La dilution des marques renommées( Télécharger le fichier original )par Marion Pinson CEIPI - M2 droit européen et international de la propriété intellectuelle 2012 |
2) Le territoire de référenceDans le même arrêt General Motors, la Cour de justice persiste dans le laxisme sur la question de l'étendue territoriale de la renommée. Les textes communautaires exigenten effet que la marque jouisse d'une renommée « dans l'Etat membre ». Les juges communautaires ont adopté une lecture très compréhensive de cette exigence lorsqu'ils affirmentqu'« il ne peut être exigé que la renommée existe dans « tout » le territoire de l'Etat membre. Il suffit qu'elle existe dans une partie substantielle de celui-ci »91(*). La solution n'est en soi pas choquante ; on ne saurait exiger d'une renommée qu'elle s'étende sur la totalité du territoire. Plus inquiétante est par contre la conception qu'a la Cour de justice de ce que constitue la « partie substantielle » d'un territoire puisque c'est comme telle qu'elle considère un seul des trois pays du Benelux92(*). La marque pourra donc être renommée même si elle n'est connue que sur une partie restreinte du territoire. Ainsi, la reconnaissance locale d'une marque par un public spécialisé suffit à caractériser la renommée. Il est aisé de comprendre qu'un nombre considérable de marques peut donc prétendre à la protection contre le préjudice de dilution alors que celle-ci ne devrait être limitée qu'à des cas exceptionnels. Cette distorsion du champ d'application de la protection se poursuit avec son extension au cadre concurrentiel. §2. Une extension de la protection au cadre concurrentielLes articles 8.5° et 9.1° c) du règlement sur la marque communautaire ainsi que les articles 4.4° a) et 5.2° de la directive du 21 décembre 1988 permettent au titulaire d'une marque renommée de sanctionner l'utilisation de son signe par un tiers pour désigner des produits ou services différents. Cette protection spécifique de la marque renommées'applique ainsi en dehors du cadre de la spécialité et son bénéfice est, en toute logique, dispensé de la preuve d'un risque de confusion. En dehors de cette hypothèse, c'est-à-dire en présence de deux signes désignant des produits ou services identiques ou similaires, deux cas de figure peuvent être distingués. Conformément à l'article 5.1° a) de la directive, le titulaire d'une marque peut empêcher l'utilisation d'un signe postérieur identique désignant des produits ou services identiques. Il pourra faire de même, conformément à l'article 5.1° b), face à un signe postérieur identique ou similaire désignant des produits ou services identiques ou similaires, à condition, cette fois, de rapporter la preuve d'un risque de confusion. A première vue, le terrain de protection des marques semble bien balisé. Pourtant, une zone d'ombre subsiste. Qu'advient-il lorsque l'emploi d'une marque renommée antérieure pour des produits ou services similaires n'entraîne aucun risque de confusion ?Si l'on suit la lettre des textes, il semble que le titulaire de la marque renommée ne puisse agir que sur le terrain de l'article 5.1° b) puisqu'on est en présence de produits ou services similaires. La Cour de justice en a pourtant décidé autrement en dégageant une solution contra legem (A) dont on peine à saisir l'opportunité (B). * 91 CJCE, 14 sept. 1999, General Motors c/ Yplon, op. cit., pt. 28. * 92 A. BOUVEL, op. cit., n° 34. |
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