit la
théorie de la dilution. Élaborée aux Etats-Unis, cette
construction progresse aujourd'hui au sein de notre droit des marques et tente
toujours, tant bien que mal, d'y trouver sa place.
La tâche est loin d'être facile car la dilution,
à juste titre,continue d'éveillerla méfiance. En allant
s'appliquer au-delà des frontières de la
spécialité, la protection contre la dilution peut en effet
constituer une menace sérieuse pour la liberté du commerce et de
l'industrie. Malgré cela, la force attractive de la marque nous semble
être pourtant digne de protection.Il est ainsi important de surmonter ces
craintes afin d'éviter que la théorie de la dilution ne devienne
un paria du droit des marques, comme c'est le cas aux Etats-Unis.
Nous restons certains qu'il est possible de parvenir à
une protection légitime et cohérentecontre la dilution. Pour
cela, il faudraitque son régime soit rigoureusement encadré et
qu'elle ne s'applique que dans des hypothèses exceptionnelles.
Malgré les récents efforts de la Cour de justice, on constate que
c'est loin d'être le cas. En effet, le champ d'application
démesurément étendu de la protection, d'une part,et la
complexité de la preuve de la dilution, d'autre part, conduisent souvent
à des solutions laxistes.
Toutefois, convaincus que des remèdes existent, cet
échec ne nous semble pas insurmontable. Peut-être faut-il renoncer
au critère de la modification du comportement économique du
consommateur, réduire l'étendue du champ d'application en
revenant au seul cadre non concurrentiel et à une conception de la
renommée plus raisonnable. Il est vrai que ces pistes impliquent une
refonte de notre droit des marques, mais peut-être est-ce là le
prix à payer si l'on veut redonner une certaine cohérence
à la protection des marques renommées en
général.
Nous choisissons de conclure cette étude sur une note
positive. La théorie de la dilution dispose depuis peu d'une
véritable assise juridique puisqu'elle peut être envisagée
comme une protection de la fonction d'investissement de la marque,
récemment identifiée par la Cour de justice. Cette solution
conforte l'existence juridique de la dilution etlui permet de regagner en
légitimité mais aussi, en quelque sorte, de retrouver son
identité. Elle peut aujourd'hui exister comme une atteinte à la
distinctivité, non pas au sens d'identification mais au sens
d'attraction de la marque. C'est là un premier pas vers sa
réhabilitation au sein de notre droit.
BIBLIOGRAPHIE
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