CHAPITRE 8 : LA RECONSIDÉRATION DES
STRUCTURES EXISTANTES
Ce chapitre s'interroge sur l'un des aspects primordiaux au
fonctionnement de l'industrie musicale : le dyptique majors / labels
indépendants. Si ce phénomène était
déjà apparu aux États-Unis au moment de la naissance du
rock and roll, il se reproduit avec une intensité et une
spécificité accrue à partir du milieu des années
soixante en Grande-Bretagne, dans le sillage creusé par les Beatles.
Mario d'Angelo338 parle très justement de «
périphérie » et de « centre » pour désigner
de manière représentative cette dichotomie qui n'englobe pas
seulement la structure industrielle des firmes mais aussi tout un réseau
de facteurs culturels et sociaux à prendre en compte. Ce sont ces
aspects qui dynamisent le plus l'industrie du disque puisqu'autant les majors
anglaises, homogène dans leur ensemble, constituent la force
centripète se chargeant à la fois de la production, de
l'édition, de la fabrication et de la distribution, autant la «
nébuleuse » d'entreprises de production (la
périphérie) qui existe en parallèle se cantonne le plus
souvent dans la seule production de programmes pour des raisons que je vais
tenter d'expliquer. La dynamique du secteur dépasse en outre
l'opposition biaisée entre le caractère industriel du
côté des « grands », et artisanal du côté
des « petits ». Jusqu'à quel point les majors se sont elles
vues déstabilisées par l'avènement des indépendants
? Les conséquences de ce renversement des tendances sont elles
mesurables sur le long terme ?
I/ Les majors : centralisation et distribution
338 Cf. ANGELO, Mario d', La renaissance du disque :
les mutations mondiales d'une industrie culturelle (1989).
Le développement de l'industrie musicale en
Grande-Bretagne met fondamentalement la place des majors du disque sur le
devant de la scène. Le succès colossal des Rolling Stones (Decca)
et des Beatles (Parlophone/EMI), bien que ces derniers aient été
rejetés plusieurs fois avant d'être engagés par EMI, montre
dans un premier temps une ouverture de l'industrie, qui ne cantonnait plus le
rock uniquement à un public ouvrier où à une classe
sociale particulière, et prouve que les grandes compagnies, même
si elles ne représentent qu'une fraction du paysage discographique,
réalisent à elles seules la plus grande partie des ventes
mondiales. Pour plus de clarté, j'ai délibérément
choisi de revenir quelques années en arrière afin de mieux
comprendre les liens noués par les majors du disque avec la naissance de
nouveaux courants musicaux.
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