C/ Le producteur de musique populaire
La production en musique classique renvoie ici au
procédé matériel de reproduction de disque mais elle place
qui plus est les producteurs au coeur de l'industrie musicale, ce qui est
d'autant plus le cas avec les musique populaires : « Music producers
became the link between record labels and musicians and managers.
»250 L'exemple le plus célèbre reste bien
entendu celui de George Martin auprès des Beatles, avec
l'imprésario Larry Parnes qui oeuvra à la fin des années
cinquante. Alors employé chez Parlophone depuis 1955, filiale de la
multinationale EMI, plus intéressé au départ par le
classique que par la musique populaire251, Martin cultive des
relations étroites avec ses musiciens et exerça une influence
majeure sur toutes les phases de la production, à tel point qu'il n'est
sans doute pas exagéré de préciser que les Beatles
n'auraient pas connu un tel succès sans l'appui de leur producteur.
Argument d'autant plus valable qu'au début des années soixante
Liverpool, selon le magazine local Mersey Beat, comptait plus de 350
groupes qui, comme les Beatles, jouaient du skiffle et du
merseybeat et reprenaient des standards du rhythm and blues
américain. Même la signature du contrat ne peut expliquer
à lui seul leur succès puisqu'au même moment un autre
groupe de Liverpool, Gerry & the Pacemakers, signèrent
également chez Parlophone. Comme les Beatles, ils eurent pour producteur
George Martin et pour manager Brian Epstein, jeune notabilité locale
à la tête du plus grand magasin de disques de Liverpool (et qui
notamment
entendra les Beatles jouer au club The Cavern). Malgré
trois Numéro 1 dans les charts anglais252, Gerry & the
Pacemakers doit se séparer en 1966. À l'inverse, Martin
dévoua toute son énergie et sa persévérance
à ses protégés, leur arrangeant d'une part un son
inhabituel et une harmonisation reconnaissable parmi d'autres, ce qui leur
assure un succès immédiat (les deux premiers singles, « Love
Me Do » et « Please Please Me », enregistrés à
l'automne 1962 dans les studios d'Abbey Road sont des succès, et sont
suivis d'un premier album qui sort en avril 1963), et d'autre part une
promotion aussi réfléchie qu'implacable : aspect visuel
façonné par la photographie et les médias (et notamment
grâce aux travaux d'Astrid Kirchherr et de Dezo Hoffman), puis
utilisation des shows à la radio et à la
télévision, sans compter les
250 TSCHMUCK, Peter, op. cit., p.
130.
251 Son refus d'engager Tommy Steele fut d'ailleurs
très mal vu par Lockwood, qui pensait à un moment dissoudre
Parlophone.
252 « How Do You Do It », « I Like It » et
« You'll Never Walk Alone ».
tournées successives destinées à
promouvoir la sortie des singles. C'est de cette manière que les Beatles
furent introduits sur le marché américain : alors que Capitol
investit 50 000 dollars pour promouvoir le titre « I Want to Hold Your
Hand », les Beatles tournent en parallèle le film A Hard Day's
Night (1964), passent eu Ed Sullivan Show en février 1964 et
sortent pour finir deux albums spécifiquement conçus pour le
marché américain : Introducing... the Beatles et
Meet the Beatles !253 Par conséquent, sur une
période de soixante semaines, du 1er février 1964 au 20 mars
1965, les singles des Beatles ont dominé les charts américains
durant vingt-trois semaines. Avec les Beatles, « a business model came
into being that characterizes the music industry to this day
»254.
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