Seconde partie :
La conception affinée du préjudice de
dilution
Les juges ont procédé à une
interprétation extensive très critiquable des dispositions
communautaires relatives à la protection des marques renommées.
La Cour de justice retient d'une part une conception très souple de la
renommée, permettant ainsi à un nombre de marques très
élevé de bénéficier d'une protection contre le
préjudice de dilution. D'autre part, elle multiplie les
hypothèses de cette protection spéciale en étendant son
application au cadre concurrentiel. Cet égarement du droit des marques,
laissant présager une protection quasi généralisée
contre le préjudice de dilution,permet un véritable contournement
du principe de spécialité.L'équilibre bien fragile entre
le droit des marques et le principe de libre concurrence est ainsi
sévèrement menacé.
La protection contre le préjudice de dilution, beaucoup
trop compréhensive et distendue, traverse ainsi une crise de
légitimité. Face à cette dérive, les juges n'eurent
d'autre choix que d'adopter une conception restrictive du préjudice. Le
concept de dilution en sortira inévitablement malmené. La
compréhension et la redéfinition théoriques du
préjudice de dilution pourront toutefois favoriser sa
réhabilitation au sein de notre droit des marques. La résolution
des crises de légitimité et de cohérence que traverse la
théorie de la dilution nécessite ainsi un affinement des contours
de la notion, d'une part (Chapitre 1), et de son contenu, d'autre part
(Chapitre 2).
Chapitre 1. L'affinement des contours de la
dilution :
la minimisation du préjudice
Les juges ont tenté de neutraliser l'extension
excessive du champ d'application sur un autre terrain. Ils ont ainsi
précisé et minimisé le préjudice de dilution en
rendant plus ardue sa démonstration. Alors que la preuve du seul emploi
de la marque renommée antérieure a parfois pu suffire à
caractériser le préjudice, les juges exigent désormais que
soit démontré une association intellectuelle faite par le
consommateur entre les signesmais également un changement de son
comportement économique. Le préjudice de dilution ne correspond
donc aucunement, et fort heureusement, à une seule perte
d'exclusivité du signe. S'ajoute ainsi à la démonstration
préalable d'une proximité entre les signes (Section 1) l'exigence
de démontrer une véritable atteinte au pouvoir distinctif
(Section 2).
Section 1. La démonstration préalable d'une
proximité entre les signes
Avant de démontrer une atteinte au caractère
distinctif, le titulaire de la marque devra logiquement apporter la preuve
d'une proximité entre les signes. Pour ce faire, il devra
démontrer l'existence d'un fait générateur, consistant en
la reproduction ou l'imitation de sa marque par le signe litigieux
postérieur (§1) et le fait que cet emploi pousse le consommateur
à faire un lien entre les deux signes (§2).
§1. La démonstration d'un emploi de la
marque renommée
Avant une ordonnance de 2008, la nature de l'emploi requis
était très discutée (A). Le débat étant
aujourd'hui tranché, nous ne feronsqu'un bref rappel de la
controverse.Nous étudierons également la question, souvent
ignorée, de l'origine de l'emploi, c'est-à-dire du type de signe
qui peut constituer cet emploi (B).
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