La dilution des marques renommées( Télécharger le fichier original )par Marion Pinson CEIPI - M2 droit européen et international de la propriété intellectuelle 2012 |
B/. L'appréciation démesurément extensive de la renomméeA titre liminaire, il convient de faire mention de la place de la marque notoire dans ce système de protection renforcée.En effet, celle-ci s'apparente à la marque renommée puisqu'il s'agit grossièrement d'une marque qui jouit d'une certaine célébrité. Elle s'en distingue toutefois par son absence d'enregistrement. Nous n'évoquerons pas la question de la distinction des deux notions sur laquelle la littérature juridique s'est déjà abondamment penchée82(*). Il nous importe toutefois de déterminer si la marque notoire peut bénéficier de la protection reconnue à la marque renommée. Alors que l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle étend expressément la protection spéciale des marques renommées aux marques notoires83(*), les articles 8.5° et 9.1° c) du RMC ainsi que les articles 4.4° a) et 5.2° de la directive du 21 décembre 1988 ne font référence qu'à la marque qui « jouit d'une renommée ». Ce silence ne serait toutefois pas un obstacle pour faire profiter d'une protection spéciale aux marques notoires.Dans un arrêt du 22 novembre 2007, la Cour de justice a en effet considéré que la marque notoire et la marque renommée constituaient des notions voisines84(*). Par ailleurs, il semble qu'une lecture combinée des articles de la directive du 21 décembre 1988 et du règlement sur la marque communautaire permet d'accorder aux marques notoirement connues la même protection qu'aux marques renommées85(*). La marque notoire, au même titre que la marque renommée, pourra ainsi bénéficier d'une protection contre la dilution de son caractère distinctif. La renommée est une notion déterminante puisque d'elle dépend le bénéfice de la protection contre le préjudice de dilution. De la conception plus ou moins large que l'on en retient dépend ainsi le nombre de marques pouvant prétendre à une protection en dehors de leur spécialité. On comprend alors que cette conception plus ou moins large met en jeu l'intégrité du principe de libre concurrence.
Sans craindre de dénaturer le concept86(*), la Cour de justice des communautés européennes retientde la renommée une définition très laxiste puisque le degré de réputation requis est très faible,au regardà la fois du public (1) et de la zone géographique (2). 1) Le public de référenceDeux conceptions de la renommée et de la notoriété peuvent être retenues en fonction du degré de réputation exigé. Une interprétation souple voudra qu'on retienne une marque renomméelorsque celle-ci est connue d'une large fraction du public concerné par les produits ou services qu'elle désigne. Une conception plus stricte de la renommée consiste à prendre en compte la connaissance de la marque par une large fraction du grand public. Notre droit positif retient la première solution. Dans un arrêt General Motors, la Cour de justice des communautés européennes estime en effet qu'une marque est renommée lorsqu'elle est « connue d'une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par cette marque »87(*). Cette appréciation extensive de la renommée est contestable à plusieurs égards. D'une part, en qualifiant de renommée une marque connue seulement d'un public spécialisé, le nombre de marques bénéficiant du régime dérogatoire s'accroît démesurément. Or cette protection ne devrait rester qu'exceptionnelle, sous peine de malmenerle principe de spécialité et, partant, la liberté de la concurrence. Par ailleurs, accorder une protection renforcée à une marque connue des seuls professionnels d'un secteur entraîne l'indisponibilité de signes qui sont pourtant inconnus du grand public88(*). Le titulaire d'une marque renommée dans le secteur de matériels de plongée pourrait ainsi empêcher l'emploi de son signe pour désigner des cosmétiques. On ne voit là aucune utilité à cette protection. D'autre part, M. Bouvel note avec raison que retenir une définition extensive de la renommée est dénué d'intérêt. En effet, le titulaire d'une marque qui n'est connue que d'un public spécialisé peinera à effectivement bénéficier de la protection élargie89(*). En effet, fort heureusement, la seule preuve de la renommée ne suffit pas puisque la démonstration d'un lien entre les signes devra être également rapportée.Ainsi, les marques utilisées dans un secteur spécialisé qui auraient passé le test de la renommée se verront de toute manière refuser la protection lorsqu'elles échoueront à démontrer l'association mentale faite par les consommateurs entre les signes en conflit. Notons que le droit américain a, dans le cadre de son système anti-dilution, tiré les conséquences de l'incohérence d'une telle solution en revenantà une interprétation stricte de la renommée. Une marque n'est désormais caractérisée comme telle que lorsqu'elle est largement connue du grand public90(*). * 82 Pour plus d'informations sur la distinction des deux notions : V. A. BOUVEL, La protection des marques renommées, op. cit., n° 16 et s. * 83 Article L. 713-5 al. 2 du CPI: « Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables à la reproduction ou l'imitation d'une marque notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la Convention de Paris ». * 84 CJCE, 22 nov. 2007, aff. C-328/06, Nieto Nuño, Rec. 2007, I-10093. * 85 A. BOUVEL, op. cit., n° 16. * 86 F. POLLAUD-DULIAN, « Marques de renommée. Histoire de la dénaturation d'un concept », Propr. intell., oct. 2001, n°1, p. 43. * 87 CJCE, 14 sept. 1999, aff. C-375/97, General Motors c/ Yplon, Rec. 1999, I-5421, pt. 26. * 88 F. POLLAUD-DULIAN, op. cit., p. 50 ; A. BOUVEL, op. cit., p. 15. * 89 A. BOUVEL, op. cit., n° 32. * 90 The Trademark Dilution Revision Act of 2006 (H.R. 683), Section 43 c)(2)(A) : « A mark is famous if it is widely recognized by the general consuming public of the United States as a designation of source ». |
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